L'Expression

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Du Sommet-repère au sommet de l’échec

Djeddah aux antipodes d’Alger

Échec ! Le contraste est bien là. Si le Sommet d’Alger a été un moment fort dans l’histoire de la Ligue arabe, celui de Djeddah, ouvert hier, a été celui de la déconfiture. D’un coup de poignard dans le dos de l’organisation panarabe. Un véritable affront signé MBS.

Au moment où le Monde arabe s'apprêtait à vivre le retour de la Syrie au sein de la Ligue, l'Arabie saoudite surprend ses pairs. Elle invite à ce 32e Sommet le président ukrainien.
L'entorse est énorme. MBS confond-il une action souveraine de son pays et celle de l'organisation arabe? Vient-il de signer la fin de l'action arabe commune? Comment s'arroge-t-il le droit d'inviter Zelensky? Est-il aveuglé jusqu'à balayer la Charte de la Ligue arabe? Embarque-t-il la Ligue arabe dans des batailles qui ne sont pas censées être les siennes? Qu'a-t-il à gagner en ouvrant les portes du Sommet de Djeddah à un Zelensky en guerre contre la Russie? Subit-il des pressions US depuis le rapprochement diplomatique irano-saoudien? Cherche-t-il des sympathies pour l'Ukraine parmi les pays arabes plutôt proches de Moscou? Autant d'interrogations que pose la démarche de MBS. L'avenir répondra vraisemblablement à ces questions.
Une chose est cependant sûre: le Sommet de Djeddah est un cuisant échec. Avant même son coup d'envoi, il sentait l'échec. Et les marques de cet échec sont multiples. Le niveau de représentativité n'était pas à la hauteur. L'ordre du jour est en déphasage avec les préoccupations de l'heure. Les priorités, pourtant réaffirmées à Alger, ont été honteusement reléguées aux seconds chapitres. Autant dire que le Sommet de Djeddah est à l' antipode de celui d'Alger. Compte tenu de ses résolutions, le Sommet d'Alger fera date. Incontestablement! Il a été celui qui a remis la cause palestinienne au centre des préoccupations dans un contexte crisogène. Il a été également celui qui a ouvert la voie au retour de la Syrie au sein de la Ligue après plus de dix ans d'expulsion. Il a été celui qui a appelé à un resserrement des rangs des pays arabes pour parler d'une seule voix. Sans compter ce qu'a fait la diplomatie algérienne en vue de réconcilier les factions palestiniennes. Un objectif accompli avec succès. Ce sont ces faits qui peuvent résumer le mandat de l'Algérie à la tête de la Ligue arabe. Un bilan qu'Ahmed Attaf et Aïmene Benabderrahmane ont eu à exhiber fièrement devant leurs pairs présents depuis quelques jours à Djeddah. De ce point de vue, le rendez-vous d'Alger constitue, pour l'Histoire, une étape réussie. Rien que pour ses résolutions et les messages qu'il a délivrés, le Sommet d'Alger aura été un phare pour les États membres de la Ligue arabe. Un guide. Un repère. L'exact contraire de ce nous pouvons retenir du Sommet de Djeddah où l'intrigue semble avoir dominé sa préparation. Où la légèreté a guidé son déroulement réduit à quelques petits quarts d'heure. Où les membres de la Ligue arabe auront du mal à se reconnaître dans ce Sommet qui aura accouché d'une souris. C'est manifestement le summum de l'échec.
Un échec qui risque de mettre mal à l'aise une organisation panarabe qui cherchait déjà une cohésion. Et qui risque de voir des préoccupations arabes faire du surplace. C'est le cas de la Syrie, qui misait sans doute d'un véritable plan de reconstruction. D'autant plus que des pays du Monde arabe ont honteusement cautionné la destruction de Damas. La dignité aurait voulu que le rendez-vous de Djeddah soit celui de l'amorce de la construction de Damas. En mettant la main à la poche et en mobilisant un budget pour reconstruire la Syrie. Cela aurait été un bon prolongement de ce qui a été accompli pendant le mandat de l'Algérie. Hélas, la dynamique de réunification des rangs arabes enclenchée à Alger n'a pas eu la suite souhaitée. Elle a été stoppée net quelques mois seulement après le déclic du 1er novembre 2022. Du Sommet-repère, la Ligue arabe passe au sommet de l'échec.

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