L'Expression

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«Alger, le Cri» de Samir Toumi traduit vers l'italien

«Ma ville, ma vie, ma bataille...»

«Algeri, il grido» est le titre du roman traduit par l'Italienne Giulia Béatrice et édité par Carolina Paolicchi d'Astrate edizioni avec en bonus...un épilogue inédit!

Heureuse nouvelle pour l'écrivain algérien Samir dont le roman sorti en 2013 aux éditons Barzakh, «Alger, le Cri» vient d'etre traduit en italien. Pour en savoir plus, une vidéoconférence a été animée en ligne la semaine dernière pour parler ainsi de cette nouvelle parution baptisée donc «Algeri, il grido». Cette rencontre virtuelle a réuni ainsi l'auteur ainsi que son éditrice algérienne Selma Hellal, mais aussi la directrice de l'Institut culturel italien d'Alger, Antonia Grande, de l'ambassadeur d'Italie, Giovanni Pugliese, ainsi que la fameuse traductrice italienne Giulia Béatrice et l'éditrice Carolina Paolicchi d'Astrate edizioni. Dans son allocution de bienvenue, l'ambassadeur italien a tenu à souligner que cette rencontre est «une occasion pour célébrer encore une fois la collaboration culturelle entre l'Algérie et l'Italie» et de rajouter que «cet ouvrage autobiographique peut être considéré comme une illustration d'une époque et de la vie de toute une génération et on espère qu'il pourra rapprocher le peuple italien de cette ville aussi belle et magnifique qu'est Alger et lui donner l'envie de visiter». L'ambassadeur réitéra le fait que «l'Italie s'est toujours engagée dans le dialogue avec le peuple algérien, en favorisant le dialogue interculturel, malgré les difficultés de ces dernières années, on a toujours été présent et notre objectif est de poursuivre dans cette voie afin de consolider notre amitié avec les Algériens». Pour sa part, la directrice du Centre culturel italien a tenu à citer un autre auteur qui est concerné par «cette ville chargée d'émotion», qu'est Yasmina khadra... «une ville qui vous change ça veut dire que le rapport avec cette ville est très important pour les écrivains...».

Un récit introspectif et troublant
Et de faire remarquer: «J'ai lu ce récit de Samir Toumi et je l'ai beaucoup apprécié. Un récit autobiographique à travers lequel l'auteur parle de sa relation un peu ambigüe avec Alger, relation complexe qui vacille entre amour et haine. Complexe comme dans l'amour; parfois on aime puis on se dispute avec l'objet de notre amour. C'est un peu cela le rapport qu'entretient Samir avec sa ville natale. On a vu qu'il a une relation introspective et fusionnelle avec cette ville. Le cri c'est aussi une métaphore avec sa vie, son enfance et sa mémoire. Métaphore d'une relation bouleversante avec la ville. Il part souvent à Tunis. il parle de Tunis comme une ville très différente par rapport à Alger. Une caresse après la gifle. J'ai beaucoup apprécié aussi la langue et sa poésie qui est très émouvante. Très touchante. J'ai beaucoup apprécie la traduction et j'espère que les Italiens apprécieront cette traduction. Je réitère le fait que nous sommes très engagés dans les échanges entre l'Italie et l'Algérie. Aujourd'hui, cet échange est un nouvel exemple de cette collaboration.» Pour Selma Hellal, cette rencontre était le prétexte «pour parler de la belle trajectoire du livre de Samir Toumi, roman initialement paru en 2013 en langue française. Le prétexte de cette rencontre d'aujourd'hui est d'évoquer son un avatar italien, évoquer ce qui s'est passé pour qu'une traductrice italienne et une éditrice italienne aient été séduites et ont eu l'envie de porter et de défendre un ouvrage d'un écrivain algérien qui pour moi- c'est important de le dire- n'avait pas été mis sous les feux des projecteurs ailleurs qu'en Algérie, je trouve que c'est encore plus révolutionnaire. C'est vraiment le destin d'un écrivain algérien qui est reconnu en Italie directement. C'est extrêmement gratifiant et une source de respect.». Et de confier plus loin: «Le lecteur algérien a dû,certainement,avoir lu cet ouvrage qui a défrayé la chronique en 2013. Il avait provoqué un choc dans l'actualité culturelle algérienne. Nous avions Samir et moi, peur que le livre ne parle que de manière confidentielle à quelques tourmentés et en fait, on a découvert que c'était véritablement une onde de choc. Cette ambivalence, ce rapport amour / haine était logé dans le coeur de tout Algérois et au-delà, de tout Algérien!.. Pour la première fois, un récit posait une réflexion sur un retour sur soi, de manière aussi intense et sincère...je crois que les gens ne se sont pas trompés.. Le public était très diversifié. Tout le monde s'est retrouvé dans ce livre, cela nous a troublés,mais rassurés car ca parlait au coeur des gens.. C'est un livre qui sort dans un contexte particulier. C'est les post-printemps arabes...le livre est écrit quasiment avant ou pendant cette période. La résonance parmi le public s'explique aussi par ce contexte...»

Ambivalence entre amour et haine
Sur un ton passionné, Selma Hellal relèvera que Samir Toumi «est dans la vraie vie un arpenteur. Entre 2013 et 2021 où il a écrit cet épilogue très important, on retrouve Samir Toumi l'arpenteur, mais avec des métamorphoses et des mues. Et moi ca me passionne. La ville est un corps pour lui... un corps qui se découvre, qui se dévoile...Il le fait en tant que marcheur. Aujourd'hui, Samir Toumi arpente Alger et ses faubourgs en cycliste. Une cohérence que les lecteurs italiens vont, j'espère, saisir en lisant l'épilogue et bientôt je l'espère, le lecteur algérien...» Samir Toumi qui s'est confié largement sur son désir d'écriture qui est venu grâce au livre «Alger, le Cri», dira d'emblée que «tout est une histoire de rencontre. Quand je l'ai écrit, pour moi, il fallait qu'il soit édité chez Barzakh. Ensuite, il ya eu la rencontre avec Giulia dans une librairie à Naples. On a échangé autour d'un article. Cela a laissé un sillage, une trace. Un jour elle me dit qu'elle a décidé de traduire «Alger, le Cri». La question de savoir pourquoi ce livre? je ne l'ai même pas posée, je me rends compte maintenant. Je l'ai remercié et on a eu un échange épistolaire comme ça..et après j'apprends qu'une maison d'éditon italienne, qui s'appelle Astrate, veut m'éditer alors que c'est le nom du quartier où j'ai habité à Tunis! L'écriture, c'est ce lien. Je ne remercierai jamais ce livre qui m'a permis de créer ces ponts qui sont tellement importants et tellement vrais.»Samir Toumi rappellera aussi, sa rencontre à Naples avec Giulia Béatrice, qui s'est faite grâce aux liens créés autour de «L'effacement» (Barzakh-2016), un autre de ses romans qui avait alors été traduit en italien par Daniela De Lorenzo, sous le titre «Lo specchio vuoto»(le miroir vide). Revenant à «Alger, le Cri», il expliquera que «ce livre, j'ai commencé à l'ecrire en avril 2010;je faisais des allers/retours entre Alger et Tunis. J'avais cette impérieuse envie d'écrire...; ct un livre très ventral, très impérieux, fallait que je l'écrive. Je n'avais aucun objectif. Il fallait que j'écrive ce que je ressentais. Ce n'est pas un journal, je ne me raconte pas. J'ai décide que c''était important d'écrire ce que je ressentais, je ne savais pas pourquoi...pendant que je l'écrivais, je m'interrogeais tout les matins et soir sur les raisons qui me poussaient à avoir ce besoin d'écrire.
Le seul moyen c'était d'écrire sur cette ville, ma place. Cette ville deviendra une thérapeute, une mère, un danger, un animal, un serpent. La ville devient le fil conducteur à mon expression. «Parler de la ville c'était comme si je parlais de ma vie...».

Trouver sa place et sa raison d'être
Et de poursuivre: «Je me rends compte quand je voyage que je m'échappe, de ma ville, de ma vie...c'est toujours la même histoire... et dés que je m'envole, je n'ai qu'une envie, revenir, je suis confronté à cette émotion multiple...j'ai conscience que le problème ce n'est pas la ville, mais c'est ma vie.....Il s'agissait de comprendre ma vie, ce que je fais la, de comprendre pourquoi j'ai envie d'être là et tellement envie de fuir l'endroit où je suis... ce qui a fait écho chez les gens, c'est un peu ça, car qu'importe qu'on soit à Alger ou ailleurs, on a besoin à un moment donné de se dire qu'est-ce que je fais là? Pourquoi je suis là?..Avec cette envie de s'échapper toujours...
En parlant de ma ville, je parle de ce qui m'enchaine à cette ville...en même temps ce qui m'enchaÏne c'est ce qui fait de moi qui je suis...Se dresse une espèce de bataille. Et de ce se demander au final, quelle est ma place dans tout ça?». Et de renchérir: «En toile de fond y a quelque chose qui arrive, c'est le miracle de la littérature? je ne sais rien...on est août 2010 et je me ballade à l'avenue Bourguiba et y a Jéricho qui revient sans cesse dans ma tête...le 26 décembre Bouazizi est immolé, je parle d'un mur qui tombe, d'un effondrement, de ce tournoiement, à tel point que j'oublie la ville et je rentre en moi-même. La problématique s'avère être moi, ma place, mon histoire...c'est vraiment une quête. Il n y a pas vraiment de résultat..À l'issue du livre, il y a une forme d'apaisement.
Les dernières lignes que j'ai écrites, c'était le 14 janvier 2011, bizarrement. Le jour où on apprend que Ben Ali a été destitué. C'est là où j'ai écrit ma dernière ligne. Après, il y a eu de longues réécritures. Il y avait quelque chose comme ça qui était dans l'air du temps car c'est un livre sur la parole... cette recherche de parole fondamentale, je l'ai faite à ma manière et avec ce besoin impérieux d'écrire...». Pour Giulia Beatrice: «Tout le travail de traduction de «Alger, le Cri» s'est déroulé en pleine pandémie...ça a été une lumière que j'ai gardée allumée, qui m'a permis de voyager vers un ailleurs. J'ai lu le livre d'un trait. J'étais sur un banc et ça m'a vraiment touché pour plusieurs raisons. D'abord, je pense que l'une des raisons c'est ce rapport à la ville. En tant que Napolitaine Je vis un rapport un peu comparable. Comme c'est le cas dans beaucoup des villes méditerranéennes. Sur le plan linguistique, le livre n'est pas évident à traduire, mais justement ça me posait un défi très alléchant. C'est pour cela que j'ai voulu le saisir. Cette traduction a fait l'objet d'un mémoire. Le défi était de traduire cette hybridité qui se situe dans la richesse de langues différentes., des styles très passionnants à traduire, il faut s'interroger sur les mots en berbère et ceux en arabe et savoir quand il faut il les traduire ou les garder tels quels....on a fait un vrai travail d'étude avec la maison d'édition pour les rendre plus accessibles au public italien. Je fais partie d'une génération qui avait la vingtaine pendant le printemps arabe, ca m'interpellait et ce n'est pas rien s'il y a, aujourd'hui, une maison d'édition comme Asrate...Et Carolina l'éditrice de souligner: «Notre maison d'édition est née il y a deux ans. Notre identité est celle qui reflète qui nous sommes, on aime bien effectivement les auteurs qui sont dans la marge. On a choisi les auteurs de la Méditerranée pour parler de cette hybridité qu'on peut créer. De ce métissage des cultures qui nous fait grandir. On a déjà publié aussi du Maissa Bey et des auteurs du Maroc...
Le catalogue était déjà fait,mais quand on a lu la traduction de Giulia, on a changé nos plans, on voulait absolument insérer celle de «Alger, le Cri» dans notre catalogue, car ce que Samir raconte, c'est la vie dans la ville, ce que nous ne connaissons pas vraiment car ce que l'on connaît de ces pays ce sont les deux pour cent que les médias donnent, notamment quand ils parlent d'extrémisme. Or, quand je lisais le livre, je voyais Marseille où j'ai vécu.
Le livre parle de nous-mêmes.». Et Samir Toumi d'estimer reconnaissant: «Me donner l'opportunité d'écrire un épilogue c'était une manière de boucler la boucle en écho avec ce qu 'on a vécu en 2019...finalement, ça faisait sens...Cela m'a permis de poursuivre ce livre.». 

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