Le chauffard et le piéton imprudent

La renommée du juge du mardi, y est pour beaucoup. En effet, Mounir Ayed, le président de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs, (cour d'Alger), se trouvait dans son élément, en appelant Bousfer. F. l'inculpé d'homicide involontaire sur la personne de Hocine. M. Un sexagénaire résident à El Biar (Alger), et écrasé au niveau du tronçon «les Deux Bassins» de l'autoroute Est-Ouest. Dés qu'il entendit son nom, Hocine entra et, sans faire attention à l'entorse faite aux us et coutumes, liée aux magistrats, s'approcha du pupitre du tribunal, mais le juge le pria d'aller derrière la barre, l'endroit indiqué pour être entendu.
Après avoir repris toutes les coordonnées de l'inculpé, Ayed, le juge entra dans le vif du sujet, après avoir constaté que Fadel. F.n'avait pas de conseil pour l'assister: «Pouvez-vous, nous raconter l'accident qui a coûté la vie à un vieillard, qui avait, certes, traversé imprudemment la route, à ce moment - là, mais que vous, par contre, aviez dépassé l'entendement, en roulant à près de 110km/h, à cet endroit?» Le détenu qui était entré au prétoire, tête baissée, avait relevé la tronche avant de répondre, avec un accent brisé par l'émotion, qui l'étranglait rudement, et très justement:
«Monsieur le président, vous me demandez de vous raconter l'accident que je n'ai vécu qu'après la catastrophe. Je ne me souviens que du corps que j'aie bruyamment bousculé, et je vous dirais même, que j'ai cru bêtement, que je venais d'heurter un fût vide... Tant le choc fut violent! C'était une horrible chose que d'avoir vu et vécu, un tel cauchemar. Plus jamais, cette chose n'a quitté mon cervelet, et il m'arrive souvent, d'en perdre le sommeil, lorsque le film se déroule, en plein sommeil. C'est difficile à avaler.
-- Vous pouvez ll'affirmer, car à la vitesse où vous rouliez, vous pouviez tout imaginer!» interrompit le magistrat, qui voulait signifier par là, que même si le défunt était dans son tort, en traversant imprudemment le tronçon, l'inculpé se devait de réduire la vitesse, du moment que l'endroit était fréquenté. «Il y a des situations où l'automobiliste se doit d'être vigilant, et...»
L'inculpé interrompit à son tour le président:
«Mais, monsieur le juge, j'étais couvert par le fait même que j'empruntais une autoroute, que la circulation, était à ce moment, fluide. Comment pourrai-je vous relater des faits qui allèrent si vite, que je suis maintenant, dans l'incapacité de continuer»articule, sentencieusement, l'inculpé au bord de l'écroulement. Le juge invita alors Nabila Bekraoua, la vivifiante brune procureure, à requérir. Elle se leva, marmonna à l'intention des présents ces petites, mais significatives phrases: «Les procès sur les accidents de la circulation, tenus, assez souvent, pour frapper très fort d'une main d'acier, Les auteurs d'homicides et blessures volontaires, sont, bien entendu, régulièrement, suivis par une frange de la population attirée beaucoup plus par les verdicts, que par le déroulement des débats. C'est pourquoi même si le défunt a eu une réaction négative, l'inculpé aurait dû lever le pied, au moment où il traversait ce tronçon à mille risques! Je réclame le maximum de la peine si le tribunal considérait qu'il y a eu la pleine responsabilité de l'inculpé.»
La procureure s'assit, satisfaite de son intervention. Mais, il y a ce sacré «qadha ouel'qadar» qui entre en jeu...
Un procès relatif à un inculpé d'excès de vitesse, n'a rien d'extraordinaire. C'est même banal. Mais l'inculpé qui nous intéresse aujourd'hui, est un jeune homme de 32 ans, habile au volant, mais maladroit, dans sa défense face au juge du jour, méfiant, mais tout de même, éveillé. Le verdict a été mis en examen, sous quinzaine.