Leïla Nekkache, écrivaine, à L’Expression
«L’écriture, c’est le monde de la solitude féconde»
Leïla Nekkache, journaliste à Horizons, est écrivaine. Elle a publié plusieurs romans et recueils de poésie. Son nouveau roman intitulé Chienne de fille a été publié par les éditions «Les presses du Chélif».

L'Expression: Le titre de votre nouveau roman est choquant. Pourquoi l'avoir choisi?
Leïla Nekkache: Nullement. Je voulais juste attirer l'attention sur cette frange de femmes qui subissent dans notre société et ses règles coutumières, le déni et qui sont stigmatisées par ce qualifiant réducteur. Il est vrai que de prime abord, le titre peut heurter mais le but n'est pas de jeter la pierre à quiconque, mais de sensibiliser sur le sort de ces mères célibataires. En vérité, le premier titre était Chienne de filles mamans solos. L'éditeur Ali Laib l'ayant trouvé trop long, il a été remanié.
Votre personnage principal a eu une vie tourmentée. Qui en est responsable?
L'analphabétisme et la précarité familiale ont prédisposé la jeune fille a transgresser les normes religieuses et sociales pour atteindre ses rêves d'adolescente et de jeune fille sans expérience.
Peut-on savoir qu'est-ce qui vous a inspiré l'écriture de ce roman?
Au cours de mon travail de journaliste, au quotidien Horizons, j'ai eu à faire des enquêtes sur les mamans solos et les établissements d'accueil qui leurs offrent un abri temporaire.
Dans ce livre, vous vous attaquez à un sujet très tabou. Aviez-vous des appréhensions à le faire avant de passer à l'acte?
Pas du tout, dès lors que j'ai voulu montrer la souffrance de ces mamans seules, abandonnées par le père de leur enfant et parler de leur parcours malheureux et éprouvant moralement et physiquement.
Est-ce le journalisme qui vous a menée à la littérature ou bien l'inverse?
C'est l'écriture qui a tracé mon parcours de journaliste. J'ai eu de la chance de rencontrer des personnes admirables qui ont facilité mon parcours professionnel pour ne citer que Hamza Tedjini alors red chef a Algérie Actualités.
Votre tout premier roman Sais-tu si les chemins d'épines mènent au paradis? Il a paru il y a plusieurs décennies chez l'Enag. C'était une autre époque et les gens lisaient beaucoup. Pouvez-vous nous replonger dans cette première expérience romanesque?
C'est un roman que j'ai écrit a brûle- pourpoint après le décès tragique de ma soeur avec qui j'étais très liée. Son départ a bouleversé toute ma famille, écrire ce roman était pour moi, l'empêcher de «partir», de continuer à vivre avec nous. Ce premier livre a eu un bon écho dans la presse avec les encouragements de Mouloud Achour qui lui a consacré les pages centrales de son hebdomadaire durant 3 semaines.
Vous êtes également poétesse et auteure de recueils de poésie. Peut-on en savoir plus?
J'écris toujours de la poésie qui reste le voyage intérieur pour atteindre la beauté et la bonté des choses. En toute chose de la vie, on trouve de la poésie, il suffit de s'imprégner de la nature d'aller jusqu'au bout de ce qu'elle peut nous offrir. Je suis une contemplative, je l'ai toujours été trouvant refuge, ne serait-ce que face à un crépuscule rougeoyant, un ciel étoilé en montagne, ou d'infimes petits riens, d'images qui suggèrent des sensations et de l'émotion. Malheureusement, la poésie reste le parent pauvre de la littérature, ce qui ne m'empêche pas d'en écrire encore.
Votre avant-dernier roman, La maison des images», a été publié aux éditions Rafar. Pouvez-vous nous en parler?
C'est l'histoire d'une famille qui quitte Azeffoun pour venir habiter à Alger au début duXXe siècle. Le récit parle de deux orphelins: Saâdia et Hend, recueillis par une famille anglicane après la mort du père charbonnier. Une histoire humaine avec des liens forts auprès d'une matriarche qui a réussi à s'intégrer à la vie citadine algéroise.
Que représente l'écriture pour vous?
C'est le monde de la solitude féconde. On s'isole pour aller à la rencontre de ses êtres fictifs certes, mais pleins de vie. C'est le monde parallèle à celui de notre réalité, toujours avec cette sensation d'avoir une double vie, mes personnages m'accompagnent tout au long de l'écriture du texte jusqu'à choisir des prénoms qui me parlent, qui m'interpellent.
Pouvez-vous nous parler un peu des écrivains et des romans qui vous ont le plus marquée?
J'ai beaucoup lu depuis le primaire. Notre mère nous achetait toujours des livres allant de George Sand a Ernest Hemingway en passant par Mouloud Feraoun, Mammeri, Fadhma Nath Mansour, Elissa Rhaiss, Assia Djebar et tant d'autres auteurs remarquables.
Y a-t-il une part d'autobiographie dans certains de vos livres?
Pas spécialement. Mais comme beaucoup d'écrivains, on y met ne serait-ce qu'une phrase entendue dans la rue ou un fait qui nous a marqués.
Avez-vous un livre en chantier? De quoi parlera-t-il?
Oui, en effet, je suis en phase de correction d'un récit qui parle d'un bidonville au cours de la guerre de libération et de cette frange de la population algérienne.