L'Expression

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Sanafir

Voilà quelques années, à l´époque ou l´ex-Front islamique du salut était au summum de sa gloire, Abassi Madani s´en est pris à la multitude de «partis», se bousculant sur la scène politique nationale, en les traitant méchamment de «sanafir» (terme allant du mielleux «petits», dans le meilleur des cas, au péjoratif «nabots»). Cela a fait un grand effet. Toute chose égale par ailleurs, peut-on dire que les choses ont vraiment évolué depuis? Peu, très peu en vérité, même si aujourd´hui il n´y a plus autant de partis que l´on a pu en compter en 1990 quand leur nombre avoisinait les 80 ACP (Associations à caractère politique, dénomination officielle des partis politiques algériens). Ou sont donc aujourd´hui ces ACP? Quelques-unes subsistent mais vivotent dans l´anonymat, en marge de l´espace politique national, ne marquant la scène nationale ni par leurs initiatives ni par leur présence sur le terrain politique, si ce n´est cycliquement, ici et là, par des motions de «soutien» au président. C´était le cas à l´époque de Zeroual, ça l´est encore plus aujourd´hui. Ce qui en politique est une aberration lorsque le président n´est pas issu des rangs ou d´une coalition préalablement établie. Pourquoi créer un parti en effet si c´est pour soutenir le concurrent alors même que l´existence d´une formation politique n´a sa justification que dans la mesure elle est au pouvoir, travaille pour y accéder ou active dans l´opposition? Certes, il y a ce que d´aucuns qualifient d´alliance ou de coalition politique. Or, un tel montage politique a ses règles et est précédé de négociations qui déterminent les parts de chaque parti, en fonction de son poids électoral, du nombre de ses députés, de son programme politique et des points communs qu´ils défendent notamment. D´ailleurs comment peut-on concevoir une alliance politique si programmes et projets de société sont aux antipodes les uns des autres? Aussi, pour nombre de politiciens algériens, ce qui importe n´est donc pas d´avoir un programme politique ou même de postuler au pouvoir, mais d´être présents sur le terrain politique et, surtout, être dans les bonnes grâces de l´homme fort, du «chef». Ce qui implique que les nouveaux hommes politiques algériens n´ont de «politique» que le nom. Dit autrement, la seule préoccupation de ces politiciens est somme toute d´avoir leur part du gâteau «Algérie» et, pour cela, ils sont prêts à toutes les compromissions. Cela donna lieu à des alliances politiques contre nature. Ainsi, la profusion des «associations à caractère politique» nées dans le sillage de l´ouverture du champ politique national induit par la Constitution de février 1989 n´aura duré que le temps donné aux apprentis politiciens de tester leurs capacités sur le terrain de la confrontation des idées et des programmes. Aussi, c´est là que le bât blesse, la majorité de ces ACP n´avaient ni programmes spécifiques ni visions politiques particulières pour l´Algérie. Quant aux leaders de ces partis, nombre d´entre eux se sont signalés par leur propension à jouer aux petits chefs. De fait, entre un parti politique qui s´est donné le nom baroque de «Parti algérien de l´Homme capital», et l´inénarrable ex-président du PNSD, Rabah Benchérif, l´homme du concept du «capitalisme horizontal» qui clamait à qui voulait l´entendre, «le parti c´est moi», le militant sincère ne savait à quel «sidi» se vouer. Plus pragmatiques, d´autres dirigeants sans trop faire de bruits ont empoché l´argent attribué - en forme d´aide par l´Etat - aux nouvelles ACP, avant de tirer en catimini leur épingle du jeu. Dès lors, de vie politique il n´y en avait point. Et les quelques partis qui ont tenté, avec des fortunes diverses, de se maintenir aux forceps, n´avaient aucune envergure politique. On pouvait imaginer que dans le désordre et la confusion prévalant dans les années 90, les islamistes avaient la partie belle, qui, sûrs d´eux, disposant d´un programme et d´un projet de société, ont ratissé large, imposant leur vision des choses à tous et s´imposant à des Algériens fatigués par le cirque qu´était devenu le champ politique national. De fait, la victoire de l´ex-FIS aux communales de juin 1990 était un avertissement sans frais. Aussi, lorsque Abassi Madani qualifia ces partis politiques de «sanafir», il savait qu´il visait juste et qu´il mettait les rieurs de son côté. En fait, ce qui aurait dû être une expérience politique unique en Afrique et dans le monde arabe s´est mué, du fait des erreurs stratégiques du pouvoir d´une part, des opportunismes des uns et des autres d´autre part, en arène de Guignol. Beaucoup ont ainsi cru avoir atteint les étoiles regardant de haut ce pauvre peuple algérien rabaissé dédaigneusement au rang de «ghachi» (terme méprisant désignant la «foule»). N´est-ce pas M.Boukrouh? Dès lors, en l´absence d´une véritable culture politique et du fait d´une méconnaissance anormale des mécanismes et des valeurs qui s´attachent au fait politique, nombreux sont ceux qui ont fait de leur «parti» le tremplin de l´envol vers leur destin. Ainsi, les nouvelles ACP algériennes, n´ayant ni l´expérience voulue ni de réelles consciences des arcanes du jeu politique se sont-elles donné comme modèle l´appareil politique du FLN, le seul alors existant dans l´espace politique algérien. Et certes, les leaders de ces partis ont retenu de ce qu´il y avait de plus détestable dans l´ancien parti unique avec des démesures comme les pouvoirs exorbitants attribués au «chef», au détriment du parti et de ses objectifs politiques. En réalité, le champ politique national a été, au lendemain de l´ouverture politique, bâti sur un vaste malentendu dont la conséquence a été le fait que n´importe qui pouvait se donner la qualification de «leader» politique, parce que la loi sur les ACP permet, à une poignée de personnes, de fonder un parti politique. Dès lors, fut ouverte la brèche que les opportunistes et arrivistes de tout acabit ont mis à profit pour tirer avantage du désordre et de la confusion ambiants. Ainsi, d´aucuns ont su tirer les marrons du feu en se mettant à l´abri du besoin. En fait, la politique mène à tout, il suffisait d´en sortir. Vous avez dit sanafir?

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