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ALI HADJAZ, ÉCRIVAIN, À L'EXPRESSION

«Boudjima est sortie de l’anonymat grâce à son Salon du livre»

Ali Hadjaz est un écrivain qui réside dans la région de Boudjima dans la wilaya de Tizi Ouzou. Région désormais connue pour son Salon annuel du livre. Ali Hadjaz finit toujours par revenir à l'écriture après des bifurcations intermittentes vers l'audiovisuel. Cette fois-ci, il publie coup sur coup un roman et un conte aux éditions «l'Odyssée» de Tizi Ouzou. Il nous en parle dans cet entretien.

L'Expression: Après deux romans publiés La vie des anges et Silence, vous passez à un autre genre, le conte, pourquoi ce changement, s'exprime-t-on mieux en écrivant un conte?
Ali Hadjaz: Avec ce conte, je suis parti avec un objectif des plus modestes: raconter un conte de grand-mère à mon fils. Au cours de l'écriture, j'ai essayé de transcrire les émotions de l'époque qui m'ont permis de m'en souvenir. Ensuite, j'ai essayé d'expliquer à ma manière la personnalité de certains personnages et les raisons profondes qui les faisaient réagir. En d'autres termes, j'ai accaparé ce conte de légende pour décrire ma société, mon époque, ma propre compréhension de ce monde. J'ai choisi d'écrire l'un des contes les plus populaires d'Afrique, mais à ma manière, avec mon style, mais surtout en l'adaptant à la situation et aux préoccupations de notre société d'aujourd'hui.

Notre génération, c'est-à-dire ceux qui ont plus de 50 ans aujourd'hui, a été bercée, dans son enfance, par ces contes qu'on lui racontait presque tous les soirs que Dieu faisait. Actuellement, les enfants sont plutôt constamment connectés à Internet. Peut-on avoir votre avis sur ce changement et quels en seront les conséquences?
J'ai vu récemment un dessin avec deux tableaux: en 1970, devant son ballon, une maman tirait par l'oreille son enfant pour qu'il rentre à la maison. En 2018, devant sa tablette, une maman tirait par l'oreille son enfant pour qu'il sorte jouer dehors. Franchement, il y a de quoi s'inquiéter. Nous, nous vivions dans la réalité: avec le conte, on nous balançait dans le virtuel; aujourd'hui, nos enfants sont dans le virtuel. Je peux juste affirmer que ni les parents ni l'école ne sont responsables de ce balancement: ils sont dépassés. Pour moi, la solution est dans ce monde virtuel justement. Il faut alors arrêter de lui opposer trop de résistance. Cela nous dépasse. Quoi qu'il en soit, la nature sait reprendre ses droits. Wait and see.

Vous avez animé plusieurs ventes-dédicaces ces trois derniers mois un peu partout, pouvez-vous nous parler de ces rencontres avec les lecteurs?
Dernièrement à Koléa, nous étions invités par l'association «Abi Youcef» de l'Ecole supérieure du commerce. Dans l'amphi, de jeunes auteurs, qui exposaient pour la première fois, se présentaient devant les étudiants. J'étais émerveillé par la nouvelle génération. Un jeune étudiant, au lieu de poser une question, fit ce commentaire: «Aujourd'hui welina men wala yakteb.» (Aujourd'hui, n'importe qui écrit). Une jeune auteure lui répondit calmement: «Hamdullah, et on espère aussi que men wala yeqra». Je peux écrire des tomes de citations comme ça. Ces sorties sont des moments rares pour apprendre. Aujourd'hui, j'en ai fini avec mon passé: je me sens comme une coupe vide tendue à tous et à toutes pour la remplir, de nouvelles leçons, de nouvelles visions, de nouvelles rencontres... Nous essayons d'occuper ces espaces pour célébrer la vie, le livre, le papier et d'autre part pour nous faire connaître, la nouvelle génération. Et surtout nous réactualiser et répondre aux attentes des lecteurs. Nous devons trouver un moyen de séduire le lectorat car la lecture est la clé. La lecture m'a sauvé.

A peine sorti, votre dernier livre a été en rupture de stock lors du Salon du livre de Boudjima. Est-ce que cela ne constitue pas une preuve que les gens lisent contrairement à ce qui est colporté ces derniers temps?
Les lecteurs sont toujours là, et il faut dire aussi que jamais dans l'histoire de l'humanité, l'homme n'a lu autant qu'aujourd'hui. Le format papier est mis de côté pour répondre à l'exigence actuelle. La vitesse et la profusion des connaissances sont à la portée de chacun. Avant, on écrivait et on patientait des jours, voire des mois pour une réponse «dans l'attente d'une réponse que j'espèrefavorable, veuillez agréer...» Aujourd'hui, si tu ne réponds pas dans l'instant à un SMS, il te bloque (rires). Quant au Salon du livre de Boudjima, il y a de quoi en être fier. Une région complètement oubliée de l'histoire refait surface grâce à un Salon de livres: qui l'eut cru? Nous avons des vestiges archéologiques dans la région que même les Romains avaient négligé de détruire, mais ils restent inconnus à ce jour. Des figures rupestres datant de 13000 ans jamais explorées... mais grâce au livre, Boudjima émerge.

Pouvez-vous nous dire un mot sur le Salon du livre de Boudjima, notamment ce qu'il a apporté aux écrivains, aux éditeurs, aux conférenciers et à vous-même en particulier?
Je le dis partout où je vais, les écrivains, les éditeurs, les conférenciers, attendaient avec impatience la date de la tenue de ce salon qui prend chaque année de l'ampleur. Je connais beaucoup d'auteurs qui fixent cette date pour se présenter avec une nouvelle oeuvre dont je fais partie désormais. Le lecteur est à l'auteur ce que le supporter est au sportif; quand il est là, il prend de l'envol, quand il est absent, il creuse dans les abîmes. Me concernant, je me sens comme la JSK face à son public. Les mêmes joueurs de qui on disait qu'ils étaient nuls en foot deviennent subitement des étincelles qui scintillent sur le terrain, imbattables face aux galeries bondées de supporters. Ils ont pris de l'envol, ils sont imbattables et donnent le meilleur d'eux-mêmes. Je ne puis que rendre grâce aux supporters de la JSK et à la population de Boudjima.

Pour terminer, peut-on savoir pourquoi vous écrivez?
Je me suis retrouvé devant 55 raisons de ne pas écrire, mais j'ai réussi à trouver une quand même pour le faire: j'aime m'exprimer par écrit.
Dans l'écriture, je prends le large: je me lance et je décide une spéléologie dans les abîmes. Je démarre immédiatement mon projet avec les moyens qui me tendent la main, mes amis. Je suis le meilleur chemin, ensemble, avec enthousiasme, je fais comme ceux qui ont réussi à accumuler de la richesse à partir de rien! Je me sens parfois habité par Dieu. Je ne refais surface que lorsque mon oeuvre est prête. Concernant le conte La cabane des ogres, j'avoue que je me suis fixé un objectif: écrire 100 pages. Et depuis que j'ai remis le manuscrit à mon éditeur, j'ai refusé de le relire parce que je trouvais toujours des choses à supprimer ou à rajouter. J'écris pour m'exprimer et pour me plaire mais je n'y suis pas encore parvenu.

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