L'Expression

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74e Festival de Cannes

Le sevrage des cinéphiles levé

Après 345 chansons qui ont constellé 25 albums, les frères Ron et Mael Russell, ont enfin été à l'heure

Pour dire vrai, on ne va pas à la découverte d'un film de Leos Carax, en spectateur primesautier ou en cinéphile sevré depuis plus de quinze mois, de films pensés, jusque-là pour leur écrin originel, le grand écran et non pour ces plateformes vers lesquelles s'étaient repliés des millions de personnes de par le monde pour (re)voir des films nouveaux ou des oeuvres du patrimoine. Certes «Annette» fait l'ouverture du festival de Cannes, après avoir fait faux bond l'an passé, corona fautif... Mais il y a une raison, plus incrustée, dans le cortex de tout amoureux de belle musique, la présence de The Sparks au générique. Un duo de légende qui a tenu la dragée haute, pendant plus d'un demi-siècle à tout ce qui se hasardait à s'aventurer dans les pourtant, fertiles terres du rock. Ainsi et après 345 chansons qui ont constellé 25 albums, les frères Ron et Mael Russell, ont enfin été à l'heure, au rencard avec le cinéma, avant d'en avoir raté Tati et bien plus tard Tim Burton. C'est ainsi que le réalisateur de «Boys meets girl» (1984), qui avait utilisé une de leur musique dans un court métrage, avait été contacté il y a moins d'une décennie par The Sparks qui lui ont livré clé en main, la trame d'une comédie musicale, avec une quinzaine de chansons aux paroles écrites au fusain. L'argument reposait sur un tryptique: Ann, la cantatrice (Marion Cotillard), Henry le comédien de stand up et Annette, leur bébé. Fruit de leur amour passion et qui, dès la naissance, va se muer en objet de leur ressentiment l'un pour l'autre qu'une jalousie maladive transformera en meurtre(s), un climax généralement affectionné par les librettistes de l'opéra.
Et ils étaient présents dans le grand auditorium lors de la soirée d'ouverture les septuagénaires frangins aux côtés de l'impressionnant et rarissime Adam Driver accompagné par la lumineuse Marion Cotillard. Et bien sûr, le public qui va avec ce genre d'événement. C'est dire combien il aura fallu de quantité de patience et de stoïcisme, sans doute, à une partie des présent(e)s en smokings som-
bres et toilettes de soirée, pour tenir jusqu'au bout des 139 minutes que le dernier opus de Carax comptait. Ils ont dû compter parmi les bras croisés qui ont rempli de leur silence la jauge de l'immense salle Lumière qui affichait complet.
Certes, Carax, au look Louis Bertignac (ex-Téléphone) bien soigné pour ses soixante ans, avait mis du sien pour rendre lisible un discours qu'il se complaisait jusqu'à «Holy Motors», son dernier essai filmique, à rendre hermétique à dessein. Les clins d'oeil à un certain expressionisme nordique n'y sont pas dissimulés, loin de là. Dreyer surtout. Il y aura même un philosophical therapy des plus inspirés pour le final. Ce qui délestera (momentanément?) Carax de ce boulet qu'il traine depuis ses débuts et qui font dire à un critique de cinéma que «pour certains «Annette» est du Shakespeare revu par Francis Lalanne». Cruel. Il faut dire que Carax a souvent livré le bois avec lequel lui ont été promis maints bûchers et maintes fois.
Quand on sait que Hamlet a été étudié, voire analysé par Freud, Kierkegaard, Lacan, Barthes, ce ne serait pas faire de facilité que de se demander s'il n'y avait pas aussi quelque chose de pourri au royaume de Carax.
«If thou didst ever hold me in the heart / absent from felicity awhile / and this harsh world draw thy breath in pain / to tell my story.
(«SI tu m'as jamais tenu pour cher en ton coeur / détourne-toi un moment de la félicité / et dans ce monde rude prends ton souffle en souffrant / pour conter mon histoire» (Hamlet).
Et de se rappeler qu'au tout début du film on a crû, un instant, entendre, Orson Welles assénant en off ses légendaires recommandations comme tant d'ordres, lui aussi, sans appel. Carax en usera pour nous intimer l'ordre d'inspirer un bon coup et de ne plus respirer jusqu'à la fin de son histoire. Espérant peut-être une souffrance concomitante à ce souffle retenu... Comme dans Hamlet? Beaucoup de bruit pour rien? Non pas jusque-là, quand même! 

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