La grande menace
Après avoir longtemps tergiversé, malgré les appels pressants de ses alliés européens dont la France et l’Allemagne, l’administration Biden vient de donner à l’Ukraine l’autorisation d’attaquer la Russie en usant des missiles longue portée fournis par les États-Unis. C’est un tournant majeur dans le conflit qui secoue les relations internationales depuis plus de deux ans. La décision vient, en effet, modifier en profondeur la physionomie du conflit et elle risque même d’être l’étincelle qui pourrait mettre le feu aux poudres d’une nouvelle guerre mondiale tant redoutée par la communauté internationale. Elle a, ainsi, provoqué la colère du Kremlin tandis que les médias russes dénoncent « une grave escalade » aux « conséquences catastrophiques ». On sait que Kiev dispose depuis plusieurs mois de missiles sol-sol balistiques à longue portée, les MGM-140 Atacms (Army Tactical Missile System), délivrés par Washington en 1991 et largement utilisés durant les deux guerres du Golfe arabique. Outre ces armes d’une portée de 165 km, Kiev a obtenu en 2023, une nouvelle version de 300 km que l’armée ukrainienne a employée en avril dernier. Ces engins furtifs atteignent une vitesse proche de celle du son et sont porteurs d’une charge explosive de 170 kg. Pour certains responsables russes, la décision de Joe Biden est « un pas sans précédent vers une Troisième Guerre mondiale ». La question est de savoir pourquoi elle est intervenue, aujourd’hui, et dans quel but. L’arrivée prochaine de Donald Trump à la Maison-Blanche n’est, évidemment, pas étrangère à la chose, sachant que Biden et son administration ont fort mal digéré ses effets de manche, quant à un arrêt total de l’aide américaine à l’Ukraine, début janvier 2025. Ce propos a, en outre, passablement inquiété les alliés européens, nombreux étant ceux qui redoutent de se retrouver seuls face à la Russie. Paris a, d’ailleurs, pressé, ces temps derniers, les pays membres de l’Union européenne dans le vain espoir d’une mobilisation autour de la construction d’une « défense européenne », une vieille et hypothétique ambition gaullienne dont on n’a jamais vu le jour. Le fait est que, plusieurs fois auparavant, le président russe Vladimir Poutine a averti les alliés atlantistes contre toute livraison de missiles à longue portée à l’Ukraine, qualifiant cette éventualité de « participation directe » des pays de l’Otan à une agression contre la Russie. Auquel cas, elle remettrait en cause la doctrine nucléaire sur laquelle repose le fragile statu quo planétaire…