La Génération Y et l'élection

Il reste encore deux semaines avant l'élection. En 10 jours, Mélenchon a pu engranger quatre points passant de 14% à 18%. Sur la même période, Le Pen et Macron ont perdu deux points chacun passant de 26% à 24%. Il suffit que les choses continuent sur la même lancée pour que, d'ici le jour du vote, on se retrouve avec un Mélenchon qui pointerait à 22% alors que Macron et Le Pen seraient à 20%. Ceci n'est pas impossible, mais comme tout dans la vie n'est pas de cette linéarité totale et qu'en plus les candidats d'En Marche et du FN vont essayer de faire bouger les choses, on peut raisonnablement situer Mélenchon, le jour de l'élection, aux environs des 20% des intentions de vote, rien qu'en comptant sur les mêmes éléments qui ont prévalu jusqu'à présent. Si cela venait à se réaliser, Mélenchon serait sans doute au second tour car, en plus des intentions de vote exprimées, il y a lieu de tenir compte des indécis qui, aigris par le système en place, déçus par les professionnels des hauts postes de la République, ont refusé jusque-là de se positionner. Ils sont plus de 40% des électeurs à ne pas avoir encore décidé d'aller voter et 30% de ceux qui ont décidé de le faire se disent aptes à changer de choix!!! Rien n'est donc encore joué. Une partie de ceux-là ira certainement à Mélenchon à cause de l'espoir de changement qu'il suscite chez ses concitoyens et dont on a déjà traité précédemment.
En poursuivant notre spéculation, la question qui se pose est de savoir qui serait, dans une telle hypothèse, l'adversaire de Mélenchon? Il y a lieu de se rappeler que Le Pen dispose d'un socle d'électeurs extrémistes qui ne la lâcherait jamais, ce sont eux qui lui donnent une grande proportion de son score actuel et ce sont eux qui lui permettront de se maintenir dans les sondages en dépit de la bourde qu'elle vient de faire sur le Vél'd'hiv. Aussi, le bon sens voudrait que Le Pen garde les intentions de vote à son profit aux alentours des 20% (peut-être un peu moins même) et la qualifieraient donc au second tour car Macron, n'ayant pas un tel socle, pourrait voir ses points s'éroder.
Il est inutile de dire qu'un second tour Mélenchon-Le Pen donnerait une large victoire au premier. Un second tour Mélenchon-Macron serait quant à lui moins nuancé et plus indécis, d'autant plus que les voix de report de la droite iront à Macron et que les voix de la gauche iraient à Mélenchon. D'ailleurs, Hamon vient de déclarer ce lundi qu'il demanderait un report sur Mélenchon. Il est utile de souligner aussi qu'une partie des voix de l'extrême droite irait, à notre avis, à Mélenchon qui, comme leur candidate, n'est pas un fervent adepte de l'Union européenne et qui prévoit de sortir de l'Otan pour redonner à la France sa souveraineté dans les décisions militaires. Autant dire que, même dans ce cas de figure, Mélenchon aurait beaucoup de chances de remporter les élections.
Génération Y, la chance de Mélenchon Mais ce qui aiderait Mélenchon bien plus encore, ce sont les voix d'une certaine tranche d'âge qu'on qualifie de «Génération Y». Pourquoi?
Tout simplement parce que cette tranche d'âge de 18 à 34 ans, nommée Génération Y, représente près de 14 millions d'électeurs en France aujourd'hui et parce que cette Génération Y est connue pour ses caractéristiques particulières dont, notamment, les suivantes: elle remet toujours en cause l'ordre établi et s'oppose à l'autorité. Elle est vraie, c'est-à-dire que les individus qui composent cette génération sont vrais, ils aiment le vrai, le sincère. Cette génération voudrait changer le monde. Elle n'aime pas les guerres. Elle aime le partage, elle voit la richesse en la diversité et elle pense en réseau, comme on dit. Or, rappellons-nous le projet de Mélenchon dont nous avons parlé dans notre précédent article. On constate qu'il comporte, entre autres éléments, son désir de changer (une VIe République), il veut remettre en cause l'ordre établi (rappelons-nous le fameux renversement de la monarchie présidentielle qu'il propose), il comporte en plus de la défense de la diversité en France, un désir de s'opposer à l'autorité (ce qu'il appelle le «dégagisme», mais aussi cette proposition de la révocabilité des élus). De son discours ressort aussi une certaine sincérité, du vrai, ainsi qu'un discours de paix et foncièrement contre la guerre. C'est à se demander si Mélenchon n'a pas construit son discours en ayant les yeux fixés sur cette Génération Y!
Il n'aurait pas tort. Si l'on regarde l'électorat de Fillon, on constate qu'il est fait surtout de personnes âgées. On le voit à l'âge de ceux qui assistent à ses rassemblements et, dans les interviews, à celui de ceux qui le supportent de manière presque inconditionnelle. Généralement, ce sont des personnes âgées, donc plus poussées vers le conservatisme, le non-changement, les anciennes valeurs comme la famille, la religion etc. La Génération Y est loin de toutes ces caractéristiques et c'est pour cela que Fillon aurait peu de chances à profiter de cette génération.
Marine Le Pen, par contre pourrait aussi profiter des voix de cette génération à cause de la remise en cause de l'ordre établi qu'elle prône, du rejet de l'autorité et de tous les changements qu'elle préconise. Seulement là où cela ne va pas passer chez la Génération Y pour Le Pen c'est sa lutte contre la diversité, sa haine de l'étranger, son renfermement sur soi, des valeurs qui ne conviennent pas aux jeunes de la Génération Y. Emmanuel Macron a, lui aussi, de fortes chances de pouvoir engranger quelques voix de chez cette génération à cause de la rupture qu'il prône. Le problème avec Macron, pourtant le plus proche de cette génération de par son âge (39 ans), c'est qu'il n'a pas une compétence particulière à faire valoir, c'est aussi son projet assez flou qui ne risque pas d'être emballant pour les jeunes de cette génération.
La seule condition pour gagner les voix de cette tranche d'âge, c'est qu'il faut que les individus qui la composent aillent voter, car il faut le dire, c'est la tranche d'âge la moins responsable malheureusement. Autrement dit, si Mélenchon arrive à faire bouger cette génération en sa faveur, il aura la possibilité de remporter les élections la main haute parce que, rappelons-le encore une fois, cette tranche d'âge représente près de 14 millions, soit près du tiers des électeurs français.
C'est quoi cette histoire de Génération Y?
Il peut sembler un peu bizarre de parler ainsi de cette génération et de lui mettre le sort des élections entre les mains, avec cette facilité. En réalité, il ne s'agit ni d'une spéculation ni, encore moins, d'une illusion.
Rappelons que, lors des dernières élections aux Etats-Unis, Trump a remporté 290 grands électeurs alors que Clinton n'en a remporté que 218, ce qui lui a permis de gagner l'élection présidentielle. Ceci n'a été possible que grâce au système des élections aux Etats-Unis car, au nombre de voix, c'est Clinton qui a réellement remporté le suffrage. Par ailleurs, Trump doit ce vote, surtout, aux gens des anciennes générations, les plus de 35 ans car, et c'est le point le plus important, si seule la Génération Y avait voté, Trump n'aurait gagné que 23 grands électeurs contre 504 pour Clinton. Et il n'aurait remporté que 17 Etats contre 50. C'est là le résultat d'une étude datant d'octobre 2016 et qui a porté sur 30 000 personnes interrogées (1).
En France, car le système électoral est différent du moment que le suffrage y est universel et direct, la Génération Y peut faire quelque chose lors de la prochaine élection présidentielle. Avec ses 14 millions d'individus, à peu près, tous électeurs de surcroît, elle peut réellement créer la surprise. Aussi, nous avons toujours trouvé étonnant le silence des médias français sur ce phénomène de Génération Y et du rôle qu'elle peut jouer dans l'élection d'avril 2017.
(à suivre)

Références
(1) http://www.konbini.com/fr/tendances-2/millenials-vote-voici-a-quoi-ressemblerait-carte-college-electoral-americain/