Hommage à l’artiste, à son art et à sa culture
Le message impavide du Meddah
Que serait ce monde sans la culture, sinon un corps sans tête, un monde sans âme…

Il est pour certains pays où l'artiste devient l'apôtre des merveilles sociétales, où émergent toutes bonnes choses, rendant la vie du citoyen cohérente avec lui-même, en équilibre avec soi, et dans son entourage.
Avec mon ami le docteur Amar Abdelkarim, aussi littérateur, discutions de ce phénomène, sur l'état socioculturel mémoriel en rapport de l'éthique, de la dynamique déterminante, découlant de la culture des milieux ambiants, en relation de ce troubadour des époques fleurissantes. De l'ère antique, aux modes contemporains, où celui-ci fut, et est toujours ce noble artisan de sa culture.
Cet écrit se veut un humble hommage, que je veux rendre à tous les artistes algériens, vivants ou décédés. Certes modeste, mais sincère, car artiste moi-même, je partage pleinement leur ressenti. Être artiste, suppose d'abord un don de soi, et un engagement, ce n'est guère un choix délibéré, ou «réfléchi», comme l'on peut faire pour d'autres professions. Ces particularités font de l'artiste un personnage qui échappe aux règles «ordinaires» de la vie courante. Il vit seul au milieu de la société,, parfois celui des utopies, et des chimères. C'est un monde virtuel, labile, difficile à comprendre pour le commun des mortels. Que de fois, avons-nous rêvé, savouré et voyagé en contemplant des oeuvres, tableau, visionnant cinéma, et Télé, ou délectant un morceau musical, un poème, un roman d'un livre, pièce théâtrale, etc. L'art est immuable, est universel, traversant toutes les frontières, il est temporel, résistant à tous les temps, à toutes les époques. Dans cet hémisphère, l'artiste, quant à lui ressemble à cette bougie, qui illumine en se consumant peu à peu, et disparaît dans le noir.
L'artiste, quelle que soit son appartenance, son niveau, sa classe, dans les arts dramatiques, lyriques, picturaux, littéraires, et autres, demeurera celui de la grande famille de la Culture, la sienne, au sens large du terme. Mais, comment vit-il cet emblématique personnage, dans ces élucubrations pertinentes, contradictoires, continuelles?..
Que serait ce monde sans la culture, sinon un corps sans tête, un monde sans âme, comme l'ont écritt de nombreux philosophes, à l'exemple de Confucius: «Une nation sans culture, est une nation morte», s'exclama-t-'il. Dans notre beau pays, l'artiste a gravi de nombreux chemins sinueux, souvent conflictuels, aux aboutissements encore aux manques à gagner, pour peu que le statut d'artiste fit montre d'allègement à ses aléas. Ce corps incompris, fusionnant plusieurs rôles, dans sa vie et dans le devoir professionnel, a l'image de ce clown dans les foires, qu'on fait appel à lui aux théâtres, le temps d'une représentation, puis il disparaît des scènes.
Où sommes-nous?
Un ramollissement de son moi «volontaire», né du mépris. Triste sort pour ces illustres inconnus qui ont fait l'histoire de ce grand pays, mais, qu'ont, superbement ignoré, occulté.
La liste est longue et non exhaustive, concernant ces bardes de la culture, pourtant connus et reconnus, qui subissent délibérément ces rejets. Je citerai l'exemple de: sidi Lakhdar Benkhlouf, cheikh Bentobdji AEK, Benmsaïb, Bentriki, Bensebane (poésie)-Mustapha Kateb, Mustapha B, Med Touri, Si Safiri, Abdelrahmane Kaki, SIrat Boumédienne, Hbib Hachlef, Benaïssa AEK, Abbou Asri, Betadj Charef, Med Chouikh, (théâtre-ciné)-Benanteur Abdellah, Benmenssour Abdellah, Abbou AEK-Dadi, Si Bendebagh, Sahouli Abdelrahmane, Bachali Allal, Si Nadjar, Si yelles (arts plastiques)- Abdelramane Aziz, Mohamed Tahar, Mokhtari, Kasentini, Cheikhs Mnouer, Bjaoui, Sfindja, Wahbi, ghafour, Benkoula Ali, cheikhetts-Tatma, Bent Lakhdar, Fadila Dziria, et d'autres.
à l'image de ces derniers, des centaines de musiciens, chanteurs-compositeurs, comédiens, et cinéastes, plasticiens, écrivains, metteurs en scène, et chorégraphes, seront peu à peu «effacés de la mémoire populaire», devenant aléatoire (déjà mentionnée), dans l'histoire commune contemporaine. Encore une fois, ou sommes-nous?
Un proverbe africain, connu, dit à juste titre: «Quand un vieux meurt, c'est toute la bibliothèque qui part avec lui». Réflexion à méditer... Combien même mentionné, et on n'en tient pas compte, cet état de fait malheureux. Pensant éveiller les bonnes «consciences», et «bienveillantes», interpelées dans ce sens, de réagir tant qu'il est temps, dont le seul but est le collectif, en rapport des prépondérances de l'artiste.
Encore une fois, sans faire le panégyrique, de l'un, et l'autre, dire, que sont devenus nos poètes contemporains, nos conteurs, nos medahatte, medahine, et mécènes, personnages truculents, hauts en couleur, sillonnant notre grand pays, au Maghreb, ils nous ont fait voyager, et fait traverser des siècles d'histoire, fruit d'écoute, et des airs contemplatifs, inimaginables. Alliant la magie des mots, aux gestes théâtraux, ils nous ont encensés par leurs verbes simples, assimilables, ô combien significatifs, invoquant l'historiographie de saints de l'Islam, et prémices de la Révolution algérienne. Bouillonnant à notre insu, une panoplie sans cesse renouvelée de choses fantastiques, qui nous faisaient rêver et voyager vers un monde autrement, de souvenirs.
Quel statut pour l'artiste?
Ces humbles artistes, troubadours des temps modernes, en majorité formés par l'école de la vie, et autodidactes, n'ont pu résister à l'évolution vertigineuse de la société de l'homme-affaire, ils seront balayés sans préavis, et aux désintéressements gravissimes. EIles sont nombreuses ces étoiles qui ont illuminé le ciel de l'Algérie,en tous genres et tendances confondues, et celles tombées en martyres, tels Ali Maâchi, Med Touri, et bien d'autres, la liste est encore longue, et la responsabilité de tous est engagée, n'épargnant aucune région de l'Algérie.
Des temps qui perdurent, depuis 1954, aux mouvements artistiques pour une culture engagée du pays, aux faits incontournables de ces artistes portant haut la dignité culturelle algérienne.
L'histoire tumultueuse du pays a impacté négativement le devenir de cet artiste, quel que soit sa nature. Ainsi, plusieurs siècles de présence ottomane, du XVIe siècle, en effervescences constantes, et un siècle et presque et demi du colonialisme français-1830-1962, ont mis l'art «indigène» en hibernation totale, si ce n'est l'ouvrage, l'engagement, nourrissant la mémoire Identitaire, avec abnégation.
L'art décrit, dénonce, et donc, dérange! la France coloniale, elle l'étouffera...par ses piètres mesures assassines, dans tous les sens du terme. C'était frapper l'épée dans l'eau.
L'indépendance chèrement acquise, par le sang des artistes meurtris, ne modifiera que peu leur état, sous-estimant aussi, les associations artistiques d'Alger, de Mostaganem, d'Oran, de Constantine, entre autres, lesquelles ont tout sacrifié pour servir leur patrie, servir la révolution de Novembre1954, de par le monde. Ainsi, parcourant inlassablement, sous la houlette barbare, subiront les affres de cet état ségrégationniste, mourront sous la torture.
Aujourd'hui, libre, ill est utile de rappeler au profane, que le statut de l'artiste algérien s'est caractérisait par un arrière-goût, à son application, comme les droits d'auteurs, d'artistes, attendant la deuxième décennie du XXIe siècle, (vers 2010-2017), pour qu'une partie de ces droits soit reversée à certains, seulement, et le problème des cartes d'artiste...qui valse, ici-la. Pourtant, ces artistes remplirent leur devoir, mais «détectant» leurs droits?
Une question se pose, et s'impose: qui est qui, et qui fait quoi, dans ce remue-ménage artistique, qui cherche à dénuder la culture?
Sachant que l'artiste a fait de son art sa principale source vivrière, connaissant sa précarité, et parfois la misère totale.
D'autres, vivent plus de leur deuxième profession, que de leur métier d'amour, qu'est l'art. Ignoré, occulté, et parfois méprisé, par lesdits tenants responsables, il ne resta aux artistes que leurs fans, leurs fidèles publics, pour survivre, leurs prodiguant du courage, avec le peu. Et les exemples ne manquent pas. Certes, le statut promulgué le 2 Oct-2023, fixant les droits et obligations de l'artiste, tenant compte de la nomenclature artistique globale, édictée par les hautes autorités, s'avère une possibilité, perceptible.
Même l'homme préhistorique...
Cependant, la règle déterminante globale, qui régit la l'artiste, qui s'adapte étroitement, objectivement, aux mouvements des arts et de la culture, de celui-ci, obéit à sa nature propre: pratique, morale, et psychologique, comprendre, un art hors du clivage administratif, reconnu universellement. Et donc, répondant traditionnellement aux caractéristiques de l'artisan. Ce en quoi, il est nécessaire de contenir ces obligations, aux règles artistiques du milieu, car la responsabilité de l'un, et de l'autre, est partagée. Ces prérogatives artistiques, et culturelles sont mentionnées, explicitées dans ma proposition, sur l'approche du statut de l'artiste, du mardi-14-2023, éclairant ma vision sur ce concept.
Le statut est érigé, et appliqué, aux besoins matériels de l'artiste. Processus qui mérite selon mes recherches et des avis du terrain, est une complémentarité, utile pour son adéquation pratique. C'est dire, aussi, que la chose bouge chez nous, et que le culturel officiel prend un élan à la mesure universelle.
De ce fait, tout converge vers l'artiste, qui est un tout, dans sa compréhension large, technique, esthétique, historique, pour constituer la culture mère. L'histoire nous apprend, bon gré, mal gré, tous les ingrédients, qui ont permis à l'homme de se former, se définir comme tel dans sa société. Connaissances venant des composantes de l'Art, de génération, en génération, déterminant la nature de l'homme, en rapport du patrimoine. J'ai connu, et appris, avec le temps, les condiments, aux condensés significatifs, pour parvenir à cet état intrinsèque, édicté par nos chouyoukhs, besoin ineffable. Qu'en est-il aujourd'hui? Malgré l'apport des éléments cités ci-dessus, l'artiste n'a pu retrouver son éclosion d'antan. «D'où venons-nous, Que sommes-nous, Où allons-nous», de Paul Gauguin, mesurant l'impact de l'Homme, ses tenants, son aboutissant, son inconscience. Nos icônes du théâtre, musique, peintures, et ma modeste personne, n'ont pas rechigné leur appartenance, leurs engagements, leur culture. Encore des bévues.
Le défunt ami AEK Benaïssa, soulignait: «IL est regrettable de voir l'homme préhistorique comprendre et apprécier l'importance de l'art...les exemples foisonnent sur les parois de nos cites, aux modèles édifiants, et du devenir de l'art, ils ne l'ont pas encore compris». Respect et reconnaissance à nos artistes.
*écrivain, artiste-peintre, comédien- marionnettiste, sculpteur-ex-chargé des arts-culture et festivals.
Abdelkader Dadi Abbou