L’Arabie saoudite et la normalisation
En 2020, alors que le monde était loin d’imaginer une opération du Hamas brisant une fois de plus le mythe de l’invincibilité de l’armée sioniste et de son armement américain, l’Arabie saoudite semblait sur le point de basculer dans l’escarcelle de la normalisation. Confronté au dilemme d’une reconnaissance d’Israël, le prince héritier Mohamed ben Salmane, un temps pressé par le gendre de Trump, Jared Kushner, durant le premier mandat du milliardaire républicain, devait faire face aux pressions soutenues du secrétaire d’État démocrate Antony Blinken qui rêvait d’obtenir ce gage spectaculaire d’une entité sioniste confortablement installée aux manettes d’une région moyen-orientale « pacifiée ». Et cela sans aucune concession dans le dossier d’une Palestine peu à peu effacée du calendrier arabe, sous prétexte d’un Moyen-Orient recomposé. En quête d’un pacte de défense avec Washington et d’une assistance dans la réalisation du nucléaire civil, Riyadh était à deux doigts de signer, les yeux fermés, le « pacte » de normalisation quand Toufan El Aqsa est venu compromettre la donne. En effet, l’Arabie saoudite en tant que première économie du monde arabe et, surtout, « gardienne de deux Lieux Saints » de l’Islam ne pouvait, décemment, poursuivre l’idylle, sans provoquer un tsunami au sein de l’Oumma musulmane. Aussi, est-ce à contre-cœur que les pourparlers ont été suspendus, au grand désappointement de l’administration Biden qui espérait renforcer le « bastion » des États normalisés, à savoir Bahreïn, les Émirats, le Maroc et le Soudan, avec un poids lourd du Moyen-Orient tel que l’Arabie saoudite. Les Accords d’Abraham, initiés par Donald Trump, avaient permis d’ajouter les pays précités à l’Égypte et à la Jordanie qui, seuls parmi les 22 États que compte la Ligue arabe, entretenaient des relations diplomatiques avec l’entité sioniste, depuis la fin de la guerre du Ramadhan en 1973. Mais Washington qui mesure la différence entre une normalisation officielle et des relations effectives entre les peuples est, désormais, confrontée à une position explicite des dirigeants saoudiens qui, tout en saluant l’accord de trêve entre le Hamas et l’entité sioniste, insistent clairement sur la nécessité d’un retrait sioniste total de l’enclave palestinienne de Ghaza et de la Cisjordanie occupée. En somme, les États-Unis et, avec eux, leur allié sioniste sont plus que jamais informés de la condition sine qua non de l’Arabie saoudite qui réaffirme que « la condition minimale de toute normalisation avec Israël demeure l’établissement d’un processus crédible, non réversible et assorti d’échéances claires, pour la création d’un État palestinien », conformément à l’offre de paix arabe de 2002. Une chose est sûre, l’agression barbare contre Ghaza a accru au sein du peuple saoudien un rejet explicite de toute proximité avec le sionisme.