Tahar Ould Amar, écrivain, à L'Expression
«Le Salon du livre amazigh est devenu national»
Dans cet entretien, l'écrivain-journaliste Tahar Ould Amar aborde tous les aspects de la quatrième édition du Salon national du livre amazigh d'Ouacif dont il est l'un des organisateurs. Ce salon se tiendra du 3 au 6 octobre prochain.
L'Expression: Comment s'annonce la 4e édition du Salon national du livre amazigh d'Ouacif?
Tahar Ould Amar: Le Slao (Salon du livre amazigh d'Ouacif) est, à partir de cette 4e édition, devenu Snlao (Salon national du livre amazigh d' Ouacif). Dans les faits, Slao était, dès sa première édition d'envergure nationale. Il ne s'agit là donc que d'une rectification. Cette quatrième manifestation s'annonce sous les meilleurs auspices. Trois éditions après, le comité d'organisation a encore «pris plus du métier», a acquis les réflexes qui font mouche.
Est-ce qu'on peut s'attendre à des nouveautés?
S'agissant de la production littéraire, tous genres confondus, de nouveaux titres seront au rendez-vous. Je cite, entre autres, Tawkilt tamcumt (roman de Rachid Tighilt), Tigusa n tissas (roman de Rachida Bensidhoum), Isefra, tu?ac d'unezgum (recueil de poésies de Slimane Chabi), Aggus (roman de Farida Sahoui), Tid yuran (nouvelles de Djamal Mahrouh) et Tibratin (roman de Mohand Akli Salhi). S'agissant d'activités périphériques, cette quatrième édition a intégré le Prix de la meilleure dictée à laquelle seront soumis les collégiens de la région. Les conférences et autres tables rondes aborderont, évidemment, de nouvelles thématiques.
Peut-on savoir si, depuis la tenue de la 3e édition, il y a eu une production livresque en tamazight suffisamment importante?
Oui, la production livresque va crescendo. La bibliographie amazighe enregistre d'année en année de nouveaux titres et de nouveaux auteurs. Rien que pour cette année, une bonne vingtaine de nouveaux titres sont attendus au Snlao. On est loin, très loin, du temps où la production livresque était attendu am waggur n l?id (littéralement: comme la lune de la fête de l'Aïd).
Est-ce que les autres variantes de la langue amazighe sont concernées par ce salon?
Toutes les variantes de la langue amazighe sont concernées par l'évènement. Ce sont elles la raison d'être du salon. Cela étant souligné, et même s'il s'agit du salon du livre amazigh, les autres langues ne sont pas exclues.
Vous avez l'habitude de rendre hommage à des personnalités à chaque édition, qu'en sera-t-il de cette nouvelle édition?
Il ne se passe pas une année sans que, hélas, l'univers de la culture amazighe n'enregistre une disparition. Cette année encore, nous avons perdu deux écrivains et, non moins, deux grands amis du Salon du livre amazigh d'Ouacif. Il s'agit de Ahmed Nekkar et Abderrahmane Yefsah. Le Snlao ne peut pas ne pas s'incliner devant leurs mémoires et rappeler à la souvenance leurs parcours. Un hommage sera rendu à ses acteurs culturels qui avaient accompagné le Salon depuis sa première édition. Un autre homme de grande envergure, Hamane Abdellah en l'occurrence, sera omniprésent au Salon, puisque cette quatrième édition lui sera dédiée.
Pouvez-vous nous parler des maisons d'édition algériennes qui accordent une bonne place à la production livresque en langue amazighe?
On a tendance à oublier qu'une maison d'édition est d'abord une entreprise commerciale. Autrement dit, elle obéit à la vieille loi de l'offre et de la demande. L'offre, c'est-à-dire prestation est tributaire de la demande, le lectorat en l'occurrence. Le livre d'expression amazighe se vend-il de sorte à ce que l'éditeur rentre largement dans ses frais? Il me semble que non. Cela étant, quelques maisons d'édition ne tournent pas le dos au tamazight et font de leur mieux pour lui donner plus de visibilité. Je pense, entre autres, à Talsa Éditions, Imtidad, Éditions Cheikh Mohand Oulhoucine et Tizrigin Tamagit de feu Ahmed Nekkar.
Lors de l'une de vos anciennes interviews, vous avez insisté sur l'aspect qualitatif qui devrait primer concernant les livres écrits en langue amazighe. Depuis, avez-vous constaté qu'il y a eu des améliorations?
Comme quasiment dans tous les domaines, le mieux est tributaire de l'accueil qu'on réserve au produit. Certes, le livre n'est pas un produit comme les autres, mais il obéit plus ou moins au même principe d'écoulement. Il est vrai que la production a connu sa ruée vers le livre amazigh.
La déferlante a été vite régulée par le marché et surtout par une critique, maladroite au départ, qui, au grand bonheur de la qualité, commence à faire le tri salvateur.
Ce tri commence par l'auteur lui-même qui prend de plus en plus conscience de ses limites; ensuite l'éditeur qui refuse de laisser passer n'importe quel manuscrit et enfin à la médiatisation et critiques comme vous le faites et le font vos confrères, je pense notamment à Takfarinas Nait Chabane et Hacene Halouane.
Oui, le livre amazigh ne peut que s'améliorer.