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Belkacem Rouache (écrivain et scénariste)

«La mer est ma source d’inspiration»

Belkacem Rouache est écrivain, poète et scénariste. Il a publié de nombreux romans et recueils de poésies. Il est aussi l’auteur des scénarios de nombreux feuilletons et films diffusés par la télévision algérienne comme «Chahra», «Pas de gazouz pour Azouz», «Cris de mouettes», etc.

L'Expression: Une question s'impose d'emblée. Pourquoi dans votre écriture vous touchez presqu'à tous les genres, de la poésie aux nouvelles, du roman aux scénarios, etc.?
Belkacem Rouache: Tout dépend du sujet et de l'inspiration. S'il s'agit d'une expression profonde et qui nécessite un rythme et une musicalité, je choisis la poésie. Si c'est pour écrire une histoire ayant un début et une fin, j'opte pour le roman ou la nouvelle. Pour le scénario, il possède une structure totalement différente. Ces travaux cinématographiques (films, théâtre...) ou audiovisuels: sitcom, feuilleton..., l'écriture dans ce domaine est totalement différente de la littérature.

La mer est omniprésente dans votre oeuvre, est-ce lié au fait que vous soyez originaire de la belle et mythique ville de Dellys? Que représente et que symbolise la mer dans vos oeuvres?
Comme vous le dites, j'écris beaucoup sur la mer, il y a plusieurs raisons à cela: j'ai un lien d'enfance avec la mer, j'ai failli me noyer à l'âge de quatre ans. Ce choc m'a marqué pour toute la vie, alors j'ai gardé un lien de sentiment très fort, donc la mer est devenue une phobie et en même temps une grande source d'inspiration: sans le vouloir, toute mes oeuvres littéraires ou artistiques parlent de la mer: le feuilleton «Chahra», «L'homme qui regarde la mer». Je ne m'imagine pas prendre domicile loin de la mer. La mer c'est l'ouverture sur le monde. Depuis l'Antiquité les échanges commerciaux et culturels se font à travers la mer. La mer rapproche les peuples.

Pouvez-vous nous en dire plus concernant cette mésaventure avec la mer vécue dans votre enfance?
Lorsque mon oncle était pêcheur, il me prenait souvent avec lui dans son chalutier, une fois, j'avais à peine 5 ans, il,m'avait laissé seul au bord de la mer et il est parti discuter avec son ami, alors, je ne savais pas comment j'ai mis les pieds dans l'eau et les vagues «allaient me prendre». Heureusement, il s'est saisi et m'a sauvé la vie. Maintenant, je garde en moi une blessure ou une phobie qui se situe entre le mal de mer et le mal d'amour.

Malgré cet événement ayant failli tourner au drame, la beauté inestimable de la mer ressort dans vos oeuvres...
La mer regorge de richesses inestimables, on trouve du plaisir immense de la douceur du sable, de la contemplation de son bleu à perte de vue, du flux et du reflux et du ressac de la mer. Mais on n'échappe pas aux règles de la vie: rien n'est gratuit. La mer prend sa part. Elle engloutit son noyé. Chaque année, des centaines de personnes meurent noyées, les phénomènes des harraga où plusieurs familles ont été endeuillées. Donc, la mer est devenue une phobie et en même temps, une grande source d'inspiration: sans le vouloir, toute mes oeuvres littéraires ou artistiques parlent de la mer: «Chahra», «L'homme qui regarde la mer» (roman), «Quand la pierre a soif, elle va à la mer», «Cris des mouettes» (téléfilm).

Vos débuts dans l'écriture étaient faits de poésie. Vous avez publié d'abord des recueils de poésies, était-ce un choix ou plutôt un passage obligatoire pour vous comme pour la majorité des écrivains?
Ce n'est pas un choix, ni un passage obligatoire de la poésie au roman ou à l'écriture du scénario. Il est vrai que la poésie est un élément central pour le passage à l'écriture romanesque, mais ce n'est pas une évidence ou une règle, tout dépend des personnes, certains développent en eux-mêmes d'autres ouvertures, d'autres moyens pour s'exprimer et certains restent poètes. Aussi, beaucoup de romanciers n'écrivent jamais de la poésie, Alors, à mon avis, la poésie est très proche de la musique et des arts plastiques, parce que les forces de la poésie sont le rythme, le ton, la musicalité et les couleurs. D'après moi, les poètes qui écrivent des romans, expriment mieux l'émotion que certains écrivains qui sont passés directement au roman. Pour ma part, j'ai publié mon premier recueil de poésies en 1984 qui s'intitule «certitudes incertaines», puis un autre recueil «Tant que le soleil se lèvera», un roman, «Naufrage rythmé», un recueil de Nouvelles «La grotte suivie de chants des sirènes», et puis un roman «L'homme qui regarde la mer» et «Quand la pierre a soif elle va à la mer» (poésie).

Et, première expérience: après tant de décennies dans l'écriture, vous passez au théâtre, n'est-ce pas?
Comme vous savez, la vie est faite de rencontres, des bonnes et des mauvaises. Pour ma part, j'ai rencontré le dramaturge Omar Fetmouche avec qui on avait beaucoup de points communs, notamment dans le domaine culturel et on s'est lié d'amitié. Il avait lu mon roman «Naufrage rythmé» et il était intéressé pour son adaptation au théâtre. Alors, on avait décidé de l'adapter en une «performance théâtrale» où la plupart des travaux (mise en scène et casting) sont l'oeuvre de Omar Fetmouche. Je n'ai pas d'expérience dans ce domaine, mais je suis en train d'apprendre avec lui. Pour vous dire aussi, on est en train d'appliquer «la division du travail», ce qui se fait à travers le monde et c'est très enrichissant. Par contre, chez nous par exemple dans le cinéma, souvent c'est le réalisateur qui produit, qui écrit le scénario et les dialogues et qui joue le premier rôle. La même chose se fait dans la musique. Je pense que cette manière de faire est une des raisons qui font que nos produits culturels et artistiques n'ont pas évolué.

Vous avez aussi une belle expérience dans le domaine du cinéma puisque vous êtes l'auteur de scénarios de feuilletons célèbres dont «Chahra» qui a obtenu un immense succès quand il a été diffusé par l'Entv, pouvez-vous nous en parler?
Effectivement, il a eu beaucoup de succès, il a touché les jeunes comme les vieux, je pense que c'est parce que l'histoire est inspirée du terroir, c'est l'Algérie profonde sur fond d'histoire d'amour. Ici, j'ai donné une place prépondérante à la femme algérienne dont le rôle a été tenu par Bahia Rachedi et le rôle du père joué par Abdelkader Tadjer et Bouchra dans le rôle de Yasmine, ainsi que les autres acteurs qui ont joué convenablement. Il n'y a pas que Chahra. Il y a eu, également, le sitcom «Pas de gazouz pour Azouz» et le téléfilm «Cris des mouettes». Aussi, je ne suis pas passé directement du roman ou de la poésie au cinéma, j'ai tout d'abord effectué plusieurs stages, car ce sont deux mondes différents. Par exemple, dans le roman, on décrit l'action et l'image et dans le cinéma on montre l'image et les comédiens rentrent dans l'action sous la direction du réalisateur.

Ecrivez-vous parce que vous éprouvez du plaisir à le faire ou bien est-ce afin de surmonter les difficultés de la vie et ses angoisses inévitables?
Bien sûr que j'éprouve du plaisir en écrivant. Dans la vie, tout est basé sur l'amour. S'il n'y avait pas d'amour pour l'écriture, je n'accepterai pas de rester claustré pendant des jours et des nuits à creuser la tête pour en faire des romans ou des scénarios. L'argent seul n'est pas un bon stimulant, sinon le produit serait fade. «Nedjma» de Kateb Yacine, c'est un amour impossible. L'artiste peintre Toulouse-Lautrec qui appartenait à une famille de bourgeois n'avait pas été accepté par ses parents parce qu'il était de petite taille, la même chose pour la grande star Mickael Jackson qui avait des problèmes avec son père ou Charles Baudelaire qui n'avait pas accepté que sa mère se remarie... Mais cela ne veut pas dire que pour écrire des romans ou des scénarios, il faut vivre l'enfer. Tout d'abord, je dirai que l'avenir de l'homme se dessine d'abord dans le ventre de sa mère, puis le reste, la vie et la société fera son «travail». Comme disait Jean jacques Rousseau «L'homme est bon mais la société le corrompt». Cependant, on ne réussit que dans la chose qu'on aime, tout est basé sur l'amour. Actuellement, ce sont les parents qui choisissent le métier pour leurs enfants et après, ces derniers se retrouvent dans une situation embarrassante. Ils peuvent gagner beaucoup d'argent, mais ils n'évoluent pas, car ils font ces métiers à contrecoeur.

De tous les genres d'écriture que vous avez exercés, lequel vous passionne-t-il le plus?
Le roman et le scénario. On s'exprime avec les mots, c'est plus intime, c'est un genre qui s'exerce en solitaire, on se trouve face à soi-même. Le lecteur fait des efforts en lisant, il imagine des personnes en action devant lui, tandis que dans le scénario, c'est le réalisateur, les acteurs et toute son équipe qui font le film en respectant le scénario. Dans chaque genre, j'éprouve un bonheur particulier.

Quels sont les grands écrivains que vous avez lus et qui vous ont marqué à vie?
J'étais marqué par plusieurs écrivains, mais je vais en citer quelques-uns: Kateb Yacine, Mohamed Dib, Steinbeck, Tolstoï, Hemingway, Faulkner, Al Mutanabbi, Gibran Khalil Gibran, Shakespeare, Sartre, Victor Hugo, les poètes Baudelaire, Nizar Kabani... Cependant, lorsque j'étais au primaire, j'étais marqué par «Le fils du pauvre e de Mouloud Féraoun, par «Les misérables» de Victor Hugo et par «El adjniha el moukassira» (Les ailes brisées) de Gibran Khalil Gibran.

Une partie des écrivains ont profité de la longue durée du confinement pour écrire, est-ce votre cas?
Le confinement est en sorte un mal nécessaire, cela a permis aux nations et aux gens de revoir leur compte et de se réorganiser. La nature reprend son souffle et son équilibre écologique. Pour un écrivain, il a la culture du confinement. Pour ma part, j'écris le roman et les scénarios, mais tant que l'activité proprement dite: production cinématographique et théâtrale n'ont pas démarré, nous demeurons comme des malades privés d'oxygène.

La lecture a beaucoup reculé dans notre pays pendant ces dernières années, êtes-vous de cet avis?
Déjà que nous ne sommes pas de grands lecteurs, et on recule d'année en année. Les réseaux sociaux ne sont qu'un prétexte qui ne tient pas. Pourquoi dans les pays développés, les gens lisent, malgré l'avancée des technologies, selon les statistiques, l'Espagne à elle seule traduit et édite plus que l'ensemble des pays arabes. Tout d'abord, le système scolaire et même universitaire n'encourage pas les élèves à se documenter, à lire. Pourquoi ailleurs les gens lisent dans le train, dans les jardins publics, dans les cafés. Avez-vous vu quelqu'un lire chez nous dans de tels endroits?

Le monde d'aujourd'hui est très dominé par les réseaux sociaux où on retrouve tout et n'importe quoi. Quelle place peut avoir l'écrivain et le livre dans une telle situation?
Toutes les technologies sont d'un apport considérable pour l'homme d'aujourd'hui, pour ceux qui savent s'en servir, mais le livre a toujours sa place dans la société. Toutefois, il manque la promotion, des librairies et la distribution fait défaut. Les libraires qui n'ont pas transformé leur local en pizzeria, parce qu'ils ont de l'amour pour le livre.

Quels sont vos projets immédiats?
J'ai un feuilleton et un long métrage. Je prépare également un roman.

Pouvez-vous nous parler de la réaction des téléspectateurs quand ils regardent les feuilletons que vous écrivez?
Tout dépend des personnes et des niveaux, mais la plupart ont accueilli favorablement mes travaux.

Comment percevez-vous leurs remarques et leurs critiques?
Je reçois les remarques avec plaisir, cela me permet de me perfectionner.

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