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Rencontre sur Lalla Fadhma N'Soumeur à Tizi Ouzou

Une femme mariée à la résistance...

«Elle est beaucoup plus que ce que l'on sait d'elle» fera remarquer Abd-El-Naceur Belaïd, chercheur en Histoire des révoltes populaires du XIXe siècle contre la colonisation et ancien ambassadeur...

Une conférence sur Lalla Fadhma N'Soumeur a eu lieu à la bibiliothèque de lecture publique de Tizi Ouzou à l'occasion de la Journée internationale de la femme, mais elle est loin d'être occasionnelle et anodine car elle vient incontestablement remettre de l'ordre
dans...l'ordre des choses.
L'auteur, Abd-El-Naceur Belaïd, chercheur en Histoire des révoltes populaires du XIXe siècle contre la colonisation et ancien ambassadeur, le dira d'ailleurs d'emblée, «Lalla Fadhma N'Soumeur est beaucoup plus que ce que l'on sait d'elle». Le décor est désormais planté: parler de cette grande femme, tout comme l'Histoire de notre pays durant cette période, au moins, nécessite de l'effort et de la prudence quant aux références abondantes des oeuvres laissées par les historiographes coloniaux dont la mission n'était pas, tout à fait, la même que celle des historiens. «La Revue africaine est une référence utile, certes, mais il faut bien analyser car lorsqu'on écrit votre histoire on vous domine en vous dévalorisant d'où la nécessité de déconstruire le narratif colonial», affirme Abd-El-Naceur Belaïd qui explique qu' «en plus de l‘impératif de décoloniser l‘histoire comme l'avait développé Mohand Cherif Sahli, il s'agit également de s'engager dans la déconstruction du narratif colonial», ajoute-t-il, déplorant que les travaux de beaucoup d'historiens s'en inspirent négligeant ce fait, pourtant, très important. Pour Abd-El-Naceur Belaïd, Lalla Fadhma N'Soumeur doit être étudiée dans toute sa dimension, y compris universelle. La conférence a, d'ailleurs, été consacrée, en grande partie, à rétablir les faits souvent mal appréhendés par les historiens ainsi que certains médias. Le conférencier dira d'ailleurs que Lalla Fadhma était mariée avec la résistance.

Des vérités rétablies
Il rétablira ainsi beaucoup de vérités sur Lalla Fadhma N'Soumeur qui, expliquait-il, «avait une relation de lutte commune contre l'envahisseur plutôt qu'une idylle amoureuse avec le Cherif Boubaghla» comme veulent le faire croire certains cinéastes et autres chroniqueurs de fortune. L'auteur-chercheur révèlera dans la foulée que la gravure souvent attribuée a Lalla Fadhma la montrant tenir un pistolet est fausse car elle représente en vérité une jeune femme des Iflissen Mellil qui avait vengé, dans le feu de l'action, son père tué devant ses yeux par les soldats français. Preuve en est que l'habit féminin kabyle ne dévoile jamais l'avant- bras d'une femme. Ce qui est le cas dans la gravure en question. Après ces quelques points sur les «i» égrenés sur les pages de l'histoire, le conférencier a magistralement retracé la vie, courte, mais éminemment chargée, de Lalla Fadhma qui avait, au plus, vingt et un (21) ans lorsqu'elle a été arrêtée par le général Youssouf en compagnie de plus de 200 femmes. Illustration de l'aura de l'héroïne, Ces femmes, expliquait-il, avaient décidé de rester avec Lalla Fadhma N'Soumeur et subir la même sanction. Petit clin d'oeil furtif pour montrer le caractère de fer de la femme algérienne. Issue d'une famille maraboutique très respectée, Lalla Fadhma, est la petite - fille de Cheikh Oumeziane, grand homme sage et lettré dont parle longuement El Ouarthilani dans son livre la Rihla. Elle est retournée dans sa famille après un bref mariage. Paradoxalement, cet épisode n'avait nullement porté atteinte à son aura. Bien au contraire, elle avait été bien accueillie par sa famille, son village et l'assemblée qui lui a, d'ailleurs, confié la conduite de la résistance. Bien évidemment, le colonisateur avait tout intérêt à dévaloriser la portée de la résistance de Boubaghla et Lalla Fadhma en essayant de transformer cette stratégie commune de résistance en une idylle amoureuse alors que Lalla Fadhma N'Soumeur est plutôt mariée avec la résistance à laquelle elle vouera toute sa vie corps et âme, insistait l'auteur-chercheur.

Des actes élaborés et bien coordonnés
Lalla Fadhma N'Soumeur, dans une société traditionnelle et conservatrice de la moitié du XIXe siècle, est respectée et reconnue comme un guide et un phare. Sa notoriété dépassait de loin le cadre dans lequel tentait de l'enfermer le colonisateur à travers sa machine de propagande. Des archives françaises récemment mises en ligne, affirme Abd-El-Naceur Belaïd, la signalaient au sein des tribus des Aït Melikech en petite Kabylie et d'autres parties de la région où les récits colonialistes ne signalaient pas sa présence. Les mêmes archives montrent que la résistance menée par Lalla Fadhma N'Soumeur ne relevait pas d'un acte intempestif, mais était bien élaborée, bien organisée et bien coordonnée avec, notamment si Lhadj Amar, Moqadem de la Tariqa Rahmania et le grand guerrier et stratège Cheikh Seddik Ben Arab, de la prestigieuse zaouïa de cheikh ben Arab de Tizi Rached (Larbaâ Aït Irathen) comme l'attestent les documents relatant certains faits à l'instar de la réunion qui les a regroupés en 1855 dans la région de Boghni. Comme une heure ne suffisait pas à évoquer un personnage de cette dimension, Abd-El-Naceur Belaïd a sciemment ponctué sa conférence de détails hautement parlants par leur forte charge tout en plaidant pour une autre méthode d'approcher l'Histoire de cette grande Femme. Fadhma N'Soumeur n'appartient pas uniquement à une région. Elle est le reflet des mouvements des résistances populaires en Algérie durant le XIXe siècle. Bien plus, Fadhma N'Soumeur en tant que femme et résistante est en train d'accéder à l'universalité. D'ores et déjà, certains pays comme la Belgique ont baptisé des rues en son nom. «Fadhma N'Soumeur est beaucoup plus que ce qu'on sait d'elle jusqu'à maintenant», conclut enfin le conférencier qui a répondu avec pédagogie aux questions de l'auditoire fort nombreux venu assister à cette communication au niveau de la Bibliothèque de lecture publique de la ville de Tizi Ouzou. Une institution qui enrichit régulièrement le paysage par des conférences très intéressantes. 

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