Des voisins irascibles
Voilà deux vieux voisins qui se prennent à la gorge, pour des broutilles. Seulement, l’un d’eux s’avère être un piètre bagarreur…
Mercredi dernier, le tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d'Alger) faisait le plein du seul fait qu'il y avait pas moins de huit cents victimes d'une escroquerie record à Alger, où sévissait un expert en vente de «mirages», en l'occurrence de logements aménagés sur des... feuilles 21 x 27. Evidemment, la salle était si exiguë, que les responsables décidèrent que les victimes attendraient dehors, leur tour de passer à la barre. Heureusement pour tout ce beau monde, que le dossier fut renvoyé à temps, et l'audience eut lieu dans la sérénité. Mounir Ayed, le jeune président de la section pénale du tribunal était dans une bonne journée, car entrer dans la salle d'audience avec un rôle pas possible, était en elle-même une grande prouesse. Ainsi, l'affaire de Souilah. F. détenu-agresseur présumé, à l'encontre de Bouzid. Z.
La cinquantaine dépassée de loin, allait susciter un grand intérêt pour les amateurs de bon voisinage. Il faut vite préciser que ce dossier n'est pas une nouveauté pour la justice, le tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d'Alger) et évidemment pour les magistrats! Nabila Bekraoua, la jolie procureure, était en superforme surtout que son collègue Okba Djabri était enfin de retour à son poste, et pouvait ainsi, alléger la dame de ses multiples missions quotidiennes. À la barre, le climat était plutôt au travail, puisqu'il s'agissait de coups et blessures volontaires réciproques, fait prévu et puni par l'article 264 du code pénal.
Le comble est le fait que les antagonistes étaient de solides voisins qui se connaissaient très bien avant que le «lait ne tourne au- dessus du feu». Et pour un juge, ces questions qui caressent la pratique du droit, gênent énormément les prises de décision radicales. Mounir Ayed le jeune magistrat savait très bien à quoi s'en tenir, en permettant aux deux adversaires d'étaler chacun, «sa» vérité, autour des «pourquoi et comment» de la rixe! «Expliquez-moi comment ces malentendus ont terminé à la barre, et surtout, l'absence manifeste de dialogue.» avait articulé lentement le président qui attendait évidemment que la seule vérité que détenaient seuls les antagonistes, et ce, en l'absence manifeste de témoins, ne pouvaient sortir que de la bouche de détenu, et de son adversaire, qui est venu à la barre, réclamer justice pour avoir reçu une mémorable raclée qui lui avait valu plus de quinze jours d'incapacité physique. C'est pourquoi la victime avait plus confiance en les termes de l'article 264 du code pénal, qu'en autre chose. En effet, des justiciables n'ont confiance que gans la justice.
Les arrangements à coups de monnaie sonnante et tranchante, n'arrangent rien. Seule, l'application de la loi, et la réception des dommages et intérêts, peuvent effacer le discrédit jeté quelques jours auparavant, sur lui. L'article de loi en question dispose que: «Quiconque, volontairement, fait des blessures ou porte des coups à autrui ou commet toute autre violence ou voie de fait, et s'il résulte de ces sortes de violence une maladie ou une incapacité totale de travail pendant plus de quinze jours, est puni d'un emprisonnement d'un (1) an à cinq (5) ans et d ‘une amende de cent mille (100 000) DA à cinq cent mille (500 000) DA.
Le coupable peut, en outre, être privé des droits mentionnés à l'article 14 de la présente loi pendant un an au moins et cinq ans au plus. Quand les violences ci-dessus exprimées ont été suivies de mutilation ou de privation de l'usage d'un membre, cécité, perte d'un oeil ou autres infirmités permanentes, le coupable est puni de la réclusion à temps, de cinq à dix ans. Si les coups portés ou les blessures faites volontairement mais sans intention de donner la mort l'ont pourtant occasionnée, le coupable est puni de la peine de réclusion à temps, de dix à vingt ans.» C'est dans cette optique que le juge cherchait à savoir, avant toute adéquate entreprise, le pourquoi de cette bagarre. C'est plutôt réconfortant pour l'esprit de justice qui se doit d'animer tout magistrat devant un tel dossier. Pour trancher avec un esprit d'équité, tout juge du siège se doit d'avoir en main, les solides éléments «parlants et frappants» de cette triste affaire. Après le long interrogatoire, il est nettement apparu que le litige qui opposait les deux voisins, ne datait pas du jour de la rixe. «C'est un vieux contentieux, et des règlements de comptes assez anciens, pour pouvoir éteindre le feu qui se consumait entre les deux irascibles voisins, et qui a largement, envenimé les relations de bon voisinage. Or, les explications des deux adversaires n'ont rien apporté de palpable qui puisse fixer les magistrats, en l'occurrence, le juge et la parquetière, sur le pourquoi du malentendu, d'abord, et la bagarre, ensuite! C'est la «bête» noire de certains juges du siège. C'est pourquoi lorsque Mounir Ayed annonça la mise en examen du dossier sous huitaine, les deux bagarreurs se séparèrent sans se regarder!