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Le professeur Larbi Bouamama à L’Expression

«Il faut amener les jeunes à s’approprier leur histoire»

Le professeur Larbi Bouamama, directeur du Laboratoire d'études en communication de l'université de Mostaganem, revient, dans cet entretien, sur les fluctuations et les tensions qui caractérisent le dossier de la mémoire. Il nous explique comment les générations futures peuvent s'approprier l'histoire du pays et trouver les moyens d'y arriver.

L'Expression: L'Algérie célèbre le 70éme anniversaire du déclenchement de sa révolution nationale contre le colonialisme français et le dossier de la mémoire continue de faire peur à la France coloniale. Quel est à votre les dessous d'une telle fuite en avant?
Professeur Larbi Bouamama: En fait, concernant les principaux motifs de la fuite en avant de la France, ce pays démocratique, face au dossier de la mémoire réside dans son appréhension à ouvrir la boîte de Pandore. Une peur d'ouvrir les dossiers noirs liés à son passé brutal et sauvage, fait de crimes de guerre contre des populations paisibles et désarmées, de génocides organisés et commis dans plusieurs parties du pays, de villages et de familles rayées de l'état civil, d'atrocités quotidiennes liées à une pratique usuelle durant toute la période de la colonisation et de la présence de l'armée coloniale dans notre pays. Consentir à une telle entreprise équivaut à réveiller les vieux démons de la France coloniale.
Ouvrir le dossier de la mémoire avec l'Algérie pourrait, en effet, faire boule de neige et ressusciter les souffrances des peuples des anciennes colonies africaines et autres.
Une pleine reconnaissance de ses crimes et atrocités pourrait, normalement, entraîner des demandes d'excuses et de reconnaissance tacites de faits historiques contraires aux règles du droit international. Le plein aveu peut mettre le système politique français sous pression populaire interne, d'abord, les cercles politiques de droite et d'extrême droite néo-coloniaux étant très actifs et très puissants dans les sphères du pouvoir. Il y a également cette crainte, en France, de voir se réveiller les anciennes colonies réclamant les mêmes dommages, sans oublier ces territoires d'outre-mer qui réclament toujours leur indépendance, comme on l'a vu avec les rébellions en la Réunion et autres.

Face aux défis auxquels est confronté le monde d'aujourd'hui, comment l'Algérie peut-elle préserver sa mémoire, en amenant les jeunes à «s'emparer» de la question de la Mémoire?
La participation active des jeunes, qui sont le pilier fondamental pour perpétuer cet héritage historique, dans cette quête nationale, nécessite une démarche approfondie et étudiée. Il est important que l'histoire nationale soit intégrée, de manière savante et adaptée, dans les programmes et les manuels de l'enseignement dans tous les paliers, de manière moderne, en jouant sur l'amélioration de la perception et de la compréhension de l'importance du passé et de son impact sur le présent et l'avenir. De plus, les médias, en particulier les nouveaux supports, en concordance avec les nouvelles technologies de l'information, jouent un rôle primordial et important pour rapprocher les jeunes autour de ces questions.
Les plates-formes numériques, les médias sociaux, les influenceurs et les podcasters, peuvent être des outils efficaces pour diffuser des histoires et des témoignages historiques dans des styles alignés sur les intérêts de la génération actuelle. On devrait également recourir à l'innovation dans cette quête, en organisant des événements interactifs tels que des expositions numériques, des excursions sur des sites historiques, des quizs et concours visant à améliorer la perception des jeunes vis-à-vis de la guerre de Libération nationale, à renforcer l'attachement émotionnel et cognitif de la nouvelle génération à cet héritage.

Comment évaluez-vous le travail de la commission mixte de la Mémoire entre l'Algérie et la France?
La mise en place de la commission mixte de la Mémoire entre l'Algérie et la France est un pas positif et important vers la réconciliation avec l'histoire, mais elle fait encore face à des résistances persistantes, à des pesanteurs politiques diverses et à de nombreux défis, en raison des visions politiques, historiques et idéologiques restreintes et différentes entre les deux parties. Le succès de cette commission réside dans la nécessité d'ériger une véritable volonté politique et de la transparence dans le traitement des dossiers sensibles.
Cet effort devrait également être renforcé en impliquant davantage d'historiens et de chercheurs des deux pays pour garantir des résultats objectifs et satisfaisants. Pendant la période de l'occupation française de l'Algérie (1830-1962), les troupes coloniales ont eu recours à de nombreux moyens répressifs et génocidaires, parmi lesquels des crémations de masse et des enfumades de populations entières.
Ces crimes ont été documentés dans diverses régions, y compris l'Ouest algérien. Les crémations faisaient partie de la politique de la terre brûlée menée par la France pour réprimer la résistance populaire et détruire la structure socio-économique des communautés locales. L'un des exemples les plus frappants des crémations commises dans l'Ouest algérien est celui de Dahra qui fut l'un des massacres les plus célèbres survenus dans la région, perpétré par le sinistre général Pélissier. Les habitants ont été poursuivis jusqu'aux grottes dans les monts de Dahra et des feux ont été allumés aux entrées, ce qui a entraîné la mort de centaines de civils, dont des femmes et des enfants innocents. C'est l'un des plus grands crimes commis par le colonialisme contre des populations désarmées, l'objectif de ces actes barbares étant de maintenir la répression contre la résistance populaire et empêcher l'expansion des révolutions populaires dans la région, terroriser les civils et pousser la population à
abandonner son soutien aux moudjahidine.
Une politique punitive collective, à travers l'éradication et l'élimination de villages ou de groupes entiers, accusés d'apporter leur soutien à la résistance. Les actes barbares et sauvages du colonialisme français ont laissé de profondes traces psychologiques et sociales indélébiles sur la population.
Un héritage qui continue d'affecter la mémoire collective des Algériens à ce jour.

Votre laboratoire a lancé une série de recherches dans ce sens. Vous célébrez aussi annuellement cet événement, à travers une multitude d'événements?
Annuellement, notre laboratoire, coordonné par le docteur Mohamed Saïd Baâli, veille à la célébration de cette mémoire en programmant des événements annuels. C'est un devoir citoyen.
Le rôle des médias en matière de mémoire et d'histoire est très important dans la manière dont les générations perçoivent ces faits historiques.
Les médias jouent un rôle très important dans ce contexte, car ils contribuent à la divulgation des faits historiques et à la sensibilisation de l'opinion publique.
Les médias algériens peuvent jouer un rôle central dans la dénonciation et la documentation des crimes coloniaux, non seulement au niveau local, mais également dans les forums internationaux.
Les plates-formes de médias numériques devraient être utilisées pour renforcer ces efforts et assurer une meilleure visibilité, par le biais de contenus interactifs, de documentaires et de programmes qui connectent les générations, à la lumière du progrès numériques.
Des initiatives conjointes peuvent également bénéficier de la transformation numérique, de la documentation mémorielle en créant des archives numériques ouvertes et des plates-formes interactives qui préservent les témoignages et les expériences historiques, facilitant l'accès des chercheurs et des personnes intéressées du monde entier.
Ces outils numériques garantissent que la Mémoire reste vivante et efficace pour les générations futures, et qu'elle fait face aux tentatives de falsification ou d'effacement de la Mémoire, particulièrement à notre époque, où l'information circule à la vitesse grand V.
Ces supports peuvent servir, de manière attrayante et adaptée, à faire passer le message aux générations futures.

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