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Béchir Ben Yahmed, fondateur de Jeune Afrique, est mort

Une vie dédiée au journalisme

Grand témoin de son époque, il a interviewé Gamal Abdel Nasser, Ahmed Ben Bella, Ahmed Sékou Touré, Patrice Lumumba, Fidel Castro, Ho Chi Minh et bien d'autres...

Béchir Ben Yahmed est décédé avant-hier soir, à l'hôpital Lariboisière, à Paris, des suites du Covid-19. L'homme, de loin, le plus grand journaliste maghrébin, a choisi la journée du 3 mai pour tirer sa révérence. Même dans la mort, il demeure profondément journaliste. On peut être d'accord avec ses idées ou les contredire, mais il est un fait qui fait l'unanimité dans la personne de Béchir Ben Yahmed. Sa plume qui passe pour une «excroissance» de son bras est appréciée de tous. Des amis comme des adversaires. En perdant ce talentueux journaliste, la profession se «mutile» d'une pensée, d'une manière de voir le monde et d'une certaine idée du combat pour le métier. Esprit indépendant devant l'Eternel, Béchir l'a toujours été, jusqu'au dernier souffle de sa vie. Le natif de l'île tunisienne de Djerba et ancien élève de HEC, n'a jamais porté de masque, contrairement aux milliards d'êtres humains. Il a pris la résolution de ne pas céder au diktat d'un virus, jusqu'à refuser le vaccin. Son propre combat l'a amené à ne pas changer d'habitude, au point de serrer la main à tout le monde. Il a décidé de «résister» à sa manière, mais la Covid-19 a remporté la dernière bataille. À 93 ans, le patron de Jeune Afrique a su placer le seul news magazine panafricain qui lui survit, 60 ans après son lancement.
L'aventure journalistique de Béchir Ben Yahmed débuta dans un contexte politique particulier. L'idée première était d'accompagner le continent dans son élan libérateur. En 1960, année du lancement de Afrique Action, un certain 17 octobre, 17 pays africains recouvraient leurs indépendances. Une euphorie politique continentale et c'est dans la capitale tunisienne que «le souffle» de cette nouvelle épopée s'imprimait dans les colonnes de la publication naissante. Tunis, capitale de l'Afrique pour un temps seulement, puisque l'ambition du journaliste ne pouvait tenir entre deux frontières. Un an après Afrique Action, Jeune Afrique vit le jour à Paris. Depuis, les vents de la politique, des coups d'Etat en Afrique, des volontés de contrôle de la ligne éditoriale par certains Etats, les publi-reportages qui faisaient de certains pays des paradis sur terre et de leur régime des exemples à suivre.... Bref, Jeune Afrique a véritablement suivi les contours géopolitiques d'un continent en pleine ébullition. Mais disons-le clairement, Jeune Afrique ne se résume pas à ses actions «vivrières». Quelques noms attestent de son ancrage dans l'histoire du journalisme méditerranéen: Frantz Fanon, Kateb Yacine, Amin Maalouf, Josette Alia, Guy Sitbon, Leïla Slimani... Et surtout Jean Daniel, ont contribué à faire de Jeune Afrique le meilleur média africain. Tout ce beau monde a accompagné le magazine et lui doit sa carrière. Jean Daniel, pour ne citer que l'un des plus illustres d'entre eux, le dit dans ses Mémoires. Il y affirme devoir la vie à Béchir Ben Yahmed. Lequel l'a sauvé alors qu'il était gravement blessé lors d'affrontements entre soldats tunisiens et français en juillet 1961 à Bizerte.
Le combat, la guerre, Béchir Ben Yahmed connaît bien. Et pour cause, son magazine a été la cible de quatre attentats ou tentatives d'attentats terroristes. L'Organisation de l'armée secrète (OAS) a déposé la première bombe, en 1961, pour punir Béchir de son soutien à la cause algérienne.
Engagé pour la cause du tiers-monde sans pour autant être un militant, Béchir Ben Yahmed a rencontré et parfois interviewé Gamal Abdel Nasser, Ahmed Ben Bella, Ahmed Sékou Touré, Patrice Lumumba, Mehdi Ben Barka, Che Guevara et Fidel Castro, à Cuba, tout comme Ho Chi Minh au cours d'un voyage au Vietnam en 1967.
Son combat a également été politique, puisqu'il a fait partie du premier gouvernement de l'indépendance en Tunisie au poste de ministre de l'Information. Et comme Bourguiba, il aimait utiliser l'encre verte, comme le révèle le journal Le Monde dans un long article qui lui a été consacré. L'hommage d'un grand quotidien français de référence se justifie en raison de l'amitié que Béchir Ben Yahmed entretenait avec de grandes personnalités qui ont marqué la vie politique française. Pierre Mendès France et Michel Rocard n'étaient pas seulement dans son carnet d'adresses. Ils se voyaient régulièrement. Les politiques et ses confrères retiennent de lui une intelligence vive. Ces dernières années, Béchir Ben Yahmed a pris ses distances avec Jeune Afrique et s'est consacré au bimestriel La Revue, lancé en 2003. Il voulait en faire un «New Yorker à la française». Un travail qu'il ne finira pas...

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