Les élections du 12 juin et la femme
Les électeurs ont boudé les candidates. Pourquoi? Il faut remonter à...
Reflet. Maintenant que les commentaires sur le déroulement des législatives du 12 juin dernier ont baissé, il nous paraît plus opportun d'aborder le sujet. Pas sur tous les aspects des élections. Sur la participation féminine sur les listes électorales et les résultats du scrutin. Sur 8304 candidates, seules 33 ont été élues. Vu l'important écart, il est impossible de faire semblant de n'avoir rien vu. Cependant, quelle est l'explication? Car il y a forcément une explication à un tel résultat. Que s'est-il passé entre la 8ème législature où elles étaient 146 élues et la 9ème où elles ne sont plus que 33? On a l'impression que la 8ème législature a été un «accident de l'histoire» puisque lors de la législature précédente (2012) les femmes élues députés étaient au nombre de 29. Un nombre très proche des 33 du 12 juin dernier. La conclusion est simple. En 2017, les candidates avaient bénéficié d'une loi électorale qui leur garantissait l'élection pour un 1/3 des sièges. Cette garantie ayant «sauté» dans la loi électorale du 10 mars 2021, l'élection devient le reflet exact du choix des électeurs. Sans autre artifice. Surtout que le principe de «tête de liste» a lui aussi «sauté». Donc et s'il fallait une preuve démontrant l'incontestable régularité des élections du 12 juin, ce résultat de 33 élues sur 8304 candidates en est une. Une fois qu'on a dit ça, il faut expliquer pourquoi les électeurs n'ont pas été nombreux à donner leurs voix aux femmes. C'est tout le fond du problème. Mais d'abord, un petit rappel du nombre de femmes parlementaires dans le monde. La moyenne mondiale est de 24,5% (source Union internationale Interparlementaire). C'est dire que l'Algérie n'a pas le monopole de la faible présence féminine en politique. Mais ce n'est pas parce que le phénomène est mondial qu'il faille s'en contenter et fermer le dossier. Il est indispensable d'aller au fond du problème car chaque pays a sa propre histoire. De plus, avec 8,10% de sièges décrochés par les femmes à l'APN en 2021, il y a des progrès à faire pour rejoindre la moyenne mondiale. Donc et sans aucun artifice, la femme algérienne a des difficultés à convaincre ses concitoyens de lui accorder leur confiance. Car nul ne peut dire que des électrices n'ont pas, elles aussi, boudé les candidates. Dans tous les cas de figure, la raison principale est d'ordre culturel. D'abord, il ne faut pas oublier que la femme algérienne a accédé à la vie active à l'indépendance. 59 ans, ce qui est très peu dans la vie d'une nation. C'est ce jour-là qu'elle est sortie dans la rue et a enlevé le voile. Beaucoup de raisons à cela et, notamment la voie ouverte par les moudjahidate. Auparavant et durant les 132 ans que dura la colonisation, la femme algérienne était cloîtrée à la maison. H/24 et 7jours sur 7. Même pas le droit de regarder par la fenêtre grande ouverte. Dans le contexte de l'époque, la femme ne se plaignait pas de ce régime. Obtenir de sortir pour aller où? Sans instruction, la plupart des parents refusaient d'inscrire les filles à l'école, la «laisse» était très courte. Pourquoi la société algérienne fonctionnait-elle avec de tels paramètres? La colonisation avait tout pris aux Algériens, leurs biens et leur espace. Sans accès aux soins, l'Algérien dans la misère noire était voué à disparaître emporté par les maladies et la faim. La force des armes de l'occupant l'y avait contraint. Mais ce que voulait protéger le plus l'Algérien, c'était son identité. Ce qui explique le profond ancrage de la religion musulmane durant toute la nuit coloniale. Le pouvoir colonial n'y a vu que du feu, à tel point que pour dissuader les Algériens de prendre la nationalité française, il y a mis la condition du reniement de la foi musulmane. Ce qui était hors de question, inacceptable et inenvisageable pour les Algériens. Cela faisait partie de ce que l'on pourrait aujourd'hui, appeler la culture de la résistance. Une culture pour se défendre contre l'invasion étrangère. C'est grâce à cette culture que 132 ans durant, l'Algérien a pu garder son identité intacte. On peut la considérer, aujourd'hui, et par certains aspects, injuste, il n'en demeure pas moins qu'elle était le rempart irremplaçable contre l'aliénation. Il faut voir le problème en le replaçant dans son contexte de l'époque. Aujourd'hui, les choses ont changé. Le colonialisme fait partie de l'histoire. La femme algérienne va à l'école, travaille, elle est juge, médecin, pilote, militaire, etc. Il ne manque qu'une seule chose. Celle de passer de la culture de résistance à une culture ouverte. En 1989 il y a eu l'ouverture politique et économique. La société algérienne attend toujours son ouverture culturelle. Pour relancer l'économie et, notamment le tourisme. Pour parfaire la justice sociale dont l'égalité des sexes fait partie. Bref, une véritable réforme culturelle. Qui n'a rien à voir avec le Salon du livre ou les expositions folkloriques!