L'Expression

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«Les Impatients», roman d'Assia Djebar (Barzakh)

Dalila ou l'Amour cruel

Il est à peine croyable que ce deuxième roman de cette grande écrivaine fut écrit en 1958 tant sa modernité est si palpable, bien qu'il souligne par endroit, l'entêtement de l'esprit patriarcal qui continue à sévir jusqu'à aujourd'hui.

Étrange et troublante est l'histoire de ce roman intitulé «Les Impatients». En effet, certaines traditions conservatrices ont encore les dents dures....Cette histoire est celle d'une jeune fille qui tend à s'affranchir des codes sociaux préétablis, peut-être pas de la meilleure façon, mais qui tente de s'éloigner du «modèle» féminin auquel elle s'est habituée de voir autour d'elle, dans son entourage, principalement familial...Elle veut aimer, transcender les règles, frémir à l'aventure,quitte à tenter le diable, goûter à l'inconnu. Le tout par esprit de vengeance, jouer à la provocatrice...Elle vit au milieu d'une ribambelle d'individus, entre, notamment son frère Farid, marié à Zineb, ses tantes, lâ Aïcha, Lâ Fatma, ses cousins, mais aussi ses voisins et voisines dont Thamani, la mégère qui se déploie à distiller le gout du scandale par petite dose..Car au sein des familles traditionnelles musulmanes, tout est question d'honneur et la dignité de la tribu dépend et repose entièrement sur la vertu de la jeune fille, cette future femme qui devra sauver les apparences contre le qu'on dira t-on. Nous sommes à l'époque où les femmes dites «musulmanes» aspirent à se «libérer», à s'habiller à l'occidental, à sortir de chez elles, pour vivre surtout pour elles et non pas pour leurs maris et enfants...Il y a bien des réunions de jeunes filles qui se retrouvent souvent pour évoquer leur avenir...Mais pour sortir et aller à ses réunions, il faut d'abord demander la permission et gagner surtout l'aval du «mâle» de la maison.

Naissance au monde des adultes
Pour Dalila, 18 ans, cela passe par sa belle- mère, «Lala Malika» à la réputation exemplaire et irréprochable qui ne semble souffrir d'aucun nuage gris...Et pourtant, au sein de cette famille plane le drame du scandale...Dalila apprendra un jour des choses sur sa belle-mère, «Lela» qui feront tout basculer dans sa tête principalement contre cette dernière dont le mari, à savoir le père de Dalila, est décédé... Ce roman à l'intrigue croissante et mordante, se veut prenant, haletant. L'histoire se tisse au gré des mensonges qui risquent d'éclater au grand jour et faire tache...Mensonges et secrets qui ne sont pas toujours bons à dire...Nous sommes en plein été de juillet et tout va se dérouler à partir de cette date jusqu' au début de l'automne quand les feuilles se mettent à tomber et annoncent la fin des idylles. Un récit des amours fanés qui se forment, se nouent, puis se dénouent malheureusement par la force du destin ou des hommes...Quoi dire de Dalila? Femme enfant, naïve, un tantinet diabolique qui est prête à tout pour faire éclater la vérité et se rapprocher de sa véritable image, elle qui adore se mirer souvent face au miroir? Une jeune fille fleur bleue? Pas tout à fait sage, mi ange mi-démon et très difficile à cerner...même si Assia Djebar arrive à nous dévoiler son aspect psychologique des plus complexes avec force détails. Reste néanmoins, que Dalila telle un sable mouvant peut glisser entre nos doigts, tant son âme impénétrable est si déroutante et ses intentions surréalistes...

Salim ou la tragédie annoncée
Au coeur du roman, il y a Salim et ce triangle d'un amour impossible qui, au final, va se tisser jusqu'à la mort...Un homme pour reconstituer ce puzzle éclaté et si déroutant sur fond d'un gâchis où les êtres vont se noyer dans un trop-plein de tristesse et de désillusion...Entre la raison de la bienséance des us et coutume et l'amour passion/destruction, qui aura le dernier mot tout compte fait? Ce qui importe à souligner à propos de ce roman est la forte densité de ces personnages et le paradoxe qui les anime...et c'est ce trait principalement qui rend ce roman aussi bien attachant qu'incroyablement beau, parfois insaisissable par certains à- côtés...Dalila cette «enfant» pas tout à fait sortie de l'innocence, mais qui s'éveille aux choses des adultes, se surprend à être cruelle. Elle en est consciente...Son refus d'avoir «un maître» ne l'empêche pas de se laisser faire violenter par celui qu'elle aime ou croit aimer pour y retourner pleurer dans ses bras et se jeter entre ses épaules cherchant un quelconque réconfort...Perdue, sans doute, un peu paumée, son assurance triomphante n'est que le refuge en fait d'une enfant naïve, un peu trop impatiente..Ses actes ne seront pas sans conséquences sur la vie d'autrui, détruisant au passage, sa liberté fantasmée et tant rêvée...peut-être un peu trop idéalisée? «Les impatiens» est en tout cas un livre ardent qui mêle la tendresse à une forme de violence indescriptible, écrit par des mots simples, qui exaltent la tension dans les rapports humains. Un récit comme l'on a très peu lu dans le roman algérien et c'est une femme qui a su en témoigner, en restituer avec toute sa fibre émotionnelle et ce, dans le moindre détail fébrile..Un livre magnifique dont on ne saura dire assez l'immense audace et la pertinence de sa modernité pour celle qui l'a écrit à l'orée de l'indépendance de l'Algérie... lire avec délectation. À lire surtout et vite pour ceux qui ne l'ont pas fait encore! Un livre déjà publié chez Julliard, en France et sorti, en Algérie, aux éditions Barzakh.

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