L’axe Alger-Abuja
Les pays de la région sahélo-saharienne semblent visiblement décidés à prendre leur destin en main. La création de l'Alliance des États du Sahel et les échecs des tentatives de renversement des pouvoirs nigérien, malien et burkinabè témoignent d'une prise de conscience au sein des sociétés de ce pays de l'urgence d'une stabilité, loin des ingérences occidentales. Mais le souhait exprimé par les sociétés civiles des pays de l'AES n'est pas automatiquement réalisable, tellement la situation déjà complexe a été considérablement aggravée par l'intervention de l'Otan en Libye, suivie par une présence militaire handicapante de la France dans les cinq pays du Sahel. Le fameux G5 Sahel, les dispositifs mis en place par Paris pour soi-disant lutter contre les terroristes, armés directement ou indirectement par l'Occident et les opérations dites sécuritaires engagées par une multitude de sociétés militaires privées, n'ont pas sauvé des vies dans le Sahel. Bien au contraire, chaque balle tirée dans cette vaste zone désertique l'a éloignée de la stabilité promise par les armées de l'Otan.
Cette image d'une région sans maître, repaire de brigands et de mercenaires a été quelque peu brisée par les nouveaux dirigeants qui ont pris la résolution de quitter la Cédéao et créer leur AES. Le retour de l'État, bien que symbolique, faut-il en convenir, s'est manifesté par des décisions courageuses qui ont, notamment consisté à chasser les armées française et américaine, dont la présence stérile dans la région donnait des pays du Sahel une image peu sérieuse.
Mais ce qu'ont fait les autorités de ces pays n'est en réalité qu'un pas, un seul, dans le sens de la libération. Les 64 ans de fausse indépendance accordée par la France pèsent encore trop lourd dans la destinée de ces nations en devenir.
L'AES est un sérieux pas en avant, mais encore faut-il que ses initiateurs sachent écouter leurs peuples et identifier leurs véritables amis. Le recours à d'autres puissances étrangères pour remplacer les Occidentaux ne peut en aucun cas être considéré comme un deuxième pas vers la libération. Les dirigeants du Niger, du Mali et du Burkina Faso gagneraient plus à s'associer à leurs pairs africains. L'axe Alger-Abuja, à travers l'infrastructure qui le compose, est un signal fort à l'adresse de ces jeunes Républiques. Niamey a compris l'enjeu. Ouagadougou et Bamako suivront-ils?