DJERBA (TUNISIE)
L'île de la sensation
A Djerba, l'exotisme n'est pas un vain mot. Les touristes le vivent, le «hument» et retrouvent le plaisir de la simplicité quotidienne.
Quand l'avion ATR frotte le tarmac de l'aéroport international de Djerba, on appréhende le pire: des hôtels vides, des carcasses de véhicules calcinés jonchant les routes. Une île déserte, défigurée, dévastée par la révolution des Jasmins. Or, tout cela n'est que pure affabulation. Dès le premier regard, Djerba, cette vaste palmeraie, se révèle dans sa splendide sérénité. C'est un lieu de calme et de farniente par excellence. Le centre-ville appelé «Houmet Essouk» grouille de monde.
Des touristes flâneurs arpentent les ruelles pavées. Au détour d'une ruelle, ils s'attablent aux terrasses de cafés pour se dorer au soleil, le temps d'un jus d'orange nature ou d'un thé à la menthe. A Djerba, l'exotisme n'est pas un vain mot. Les touristes le vivent, le «hument» et retrouvent le plaisir de la simplicité quotidienne qui rappelle les lointaines époques. Du travail de la poterie, des huileries souterraines et l'extraordinaire cohabitation entre la mer et le désert. La révolution? C'est du passé. «On a manifesté pour marquer notre solidarité avec les autres régions du pays mais il n' y a eu ni casse ni violence. Ici, les gens sont contre la violence et la casse», raconte, à haute voix, cette fois-ci, Sofiane, vendeur dans un magasin d'artisanat à Houmet Essouk.
Les journées coulent insensiblement sous un climat incroyablement léger. «L'air est si doux qu'il empêche de mourir», avait résumé le romancier français, Gustave Flaubert, tombé sous le charme de cette île qu'il avait visitée lors de son voyage pour la reconnaissance des lieux pour son célèbre roman Salammbô.
Située au sud-est de la Tunisie, à une heure de vol de Tunis, Djerba est la plus grande île des côtes d'Afrique du Nord. Elle est surtout la dernière oasis dans cette région. Elle rassemble à elle seule plus de 45.000 habitants de la population djerbienne estimée à 150.000. Le long de ses 120 km de côtes, pullulent des centaines de lieux touristiques dont 140 hôtels de très haut standing. Avec ses 50.000 lits, elle représente l'une des plus importantes destinations touristiques de la Tunisie.
Métamorphosée par cinquante années de tourisme intensif non-stop, l'île a de ce fait subi les contrecoups d'une urbanisation accélérée. «Nous n'avons pas su respecter la nature, on l'a agressée avec une urbanisation excessive. L'île a beaucoup perdu de son aspect sauvage», regrette Fawzi Basli, directeur de l'Office national du tourisme tunisien à Alger. «Cela n'empêche pas les étrangers de défiler à longueur d'année sur l'île car ils y trouvent un tourisme à la fois culturel, balnéaire et les adeptes de la thalassothérapie. Ainsi, le tourisme prend son essor pour devenir la seule, sinon la principale activité économique de l'île», ajoute M.Basli. Le secteur emploie environ 80.000 personnes même si le nombre d'emplois directs n'est pas aussi important.
La solution au conflit arabo-israélien
Au coeur de la ville trône le Musée du patrimoine traditionnel de Djerba qui reçoit près de 100.000 visiteurs chaque année. Il propose une halte hors du temps qui remonte jusqu'à Ulysse, héros de l'Odyssée, lequel est passé par là. Dès le début des années 1960, l'Etat tunisien a entrepris de doter les différentes régions du pays en musées des arts et traditions populaires. A Djerba, le choix a porté sur le mausolée de Sidi Zitouni pour abriter les premières collections. La richesse folklorique de l'île, les costumes de divers groupes sociaux, les bijoux fabriqués par les artisans juifs et arabes et les ustensiles de cuisine sont des éléments de la mémoire de Djerba que le musée garde jalousement.
L'île collectionne les particularités de Tunisie et de l'Afrique du Nord, ce qui fait d'elle un bijou naturel particulièrement prisé par les touristes allemands. Son relief est plat, tabulaire diront les géologues. L'air est doux, le ciel est bleu. L'eau douce est rare et il n'existe pas de cours d'eau sur l'île.
C'est la seule partie de Tunisie qui garde encore les traditions berbères et où sont construites plus de 360 mosquées. Mais la particularité frappante à Djerba est cette cohabitation pacifique sans animosité entre les musulmans et les juifs. «Nous vivons et nous commerçons ensemble depuis que je me suis installé et je n'ai jamais eu de problème particulier avec les juifs de cette île», affirme Kaïs, propriétaire d'un restaurant.
Attablé dans un café, Jibril ne cache pas sa judaïté: «Je suis juif de confession mais cela ne m'empêche pas d'aimer mon pays la Tunisie», dit-il. Même durant les dernières élections législatives, la donne confessionnelle n'a joué aucun rôle chez les électeurs et les partis. «Je n'ai reçu aucune consigne de vote car mes idées politiques n'ont rien à voir avec la religion», note encore Jibril qui, par ailleurs, ne cache pas son appréhension quant à l'avenir du pays.
«Ce mouvement ne m'inspire pas confiance car je pense qu'ils ne sont pas sincères. Je ne suis pas le seul à le dire, posez la question à ceux qui activent dans le secteur touristique et vous verrez combien ils ont peur de ce mouvement qui risque de casser ce secteur», prévient-il.
L'île de Djerba abrite la majorité des 1600 juifs tunisiens restés dans le pays après la guerre arabo-israélienne de 1967. Ils sont concentrés au quartier appelé «Al Hara», qui est le plus ancien quartier de la diaspora juive à Djerba. Haut lieu de pèlerinage, le visiteur de Djerba ne peut s'empêcher de faire un tour à la célèbre grande synagogue de la Ghriba, dans la Petite Hara, la plus ancienne synagogue construite en dehors de la Palestine, après la destruction du temple de Salomon à Jérusalem. Finalement, la solution au conflit millénaire qui oppose les juifs aux Arabes se trouve à l'île de Djerba en Tunisie.
Pourquoi alors ne pas demander à l'Etat tunisien de faire don de cette île aux juifs et aux Arabes qui se font la guerre en Palestine, les faire venir sur cette île où ils peuvent vivre apparemment en toute sérénité? Pour la Palestine, elle deviendrait un Musée international à ciel ouvert. Les fonds qui seront récoltés lors des visites seront consacrés à la paix dans le monde. Quelle belle idée! diront les utopistes. En attendant, la Tunisie se soucie de son tourisme. A Djerba on s'inscrit déjà dans une autre dimension de l'hôtellerie. La nouvelle tendance est à celle thématique donnant un cachet particulier et une identité à chaque infrastructure. De ce point de vue, le Green Palm réunit toutes ces qualités. Il associe l'harmonie et le confort à un souci écologique qui en fait un hôtel pilote en matière d'économie d'énergie.
Niché au coeur de la zone touristique, adjacent à un immense terrain de golf, le Green Palm est un château où l'on peut swinguer de son balcon. Son patron, M.Laroussi n'a pas fait l'économie de compétences pour le construire. Des Canadiens, des Allemands et des Français ont été sollicités pour réaliser ce bijou architectural qui allie nouvelles technologies et style traditionnel.
On swingue de son balcon au Green Palm
Convivialité, atmosphère familiale et un service personnalisé lui confèrent une parfaite ambiance de vacances pour faire du séjour un souvenir inoubliable.«Le Green Palm est une combinaison heureuse entre une architecture typiquement traditionnelle et un confort douillet et moderne», affirme avec beaucoup de modestie son patron qui a passé plus de trente ans de sa vie en France.
Les acteurs du tourisme tentent de s'adapter. Ils offrent des activités nouvelles comme des terrain de golf, casino, musée et centres de thalassothérapie, des stations de ski nautique, motomarine, parachute ascensionnel ou simple pédalo. Ce n'est pas suffisant pour éviter le tassement de l'activité.
«Nous ne devons pas abandonner les compétences anciennes, il faut les sauvegarder et les faire accompagner de jeunes pour assurer la relève», conseille Fawzi Basli, ce vieux routier du tourisme tunisien. Son ami, M.Laroussi, est plutôt favorable à un apport nouveau. «Il faut du sang neuf, il faut donner sa chance à la jeunesse», dit-il. Et le débat est enclenché sur le sort du tourisme. C'est la Tunisie qui a envie de parler. Elle s'est tue pendant 23 ans et depuis janvier 2010 elle a décidé de parler. Dans la rue, les cafés, les restaurants, les citoyens racontent leur pays sans crainte.
Telle est Djerba visitée après la révolution. On y revient saturé d'images, de souvenirs d'une randonnée bien particulière.