L'Expression

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Mohamed Ghafir, ancien responsable de la Fédération du FLN en France

«L'émigration était le maillon fort»

Doté d'une mémoire phénoménale, Mohamed Ghari, dit Moh Clichy, est un moudjahid de la première heure. Il a fait son «maquis» en France où il s'est distingué par de hauts faits d'armes. Il nous raconte succinctement, dans cet entretien, le poids de l'émigration dans le Mouvement national et la guerre d'indépendance.

L'Expression: La part prise par l'émigration dans le combat libérateur est assez mal connue. Qu'en était-il avant le 1er novembre 1954? Quel était l'apport de l'émigration dans la maturation de la pensée révolutionnaire?
Mohamed Ghafir: La contribution de l'émigration au Mouvement national, puis à la guerre de libération est loin d'être négligeable. Je dirai même qu'à des moments de l'Histoire du pays, l'apport de la communauté algérienne à l'étranger a été déterminant. Je ne me revendique pas de la communauté à proprement parler. Je ne suis pas né en France, ni vécu là-bas durant les années précédant la révolution. J'y ai atterri en 1955, en pleine révolution. Cela pour être clair et pour dire que mon propos ne relève pas d'un quelconque esprit étroit ou une volonté d'en dire plus que de raison. Cela étant dit, je m'appuie sur des données historiques vérifiables pour mettre en lumière le poids de l'émigration dans le processus révolutionnaire. Je ne vous dis rien que vous ne sachiez pas si j'affirme que l'Etoile nord-africaine, la première organisation politique que devait diriger l'Emir Khaled, petit-fils de l'Emir Abdelkader et qui a chu à Messali Hadj, a été créée en France, en 1926. Ce sont des travailleurs de l'émigration qui ont mis sur pied cette entité, dissoute en 1937 par le gouvernement français. Il y a eu ensuite, la naissance du Parti du peuple algérien, dont on connaît l'apport pour ce qui concerne l'idée de l'indépendance. Ce parti a été créé également en France par Messali Hadj. Après son arrestation en 1937, c'est un responsable de l'émigration qui a pris sa relève. Il s'agit d'Arezki Kehal. Il s'est établi en Algérie et dirigé le parti à partir du bureau national situé à la basse Casbah. Pour l'anecdote lorsque la police coloniale est venu l'arrêter, il a eu cette belle phrase: «Nous sommes chez-nous à double titre», au siège du PPA et en Algérie. Arezki Kehal est un grand militant. C'est même l'un des premiers chouhada de la révolution qu'il a appelé, à l'époque, de ses voeux. Torturé et emprisonné à Serkadji, il y est mort après qu'il s'est mis en grève de la faim.

Comment était organisé le Mouvement national en France?
La direction du PPA était à Alger, mais cela n'empêchait pas que le parti était bien structuré en France. Dans les quartier, les villes et les départements, il y avait des militants et des responsables. Les militants du PPA en France, comme en Algérie avaient intériorisé l'aspiration de l'indépendance du pays. Tout le monde travaillait pour cette perspective. Il y avait de la rigueur et cela se traduisait par la collecte de cotisations des militants. L'apport financier était destiné à l'effort de sensibilisation. On éditait des documents qu'on distribuait dans les endroits fréquentés par les Algériens. La mission de sensibilisation était d'ailleurs très bien menée. Lorsque je suis arrivé en France, j'ai pu mesurer le niveau de l'organisation et surtout son efficacité. Après l'interdiction du PPA, le Mouvement national en France a connu quelques flottements, mais les militants étaient toujours là et prêts à passer à l'action. La création du Mtld en octobre 1946 a permis aux réseaux de se reconstituer. La création, une année après, en février 1947 de l'Organisation spéciale, a donné l'occasion aux militants d'entrevoir la lutte armée. En attendant, les militants étaient très actifs en France et l'instruction de la direction du mouvement quant à la participation à toutes les manifestations en brandissant le drapeau algérien était observée et avec succès. A ce propos, justement, il est important de noter que six martyrs de ce qui allait devenir la révolution de Novembre sont tombés le 14 juillet 1953 en plein Paris, parce qu'ils avaient arboré le drapeau de l'Algérie. A la veille du premier novembre, la répression était féroce et les émigrés ont largement pris leur part en termes d'assassinats et de torture.

Nous entrons dans la phase de la lutte armée. Dites-nous comment la Fédération du FLN en France a pesé sur l'issue de la guerre de Libération nationale?
Il y a d'abord l'organisation et l'encadrement quasi parfait de la communauté algérienne établie en France. La collecte des cotisations était d'une grande efficacité au point où les travailleurs algériens participaient à l'effort de guerre à hauteur de 80% des finances du FLN et de l'ALN. Au plan opérationnel, l'Histoire retient les attentats réussis contre les réserves de carburants de la France, mais aussi la tentative d'attentat contre le ministre de l'Intérieur français perpétré à quelques dizaines de mètres de son ministère. Ces opérations et bien d'autres ont été la conséquence d'une décision du GPRA de porter la guerre sur le territoire de l'ennemi. Le 25 août 1958, c'était un deuxième 1er novembre. Nos militants sont devenus des combattants, d'authentiques moudjahidine. Ils ont été héroïques. Ils ont ébranlé la France métropolitaine. C'est à partir des actions lancées par la Fédération du FLN en France que l'occupant a compris qu'il n'avait d'autre choix que d'abdiquer. Et cela était devenu une évidence avec les manifestations du 17 octobre 1961 qui s'étaient transformées en massacre. Le très fort engagement des émigrés pour l'indépendance de leur pays n'a laissé aucun choix au président Charles de Gaulle. Les négociations d'Evian qui avaient suivi ont été une réussite, en partie parce que les Algériens de France ont été à la hauteur de ce que leur demandait la mère patrie.

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