L'Expression

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Feriel Gasmi Issiakhem à L’Expression

«L'art est une politique…

Global Designer, architecte d’intérieur, commissaire d’expositions, mais aussi initiatrice de l’Alliance des designers professionnels, Feriel Gasmi Issiakhem a coprésidé la semaine derniere, au CIC, l’atelier consacré à l’investissement dans les espaces culturels privés et ce, dans le cadre du premier Forum de l’économie culturelle qui s’est tenu du 3 au 5 avril dernier. Elle nous fait part ici de son bilan et analyses quant à cet événement premier du genre en Algérie tout en se disant confiante pour l’avenir…

L'Expression: Lors du premier forum de l'économie culturelle, vous avez coprésidé récemment un atelier portant sur les espaces culturels dits «privés». Un mot-là-dessus?
Feriel Gasmi Issiakhem: Cet atelier visait trois axes, à savoir les mécanismes d'encouragement du secteur privé à investir dans les espaces culturels et artistiques, L'importance de leur participation dans l'organisation de projets culturels, festivals et événements artistiques et enfin les statuts juridiques attendus les concernant.
L'avantage de l'organisation de ces ateliers par ce forum, est qu'il permettait d'établir un grand débat plus inclusif avec la participation aussi bien d'artistes, de porteurs de projets, d'entrepreneurs culturels que des milieux associatifs que cela soit dans le domaine des arts visuels, musique, littérature et du patrimoine. Énormément de sujets ont été abordés par les présents et des recommandations en ce sens ont été retranscrites sur un rapport en veillant également à mettre en avant les auteurs de ces recommandations que nous avons remis au ministère de la Culture et des Arts.
Des questions récurrentes revenaient souvent, comme celles de la formation et de sa remise à niveau; de la mise en place de comités scientifiques d'experts issus d'acteurs privés professionnels pour l'organisation d'évènements culturels parrainés par le MCA; la libération de poches et espaces inexploités, même friches urbaines dégradées dans les différentes villes dépendant des wilayas au profit d'artistes ou collectifs qui souhaiteraient à leur charge les réhabiliter, mais également l'accès a des ateliers de travail pour les artistes; la valorisation des grands investisseurs culturels avec leurs fonds propres;l'établissement d'une cartographie sans cesse augmentée des espaces culturels privés avec leurs activités mises à jour qui doivent faire l'objet d'un onglet sur le site officiel du ministère de la Culture et des Arts; la facilitation par ce dernier et sa mise en relation avec les artistes et autres investisseurs dans ce secteur avec les institutions étatiques multisectorielles, notamment sur la question du sponsoring avec incitation de la réactivation des lois de défiscalisation dans ce sens pour les grandes entreprises; dégager de vrais budgets annuels d'aide à la création avec de vrais appels à candidature publics, soumis à des membres de commissions et résultats annoncés; rendre plus accessible et plus rapide l'obtention d'agréments pour les associations ou syndicats professionnels en leur permettant d'occuper des lieux inoccupés gérés par les wilayas; intégrer la population des sourds et muets dans la scène artistique en prévoyant des écoles qui les formeraient dans des collèges spécialisés (ces enfants se retrouvent dehors sans perspective des qu'ils arrivent à ce niveau d'éducation), devenus grands, ils intégreraient les écoles d'art sur tout le territoire national; l'encouragement de l'écriture et de la critique d'art spécialisée pour situer la/les pertinences des oeuvres artistiques, une trace écrite contribuant aux fluctuations d'un véritable marché de l'art; un comité de veille et d'orientation par des professionnels autour des projets culturels budgétivores émis par les directions de la culture sur tout le territoire national; la mise en place d'agréments spécifiques pour les entrepreneurs culturels privés; la nécessite plus qu'absolue d'impliquer le ministère de l'Education nationale afin qu'ils intègrent dans les emplois du temps des écoles primaires et jusqu'au collège, des cours en arts, histoire des arts, des ateliers de théâtre en tant que «véritable matière essentielle» et non facultative, ceci assurera une employabilité aux artistes nouvellement sortis des écoles d'art, mais surtout, un investissement social à long terme et former les futures générations consommatrices des arts. Ce rapport déposé n'était pas exhaustif, il mérite d'être enrichi, car tant de sujets ont été débattus.

En tant qu'un des acteurs des plus actifs et influents sur la scène culturelle, quelles observations et conclusions avez-vous tirées de cet événement?
Il s'est dit beaucoup de choses déjà redites au passé, mais a priori, ce forum revêtait un format assez démocratique de par l'ensemble des sujets traités et la promiscuité entre les artistes, le secteur privé avec le ministère de tutelle, à savoir celui de la Culture et des Arts, les discussions se poursuivaient même en dehors des plénières ou ateliers. Je déplore néanmoins l'absence d'une bonne partie d'acteurs essentiels qui est due probablement à un couac de communication sur cet évènement, même s'il affichait de réelles intentions d'engagement de la part des deux parties à s'y investir, nous attendons toutes et tous des décisions claires et fermes de la part de la tutelle.
À mon avis, pour y gagner en crédibilité, il faut absolument qu'une feuille de route définissant les objectifs à atteindre, que cela soit à court, moyen et long terme, soit rédigée et rendue publique, avec des visions macroscopiques, ensuite plus microscopique des secteurs les plus rentables en terme d'économie culturelle. Il est important de savoir où et à quel moment on y va, comme une sorte de retro-planning avec des tâches et objectifs à atteindre en cochant chaque case accomplie pour chaque avancée. Une grande attente de voir réellement si ce qui s'est dit et décidé lors du forum, se réalisera.

En tant que designer, vous avez déploré récemment le fait que cette discipline n'ait pas eu la place qu'elle méritait au sein de ce forum, pis encore, qu'elle n'ait pas été évoquée même durant ce forum, alors que c'est un segment très forts en effet, dans les industries, culturelles...
En effet, mais ce n'est pas faute de, mais plutôt un avantage qui permettrait d'aborder ce secteur avec un évènement plus ciblé, comme il en est question dans les plus grands sommets mondiaux dédiés à cette discipline. Cette question revêt une importance qui inclut tout un écosystème socio-économique devenu un enjeu mondial, à savoir la question écologique, l'autosuffisance nationale, l'employabilité, l'excellence de la formation, les villes, l'urbanité, la notion de 0 déchet, la beauté, les arts, l'artisanat, la formation professionnelle.... Mais cette absence est aussi due à une vision étriquée du design en Algérie qui fait qu'il faut commencer par en parler à travers de vraies colloques et expliquer son puissant impact multidisciplinaire dans lequel il est naturellement impliqué. Les chiffres issus des études mondiales de sa rentabilité et de ses actions sur la protection de l'environnement sont des plus éloquents pour le faire comprendre. Pour ma part, je ne désespère pas de voir ce jour arriver et la meilleure façon de le démontrer est de faire voir des résultats avec des projets engagés par ses acteurs, c'est à cela que nous nous y attelons avec la communauté des designers depuis un certain nombre d'années.

Enfin, dans un pays où l'Etat a le monopole sur la culture, pensez-vous que le privé puisse avoir un large champ de manoeuvre dans l'investissement culturel, sachant que le ministère de la Culture a fait valoir son désir «d'accompagner» les investisseurs et les porteurs de projets. Comment traduira l'accompagnement, se traduira-t-il à votre avis?
Il semble que le ministère de la Culture et des Arts, a finalement saisi que les projets culturels les plus ambitieux doivent être accompagnés par les acteurs culturels privés des plus avisés, je donne souvent l'exemple d'un hôpital dont les responsables des différents services tenteraient de soigner eux-mêmes leurs patients, et l'on sait qu'il faut des spécialistes pour chaque médecine. Pour le secteur de la culture et des arts, c'est pareil, les responsables de la tutelle doivent impérativement être entourés de professionnels, à l'expérience et au parcours reconnus aussi bien sur la scène nationale qu'internationale, car ils sont les seuls «spécialistes» à comprendre et saisir «les recettes du succès», à monter de véritables projets qui aient du sens et du contenu et par ricochet, faire gagner en excellence, cela doit être une décision politique car l'art est une politique. Pour ce forum,nous avons eu ce sentiment que la mentalité «d'avant», celle où le ministère devait organiser seul des évènements sans jauger leurs impacts économiques a changé, j'espère ne pas me tromper car les différentes expériences dans l'ensemble des secteurs, arts visuels, cinéma, musique, théâtre, littérature ont prouvé que les projets les plus pertinents et positivement impactant dans leurs domaines respectifs, sont ceux qui ont été étudiés en amont, réalisés et portés par de véritables femmes et hommes de terrain, que cela soit par des locaux ou ceux de la diaspora. Le ministère de la Culture et des Arts doit rétablir ce rapport de confiance attendu en les consultant et leur facilitant les tracasseries bureaucratiques et administratives, il y gagnera en saut qualitatif, d'excellence et de pertinence en s'inscrivant réellement dans un rayonnement artistique local et «vendable» à l'international, il faut être très attentif à cela car il s'agit surtout de cette image universelle des arts, admise comme la meilleure ambassadrice d'un pays. Donc soit on choisit de s'auto-plaire en demeurant dans une sorte d'autosatisfaction locale, soit on décide de s'inscrire dans une véritable démarche de rigueur et de professionnalisme à visée mondiale pour laquelle nous avons les outils car aujourd'hui ce secteur est devenu très clivant et férocement concurrentiel. C'est tout simplement une question de bon sens et le meilleur traitement que l'on puisse administrer à ce secteur.

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