L'Expression

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UN SECRET DE JOURNALISTE

On a souvent attribué à la presse nationale un rôle qui n´est pas le sien: celui d´acteur politique. D´aucuns vous diront qu´elle porte le débat politique national à la place des partis politiques. Si cette thèse a fini par convaincre beaucoup d´entre nous, elle pollue surtout aujourd´hui le débat sur son rôle, sa place dans la société et pose des interrogations sur son propre avenir. «La presse nationale se doit de dénoncer et de lutter contre le système politique actuel», me disait dernièrement un confrère dont l´expérience dans le métier est reconnue. Il estimait que le système algérien est archaïque, dépassé, autoritaire...dictatorial.
C´est un point de vue juste et honorable pour un tas de raisons. Car qui, du simple citoyen broyé dans les difficultés sociales et économiques de tous les jours, réfuterait de tels qualificatifs au système? Mais...il y a un mais. Mon confrère sous-entendait que lui, le journaliste révolté par tant d´injustices dans le pays, était hors du système. Cela est-il possible? Simple question. Comment peut-on attribuer à la presse nationale un rôle éminemment politique tout en l´excluant du champ de la responsabilité sociale et politique? Etre dans et hors de la responsabilité en quelque sorte. Je me rappelle de la formidable mobilisation des journalistes en 1986-87, au sein du Mouvement des journalistes algériens (MJA).
De revendications purement syndicales, nous avions abouti à de vraies batailles politiques: lutte contre la censure, la liberté d´expression, la terrible dictature de l´appareil du FLN...Nos cris avaient rencontré ceux des enfants d´Octobre 88. La suite est connue.
Cette fierté acquise grâce à plus de 3000 jeunes morts sur le fronton de la liberté, a été récupérée par...bien des sectes politiques, dont la plus démoniaque fut celle des islamistes de l´ex-FIS. La suite est connue. Mais nous, journalistes acteurs de l´époque, qu´avons-nous fait de cet héritage? Que dire à certains mandarins de la presse d´aujourd´hui qui reproduisent les mêmes attitudes et réflexes contre lesquels ils se sont élevés avant 88? Ne nous cachons pas le visage.
Les rédacteurs en chef et directeurs de la rédaction de bien de journaux dits «indépendants», pratiquent la censure et servent, parfois, des causes auxquelles, eux-mêmes ne croient pas. D´autres organes de presse bien nantis financièrement, réduisent certains de leurs jeunes journalistes au statut de servage. Une sorte d´emploi de jeunes. Je le sais par une expérience passée.
Et puis, plus généralement, la campagne présidentielle de 2004 et «l´aventure» du candidat Benflis n´est pas si loin que ça, pour nous rappeler à notre vraie mission: celle d´informer. On m´a enseigné que l´indépendance d´un journaliste se mesure à la distance qu´il prend avec l´événement.
On m´a enseigné qu´un journal indépendant, particulièrement dans une conjoncture de construction démocratique, devait donner la parole à tous les acteurs politiques qui visent la conquête du pouvoir. Sans exclusive. On m´a enseigné, enfin, que le journaliste peut intervenir par le commentaire, par l´éditorial, par l´analyse...pour éclairer le sens du débat. Un rôle, en somme, de pédagogie. Un rôle de service public. Force est de reconnaître que nous avons été loin de ce devoir d´informer au sens noble du terme.
Nous nous sommes pris dans les rets de la comédie du pouvoir. Et nous en subissons encore les effets. Nous voilà avec la perspective d´un nouveau rendez-vous électoral capital et les appels des sirènes de sectes obsédées par le pouvoir, rien que le pouvoir. Où allons-nous nous situer? Serons-nous dans des positions de partis politiques ou dans celle du journaliste? Donner la parole à tous les prétendants à l´investiture suprême est dans nos capacités.
Pour le reste, c´est aux Algériens de trancher. Dans ces conditions nous redeviendrons journalistes. Et rien d´autre.

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