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CINQUANTENAIRE DE LA SIGNATURE DES ACCORDS D'EVIAN:JEAN-JACQUES SUSINI, N° 2 DE L'ORGANISATION, LIVRE SON TÉMOIGNAGE

Comment l'OAS a été créée

Il est le dernier responsable de l'état-major de l'OAS à pouvoir livrer ses secrets...

Cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, le masque tombe sur le fonctionnement de la terrible Organisation armée secrète (OAS). Le numéro deux de cette organisation terroriste, Jean-Jacques Susini, est passé aux aveux! Jamais un ancien responsable de l'OAS ne s'est confessé sur son rôle au sein de cette hydre de Lerne. Même le général Raoul Salan, premier responsable de l'OAS, n'en a soufflé mot dans les quatre volumes de ses mémoires.
Désormais, c'est fait! L'ouvrage du journaliste Bertrand Le Gendre «Entretiens avec Jean-Jacques Susini Confessions du n°2 de l'OAS» paru récemment en France, retrace le parcours de cet «intraitable activiste» aux «références fascisantes». Ces entretiens d'«une vingtaine d'heures d'enregistrement» comme le souligne le journaliste «ont eu lieu chez lui (Susini) à Paris de septembre à décembre 2011». Ils donneront naissance à un ouvrage de 192 pages, réparti en cinq chapitres. «A 78 ans, il est le dernier responsable de l'état-major de l'OAS-Algérie à pouvoir raconter celle-ci de l'intérieur», assure Le Gendre. Des remords? Loin s'en faut.
«Parfois, pourtant, il se dérobe et fuit un pan de son histoire tant il voudrait laisser de lui le souvenir d'une tête politique qui n'a été mêlée que de loin aux crimes de son camp. Des blessures sont toujours à vif, des sujets sentent encore le soufre», nuance l'auteur dans son avant-propos (P13).
Aux premières lignes de son ouvrage, Bertrand Le Gendre présente Susini comme «l'un des personnages-clés de cette guerre franco-française (l'OAS et les ultras de l'Algérie française opposés au général De Gaulle). Seulement, cette guerre «franco-française» se déroulait sur la terre d'Algérie, alors que la Révolution qui était à sa cinquième année s'était dotée d'une représentation souveraine: le Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra). Elle avait pour objectif de faire avorter le processus d'indépendance de l'Algérie, lequel processus avait été rendu irréversible suite à l'internationalisation de la question algérienne. Rappelé en sauveur à la tête de l'Etat français, le général De Gaulle mit un temps pour comprendre que le vent de l'histoire avait tourné. Lui qui avait déclaré, lors de sa première visite en Algérie comme président du Conseil du 27 au 31 août 1959 que «moi vivant, jamais le drapeau du FLN ne flottera sur l'Algérie», avait fini par admettre, une année après (le 5 septembre 1960), que «l'Algérie algérienne» était «en route»...

La naissance de l'OAS
Jean-Jacques Susini a 27 ans. Il est sous le coup du procès dit «des Barricades». Ce procès met en cause les meneurs des «semaines des Barricades» à Alger, journées insurrectionnelles menées du 24 janvier au 1er février 1960 par les partisans de l'Algérie française qui rejettent le droit du peuple algérien à l'autodétermination. Ils manifestaient leur mécontentement suite à la mutation du général Massu, en métropole, le 19 janvier 1960.
«La population algéroise (européenne) avait pour le général Massu une grande admiration... Son rappel à la métropole à la suite de l'une de ses déclarations à la presse fait figure à nos yeux d'une déclaration de guerre», se souvient Susini (P45).
Début 1960, Massu qui a mené la bataille d'Alger contre le FLN déclare à un journaliste autrichien: «De Gaulle était le seul homme à notre disposition. L'armée a peut-être commis une faute». Le 18 janvier, le journal Südddeutsche Zeitung publie ses propos. Le lendemain, il est convoqué à l'Elysée. Une décision qui, avec le discours de «De Gaulle sur l'autodétermination, provoque la semaine des barricades».
Bilan: 22 morts et 150 blessés. En même temps. la question algérienne gagne du terrain sur le plan international. Les négociations de Melun, du 25 au 29 juin 1960, échouent. Le Gpra évite, ainsi, le piège politique tendu par De Gaulle qui voulait réduire les négociations à un cessez-le-feu. Les pressions internationales s'accentuent sur la France coloniale. De Gaulle effectue son dernier voyage à Alger, à la fin de l'année. Il y est accueilli avec les imposantes manifestations du 11 décembre en faveur de l'indépendance de l'Algérie. Le 20 décembre, les Nations unies reconnaissent au peuple algérien son droit à l'autodétermination. L'accélération de l'histoire brouille les cartes.
En fuite, Susini est en Espagne... à la recherche de «l'Algérie française» perdue.
«... Pour faire avancer notre cause, j'ai pris des contacts avec toutes sortes de gens. J'ai même rencontré Otto Skorzeny, l'ancien SS (homme de confiance de Hitler). Deux fois», avoue Susini. Ce dernier rencontre le général Raoul Salan à Madrid, ancien gouverneur d'Alger, en fuite lui aussi et interdit de retour à Alger où vivent sa femme et sa fille.
L'Espagne de Franco accueille les fous de l'Algérie française. S'y trouvent, entre autres, Pierre Lagaillarde et Joseph Ortiz. L'un est ancien député d'Alger et ex-parachutiste. L'autre est patron du bar algérois (de l'époque) le Forum. Des échanges entre ces extrémistes naît l'OAS. «Il n'y a pas eu de congrès constitutif de l'OAS mais des discussions entre nous et des échanges de lettres, qui ont duré un certain temps», explique Susini (P69).
L'OAS voit le jour en Espagne fin janvier 1961, mais sème la terreur à Alger.

Le putsch des généraux: Massu pessimiste
L'année 1961 s'annonce porteuse d'espoir pour la cause algérienne et d'incertitudes pour Susini, Salan et leurs acolytes. Seulement, elle portera aussi son lot de victimes. Le 8 janvier, nouvelle avancée de la cause algérienne: les Français se prononcent à 75% pour le droit du peuple algérien à l'autodétermination.
Cette situation provoque un trouble au sein des troupes militaires coloniales, engagées en Algérie. Le putsch est imminent. Un noyau de conspirateurs se constitue. Il comprend les colonels Charles Lacheroy, Antoine Argoud, Joseph Broizat, Yves Godard et Jean Garde. Quatre généraux s'installent à la tête de ce noyau, fin mars. Il s'agit de Edmond Jouhaud, Jacques Faure, André Zeller et Paul Gardy. Ces officiers supérieurs installent le général Maurice Challe à la tête de leur conspiration. Le général Massu se montre sceptique. «Il me dit: Ils échoueront. Ils n'ont rien compris. Ils n'auront jamais l'armée avec eux». Il dit aussi des militaires: «Ce sont des gens qui ne sont pas faits pour la politique», regrette l'ancien n°2 de l'OAS (P 69). Lancé dans la nuit du 21 au 22 avril, le putsch échoue.
En conséquence, le général Maurice Challe, le général André Zeller, le commandant Hélie Denoix de Saint Marc se livrent aux autorités. Les autres vont former l'état-major de l'OAS. Un état-major dont Susini était, sous l'autorité lointaine de Salan, le héraut, chargé du secteur Action psychologique et propagande. Comme le souligne Bertrand Le Gendre: «Ce dernier est un politique à la tête froide aux références historiques qui croit aux vertus révolutionnaires.» Il est au coeur de l'action de l'OAS. C'est lui qui est en charge du volet politique de l'Organisation.
«Très lié à Roger Degueldre, le chef des commandos Delta, le bras armé de l'OAS, Jean-Jacques Susini était mieux placé que quiconque pour témoigner de la violence de l'Organisation», relève Bertrand Le Gendre.

Les victimes de l'OAS
Selon la description faite par Susini, cette organisation terroriste comptait «des centaines de militaires approximativement, groupés dans une trentaine de commandos». Une minorité de militaires aguerris et une majorité de pieds-noirs. La violence? Elle sert d'«outil de propagande et comme préparation à une insurrection armée» (P127). La majorité des victimes de l'OAS sont d'origine musulmane. Mais les Européens engagés en faveur de la Révolution ne sont pas épargnés. Les chiffres donnent froid dans le dos.
«Un décompte qui s'arrête au 20 avril 1962, le jour de l'arrestation de Salan, fait état de 1622 morts dont 1383 musulmans et 239 Européens. Et de 5148 blessés dont 4086 musulmans et 1062 Européens. La proportion Musulmans/Européens est de 85% pour les morts», affirme dans un décompte macabre Susini qui, 50 ans après, n'éprouve aucun regret à l'évocation de ces victimes. Ce monstre froid né à Alger le 10 juillet 1933 dans une famille d'origine corse. Il a grandi sous l'influence de sa grand-mère maternelle, Thomasine Palmieri. «Elle était monarchiste et maurrassienne. C'est elle qui m'a élevé et m'a formé. Elle m'a profondément influencé. Un jour je l'ai vue pleurer en écoutant Mussolini à la radio» révèle celui qui porte la responsabilité de la mort de centaines de personnes, coupables selon lui d'avoir enterré à l'«Algérie française»

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