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Maître absolu du Tchad et allié stratégique de la France

Idriss Déby Itno est mort

Déjà à la fin des années 2000, le règne avait été malmené, des Zaghawas passant dans le camp de la rébellion, notamment Timan Erdimi, neveu de Déby, à la tête, en 2008, d'une coalition rebelle qui échoue, aux portes du palais présidentiel de N'Djamena.

Il avait troqué son boubou pour une cape de soie bleu nuit brodée de feuilles de chêne en fil d'or, bâton «modèle Empire» en main: le 11 août 2020, le président Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 30 ans et décédé hier des suites de blessures reçues au combat contre des rebelles, était élevé au rang de «Maréchal du Tchad». Une cérémonie surannée et en grande pompe mais une consécration absolue pour ce fils d'éleveur modeste, militaire de carrière et combattant rebelle avant de s'emparer du pouvoir par un coup d'Etat en 1990: il n'avait de cesse de se présenter comme un «guerrier». C'est cette image, façonnée depuis ses premières armes aux côtés de Hissène Habré - qui avait pris le pouvoir en 1982 - jusqu'au treillis qu'il enfilait encore volontiers ces dernières années, qui lui a valu un soutien quasi unanime de la communauté internationale, malgré un bilan très critiqué en matière de droits humains. Commandant en chef de l'armée sous Habré, qui sera condamné en 2016 pour crimes contre l'humanité, Déby renverse le dictateur en 1990, les armes à la main. Grâce, déjà, au soutien de la France. Idriss Déby est mort hier de blessures reçues sur le champ de bataille contre une colonne de rebelles infiltrés dans le nord depuis leurs bases arrières en Libye, a annoncé l'armée à la télévision d'Etat, au lendemain de la proclamation de sa réélection pour un sixième mandat à la tête du pays lors de la présidentielle du 11 avril. Il a exercé un pouvoir sans partage. «En colère, il fait un peu peur», commentait récemment un syndicaliste l'ayant bien connu, sous couvert de l'anonymat. Son régime est régulièrement accusé par les ONG internationales de violer les droits humains. Ce fut le cas notamment dans les années 1990, quand sa Garde républicaine et sa police politique étaient accusées de tuer à grande échelle. Plus récemment, les méthodes étaient moins brutales. Mais, s'il laissait certains de ses opposants s'exprimer relativement librement, ses services veillaient consciencieusement à ne pas laisser la critique gagner la rue, par des interpellations ciblées et en interdisant tout rassemblement politique, comme avant la présidentielle du
11 avril. Seulement six candidats, sur les 16 qui avaient déposé leurs candidatures, étaient finalement en lice contre M. Déby. Les politologues et une partie de l'opposition les qualifiaient de «faire-valoir». Au sein du pouvoir, Idriss Déby régnait volontiers par l'«intimidation» et le népotisme, selon ses détracteurs. Il avait placé sa famille ou des proches à des postes-clés de l'armée, de l'appareil d'Etat ou économique, et ne laissait jamais les autres longtemps en place. Dix-sept Premiers ministres se sont succédé entre 1991 et 2018, avant que M. Déby ne fasse supprimer cette fonction pour ravir toutes les prérogatives de l'exécutif.»Tout est centralisé à la présidence, il use de toutes les armes du pouvoir absolu en brutalisant la société», avance Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po Paris. C'est grâce à l'armée que ce militaire passé par l'Ecole de guerre en France a assis son pouvoir. Encadrée essentiellement par des officiers de son ethnie zaghawa et commandée par ses proches, elle est considérée comme une des meilleures de la région. Mais ces derniers mois, l'unité des Zaghawas s'est à nouveau fissurée, et le chef de l'Etat a dû écarter certains officiers «douteux», selon des proches du Palais. Déjà à la fin des années 2000, cette unité avait été sérieusement malmenée, des Zaghawas passant dans le camp de la rébellion, notamment Timan Erdimi: ce neveu de Déby prend en 2008 la tête d'une coalition rebelle qui échoue, aux portes du palais présidentiel de N'Djamena, à renverser le président. Grâce, encore, à l'appui de l'armée française. Une nouvelle offensive rebelle très menaçante pour le pouvoir est lancée en 2019 mais est stoppée loin de N'Djamena par des bombardements décisifs d'avions de combat français. C'est, au final, en tenant bon gré mal gré son pays, entouré d'Etats aussi faillis que la Libye, la Centrafrique ou le Soudan, que M. Déby apparaît comme l'élément stabilisateur d'une région tourmentée. En 2013, il envoie ses soldats combattre les jihadistes au Mali aux côtés des militaires français des opérations Serval, puis Barkhane. L'armée tchadienne fournit aux Casques bleus de l'ONU au Mali un de leurs principaux contingents et passe pour la plus aguerrie de la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad). Mais le pays paye un lourd tribut à la lutte contre les jihadistes. Le groupe nigérian Boko Haram multiplie les attaques meurtrières autour du lac Tchad, contraignant M. Déby à remettre le treillis pour mener
lui-même - au moins devant les médias - une contre-offensive jusqu'en territoire nigérian en mars-avril 2020. L'»ami encombrant de la France» et des Occidentaux, comme le qualifient nombre d'experts de la région, avait su se rendre indispensable à leurs yeux contre les jihadistes. Mais sur le front social et économique, ses détracteurs accusent le «guerrier» d'avoir eu un piètre bilan en trente ans. Le Tchad, pourtant producteur de pétrole, est le 187e pays sur 189 au classement de l'indice de développement humain (IDH) de l'ONU.

Un conseil militaire dirigé par son fils remplace Déby
Un de ses fils, général quatre étoiles à 37 ans et commandant de la garde présidentielle, Mahamat Idriss Déby Itno, dirige un conseil militaire chargé de remplacer le président tchadien Idriss Déby Itno décédé, hier, a annoncé l'armée à la radio d'Etat. «Un conseil militaire a été en mis en place dirigé par son fils, le général Mahamat Idriss Déby Itno», a déclaré le porte-parole de l'armée, le général Azem Bermandoa Agouna, dans un communiqué lu à l'antenne de la Radio nationale, peu de temps après qu'il eut annoncé la mort du chef de l'Etat - à peine réélu - dans des combats contre les rebelles dans le nord. «Le conseil s'est aussitôt réuni et a promulgué la charte de transition», a-t-il ajouté. Une élection présidentielle aura lieu après 18 mois de transition, promet le conseil militaire qui a dissous le gouvernement et le Parlement.

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