L'Expression

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Armés, financés par des puissances étrangères et profondément divisés

Les nouveaux maîtres de Damas

Serait-il possible, dans ces conditions où chaque acteur est déjà lourdement armé, d’envisager des élections ?

Les images nocturnes de la télévision syrienne après la démission de Bachar al- Assad ont été pour les nouveaux maîtres de Damas. Les premières paroles se voulaient rassurantes. Les habitants de la capitale des Omeyyades devraient, à bien comprendre le discours des vainqueurs, vivre une transition pacifique, avec à la clé, une passation de pouvoir civilisée. Hier, Damas s'est réveillée sur une promesse d'une ère nouvelle démocratique et prospère. En tout cas, à voir l'enthousiasme des Occidentaux et des monarchies du Golfe, la Syrie est sortie d'une «longue nuit» qui aura duré 53 ans.
L'optimisme affiché par les uns et les autres suffira-t-il à faire faire à la Syrie un bond en avant? Il serait hasardeux de répondre positivement à cette interrogation, tant la configuration politique, idéologique et technique de la Syrie est complexe. Au plan politique, la coalition victorieuse est loin d'être homogène. Composée d'une opposition dite modérée, rassemblant l'Armée syrienne libre (ASL), formée de déserteurs et de civils, d'une myriade de petits groupes armés ouvertement alliés à la Turquie, des Forces démocratiques syriennes, une alliance dominée par les Unités de protection du peuple kurde. Tout ce conglomérat hétéroclite d'organisations cataloguées comme terroriste par l'un ou l'autre acteur international, agit sous une franche domination du groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ex-branche syrienne d'Al-Qaïda. Dirigé par la figure la plus en vue de la séquence syrienne de ces deux dernières semaines, Abou Mohammad al-Jolani, HTS est véritablement le fer de lance de cette offensive éclair qui a mis un terme à l'invisibilité de Damas, ces 13 dernières années.
Il n'est pas dit cependant que ce nouvel homme fort de Damas disposera de la légitimité et de la puissance nécessaire pour remplacer Bachar al-Assad. Pour cause, même si l'organisation qu'il dirige est la plus puissante dans l'aréopage de la rébellion syrienne, il sera sans nul doute tenu au compromis avec les autres composantes de la coalition qui voudront, chacune pour ce qui la concerne, placer ses hommes et son idéologie dans le nouveau pouvoir en Syrie. La chose est d'autant plus prévisible que les acteurs de la crise syrienne ont tous «un fil à la patte». Il y a d'abord l'incontournable Turquie, très active militairement dans le nord de la Syrie contre les Kurdes et Daesh. Les États-Unis ne sont pas en reste. Leur présence militaire même limitée dans l'est de la Syrie, sont des soutiens puissants des Forces démocratiques syriennes. Avec des frappes aériennes répétées et une occupation d'une partie du Golan, l'entité sioniste conserve un pouvoir de nuisance certain à même de fragiliser toute initiative inclusive. Il y a également les pays du Golfe, dont l'accompagnement d'organisations rebelles n'est plus à démontrer. C'est dire que HTS n'est en réalité qu'une partie d'une nébuleuse politico-idéologique très complexe, avec en plus, des ingérences directes et des intérêts étrangers qui s'expriment ouvertement.
Serait-il possible, dans ces conditions où chaque acteur est déjà lourdement armé, d'envisager des élections pour donner aux Syriens l'opportunité de choisir leurs gouvernants? La réponse est assurément négative, lorsqu'on sait qu'en plus de l'imbroglio politico-idéologique, la Syrie est aussi un immense puzzle ethnique et religieux. Composé majoritairement d'Arabes à 70%, la population du pays pratique quasiment toute le spectre des rites musulmans. Des sunnites aux druzes, en passant par les alaouites, le peuple syrien est on ne peut plus riche au plan confessionnel. Comme d'ailleurs au niveau ethnique où l'on comptabilise des Kurdes forts de 10 à 15% de la composante populaire du pays. Ils sont concentrés dans le nord et le nord-est (Rojava). Ils aspirent à une autonomie politique et disposent de leurs propres milices. Ce qui n'est pas pour arranger les affaires des nouveaux maîtres du pays et encore moins les factions armées financées par la Turquie.
Bien que fortement minoritaires, au même titre que les alaouites, les chrétiens représentent 5 à 10% de la population avant 2011, cette catégorie de la société a diminué en raison de l'exil massif, imposé par la guerre. Il reste que cette présence est très riche sur le plan confessionnel, puisqu'on y retrouve des Grecs orthodoxes, maronites, arméniens, Syriens orthodoxes. La Syrie est également un peuple par des chrétiens orientaux, parlant une langue sémitique, concentrés dans le nord-est de la Syrie. Enfin, les Turkmènes, minorité d'origine turque, établis dans le nord et le nord-ouest. Soutenus par la Turquie, ils ont pris les armes contre Damas aux côtés des rebelles.
Cette mosaïque de peuples qui vivaient, il n'y a pas si longtemps, en paix dans un État multiconfessionnel dans le respect des uns et des autres, est aujourd'hui menacée par un éparpillement sans équivalent dans l'histoire du Moyen-Orient. Objectivement et au vu des architectures religieuses, politiques, ethniques et géopolitique, la Syrie est ingouvernable.

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