Salah Goudjil, hier, À propos des lignes Challe et Morice
«Elles ont causé la mort de milliers de personnes»
Les effets meurtriers des mines et explosifs posés le long des lignes Challe et Morice sont désastreux.

Autant que les essais nucléaires français en Algérie, les lignes Challe et Morice constituent un legs empoisonné de la colonisation française. Ces deux fortifications militaires, remplies de mines antipersonnel, ont fait des milliers de morts et des handicapés à vie. Le président du Conseil de la nation, Salah Goudjil, moudjahid de la première heure et compagnon du chahid Mustapha Benboulaïd, a fait référence à cette machine diabolique dans une brève allocution, à l’issue de la présentation, hier, par la ministre de la Solidarité, de la Famille et de la Condition de la femme d’un projet de loi sur la protection et la promotion des personnes en situation de handicap. Salah Goudjil a rappelé que le handicap en Algérie a une origine autre que les simples accidents de la vie. Il a souligné que de très nombreux Algériens, victimes «des crimes commis par la France coloniale», se sont retrouvés amputés à vie, car ils ont eu le malheur de marcher sur un engin explosif posé par l’armée coloniale «le long des frontières orientales et occidentales de notre pays». Ces crimes impardonnables viennent encore plus accabler la France coloniale, également pleinement responsable des «conséquences de ses essais nucléaires sur l’homme et l’environnement». Faut-il souligner que de nombreux enfants algériens sont nés avec des malformations congénitales, résultat des radiations provoquées par les explosions nucléaires dans le sud du pays ? Ce sont donc autant de handicapés de naissance, tout autant victimes de crimes coloniaux. Le président du Conseil de la nation ne manque pas de signaler la profondeur sociale du texte présenté par la ministre Soraya Mouloudji, tout en notant que le caractère social de l’État est hérité de la référence historique de la Déclaration du 1er Novembre 1954. «Tout comme la loi discutée la veille au Conseil de la nation sur la gestion des déchets, ce texte renvoie également aux crimes commis par la colonisation française contre le peuple algérien», a-t-il affirmé. Salah Goudjil a lié, dans son allocution, les deux lois, en ce sens que «les conséquences désastreuses des essais nucléaires dans le sud du pays, ainsi que les effets meurtriers des mines et explosifs posés le long des lignes Challe et Morice aux frontières orientales et occidentales de l’Algérie», sont encore présentes dans le corps social. S’il y a nécessité de nettoyer les zones irradiées qui ne le sont toujours pas, le mal demeure très visible dans les régions touchées par les essais nucléaires. Des hommes et des femmes, encore de ce monde, n’ont quasiment pas eu de vie à cause d’une armée coloniale qui n’a eu aucune considération pour eux.
Concernant les mines antipersonnel, malgré un grand effort de l’ANP qui a désamorcé des millions de charges, il reste que, des années après l’indépendance, des enfants et des adultes perdent leurs membres, condamnés à une vie de handicapés. «Ces mines, au nombre de 11 millions, ont causé la mort de milliers de personnes, hommes, femmes et enfants, sans épargner même les animaux, et ont laissé un lourd héritage de handicaps permanents», a précisé le président du Conseil de la nation. Il faut convenir que ce rappel était nécessaire pour souligner le poids du système colonial, dont les traces de son inhumanité n’ont pas disparu sur la terre d’Algérie. Salah Goudjil, en gardien de la mémoire et militant de la vérité historique, a demandé «à la commission compétente d’intégrer, dans son rapport, une recommandation appelant le gouvernement à accélérer le recensement des victimes et des séquelles des mines et explosifs depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui». Ledit rapport complémentaire sera présenté lors de la séance de vote prévue jeudi prochain. Cette initiative est de nature à démontrer à l’opinion nationale, notamment aux générations de l’indépendance, l’ampleur du malheur causé par la colonisation française aux Algériens, des années après le recouvrement de l’indépendance.
Cela pour dire que, 62 ans après la fin de la colonisation, ses conséquences sur la santé des Algériens demeurent d’actualité.
Le président du Conseil de la nation a insisté sur «l’importance de conserver ces données comme un témoignage historique devant le monde». Il a souligné la nécessité de dénoncer «l’horreur des crimes coloniaux français». Il est également important de «les inscrire dans le registre des sacrifices du peuple algérien pour sa liberté et sa souveraineté», a affirmé Salah Goudjil.