L'Expression

{{ temperature }}° C / {{ description }}

Cité introuvable.

Ahcène Beggache, écrivain, à L’Expression

«Je raconte des histoires véridiques»

Ahcène Beggache vient de publier son troisième roman Le Berceau de la haine aux éditions Talsa. Revigoré par le succès obtenu par ses deux premiers romans, Ahcène Beggache rebondit avec ce troisième livre dont la trame est inspirée de faits réels.

L'Expression: Votre troisième roman vient de voir le jour. Est-ce que vous pouvez le présenter à nos lecteurs sans bien entendu tout dévoiler?
Ahcène Beggache: Parti en France dans des circonstances pour le moins douloureuses, Kamel, ce médecin compétent, rentre au pays après 12 longues années de travail acharné et de privation dans l'intention de se marier et d'ouvrir son cabinet médical. Une fois marié, rien ne se passait comme il l'avait prévu. Il s'était très vite retrouvé piégé dans un engrenage familial plein de mensonges. Le mépris, la haine et le déni rythmaient son quotidien. Après seulement un mois, il perd tout: ses économies, son épouse et la confiance pour ses proches et...sa mère.

Alors que le titre de votre premier roman illuminait la couverture avec le mot magique Amour, cette fois, on retrouve plutôt l'exécrable haine, à la même place. Pourquoi?
Quand la haine déloge l'amour d'un coeur, elle l'aveugle, elle le noircit; celui-ci est alors incapable de contempler la beauté et le charme de la vie, d'admirer les valeurs humaines chez les autres. Celui qui a grandi dans le berceau de la haine: la haine de l'Autre et la haine de la différence, ne respire que l'égoïsme, le mépris et le déni des valeurs morales. Pour revenir à votre question; il est vrai que le mot «Amour» illuminait la couverture de mon premier roman, et le mot «coeur» celle de mon deuxième, néanmoins dans les trois romans, le mot «espoir» revient comme un leitmotiv. Seulement, pour préserver et cultiver l'amour et le pardon, il faut aussi écrire sur les méfaits dévastateurs de la haine sur les relations humaines, il faut donc en parler; surtout quand la haine est l'oeuvre des intouchables par définition ou héritage.

Dans ce nouveau roman, il est question du retour au pays natal du personnage principal, après des années à l'étranger. Pourquoi avoir choisi de parler d'un tel thème?
Le retour de mon personnage principal au pays après douze années de travail en France est l'intrigue principale de mon récit; il ne s'agit nullement du thème essentiel. C'est ce que découvre Kamel, mon personnage principal, une fois au pays qui est le thème abordé, en l'occurrence l'hypocrisie collective des siens et leur silence assourdissant face à l'injustice, face à sa descente aux enfers.

En lisant le résumé de votre roman, on a l'impression que votre récit est trop pessimiste. Le confirmez-vous?
Bien au contraire, je n'aime pas les fins malheureuses. Si j'écris, c'est pour justement refaire le monde dans mon imagination, réécrire toutes les histoires tristes, malheureuses ou sans issues, que j'ai vécues, ou que les miens ont vécues, ou dont j'ai entendu parler, pour les rendre meilleures.

Votre roman évoque aussi le sujet crucial des relations souvent compliquées entre époux et épouse. Quel est votre message en abordant cette question?
Il s'agit plutôt de l'épineuse relation entre la maman et ses enfants. Quand un couple divorce, notre société, par réflexe, condamne l'épouse. Et c'est souvent elle qui paie le prix fort de la séparation. Quand un garçon ou une fille ne s'entend pas avec ses parents, notre société accule systématiquement les enfants; en tout cas, ce n'est jamais la faute des parents. Le paradoxe est que, dans les deux cas, ce sont les victimes qui en paient les frais. Notre société condamne souvent les gens sans procès ni preuves. L'augmentation vertigineuse du nombre de divorces par année et des affaires familiales traitées en justice montre combien il est important d'évoquer ces deux sujets tabous. Dans mon roman, j'essaie d'inviter le lecteur à oser réfléchir sur certains tabous, ne dit-on pas que la solution commence par la réflexion? Je connais plusieurs personnes qui souffrent sans avoir eu l'occasion d'exprimer leur douleur par peur de subir les foudres des leurs, j'ai aussi des amis qui sont mis en quarantaine par leurs propres familles pour avoir dénoncé une injustice ou défendu leur droit ou tout simplement pour avoir dit «non». En tant qu'écrivain, écrire sur les injustices, les tabous est un devoir; je pense que mon rôle ne se limite pas à écrire des histoires fascinantes, il va au-delà de la fiction, mon rôle est surtout de déclencher des réflexions constructives sur tout ce qui peut nous aider à progresser et faire progresser notre société. Pour cela, j'ai essayé de montrer combien l'hypocrisie collective et le silence coupable, qui assistent sadiquement à la descente aux enfers des siens sans piper mot, sont dangereux pour la société.

Depuis la parution de votre premier roman, vous n'avez pas cessé d'écrire et vous êtes à votre troisième roman. D'où puisez-vous votre inspiration et à quoi est dû ce besoin pressant d'écrire?
L'écriture de mon premier roman Ce que l'amour doit à l'amitié! fut un besoin pressant, il m'avait permis de sortir d'une bulle de tristesse très tenace, suite au décès de mon meilleur ami. D'ailleurs, quand j'avais commencé à écrire mes mémoires, j'ignorais qu'elles allaient devenir un roman. Pour rendre mon ami immortel, j'ai choisi, son nom, Kamel, comme personnage principal de tous mes romans. À présent, il m'accompagne dans toutes mes histoires, c'est une source d'inspiration inépuisable. Le deuxième..est Si tu écoutais mon coeur! est le fruit des encouragements incessants de mes lecteurs, que je salue à l'occasion; sans eux je n'aurais sans doute pas continué à écrire. Ceci dit, les histoires que je raconte dans mes romans sont véridiques: le premier est un roman quelque peu autobiographique, le deuxième et le troisième regroupent des histoires vraies dont j'étais témoin ou que mon entourage m'a racontées. Je crie les souffrances de ceux qui ont honte ou peur de le faire, je parle à la place des gens que la pudeur a assignés au silence.

Que représente l'écriture pour vous?
L'écriture est d'abord un défi, puisque je dois trouver le temps, dans mon agenda souvent très chargé, pour écrire. Néanmoins, le devoir de raconter les vraies histoires, soit pour rendre hommage, soit pour dénoncer ou inviter à réfléchir sur un sujet épineux, m'insuffle l'énergie suffisante pour le faire. Une fois je commence à écrire, l'écriture devient un besoin car elle me procure un bonheur incommensurable, et le temps pour le faire se dégage de lui-même. Mon imagination me surprend à chaque détour de mes histoires. À la fin de chaque roman, ce besoin se renouvelle; ce qui explique la publication d'un roman tous les deux ans.

Comment vivez-vous votre statut d'écrivain depuis la parution de votre premier roman?
Je n'ai pas vraiment senti l'impact de mon «nouveau statut d'écrivain»; par contre, j'ai lu dans les regards et entendu dans les propos et vu dans le comportement de mon entourage du respect quand je suis passé du statut de l'enseignant à celui de l'inspecteur. Il faut reconnaître qu'aujourd'hui ce qui est plus valorisé c'est le pouvoir et l'argent. Un grade ou un poste supérieur impose plus de respect qu'un intellectuel. En dehors de mes lecteurs, du monde du livre et d'une petite frange de la société, être un écrivain ne signifie pas grand-chose.

Y a-t-il des écrivains renommés qui vous influencent et vous accompagnent tout au long du processus de l'écriture de vos romans?
Je n'ai pas encore ressenti le besoin d'être accompagné par un écrivain lors du processus de l'écriture. En général, je ne lis pas durant la période de l'écriture. Je lis surtout pour me reposer ou me cultiver. J'aime découvrir nos écrivains contemporains, il y a de plus en plus de nouveaux écrivains, ce qui est bénéfique pour notre pays. J'avoue que je ne peux pas me passer de Feraoun, Kateb, Mammeri et Camus. Musso m'inspire beaucoup; d'ailleurs, certains lecteurs me comparent à ce dernier, en me surnommant Musso algérien.

De Quoi j'me Mêle

Placeholder

Découvrez toutes les anciennes éditions de votre journal préféré

Les + Populaires

(*) Période 7 derniers jours