Avant le 19 mars 1962, les Barbouzes
Une date, une histoire. Demain marquera le 59ème anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie. C'était le 19 mars 1962. Une journée où, après une guerre qui aura duré sept années et demie, la France et l'Algérie ont signé le cessez-le-feu qui précédait l'autodétermination. Pour les Algériens, c'était le jour de la Victoire sur 132 ans d'une colonisation unique par sa sauvagerie contre un peuple meurtri, affamé, humilié, mais jamais résigné. Pour les Français de la métropole (l'Algérie c'était trois départements français à l'époque) cette journée était celle du retour de leurs enfants d'une guerre qui ne les concernait pas. Ils l'avaient affirmé avec force à 75% lors du référendum du 8 avril 1961. Ils l'ont répété encore plus fort après le 19 mars 1962 lors du référendum du 8 avril 1962 où ils étaient à 91% pour l'indépendance de l'Algérie. Et puis, entre les deux, il y a des petits groupes hétérogènes que sont les pieds-noirs, ces Européens venus en Algérie au cours de la colonisation et ayant acquis la nationalité française. Ils étaient estimés en 1962 à 900 000 personnes alors que les Algériens représentaient une population de 9 millions d'habitants. Il y avait aussi les harkis, ces supplétifs qui se sont engagés dans l'armée coloniale pour maintenir l'Algérie sous la domination française. Un groupe que même les autorités françaises ne voulaient pas accueillir dans leur fuite à l'annonce de l'indépendance du pays. Ils obtiendront, malgré tout, la nationalité française dans des conditions de citoyens de seconde zone. Et enfin, un groupe d'extrême droite, des esclavagistes d'un autre temps qui, sans le reconnaître, pensent que la colonisation est nécessaire à la puissance de la France. Ces trois groupes anti-algériens réunis, représentaient lors du référendum du 8 avril 1962, 9% de l'électorat. Ils ont dû augmenter au fil des générations tenant compte de leurs nuisances sur les relations franco-algériennes. Ou simplement crient-ils plus fort que les Français de la métropole? Quoi qu'il en soit et dès l'annonce de De Gaulle qui s'est dit prêt, en 1959, à accepter l'autodétermination en Algérie, ces trois groupes se sont réunis pour combattre à la fois, les Algériens et les Français. Ils ont créé une «armée» secrète l'OAS composée de groupes terroristes qui commettaient des attentats contre les Algériens, mais aussi contre les Français qui n'étaient pas anti-algériens. Encadrés par d'anciens militaires français qui ne s'étaient jamais relevés de la défaite de Dien Bien Phu (Vietnam), ces groupes terroristes ont tout simplement pris la suite d'organisations qui existaient comme «la main rouge» qui sévissait en Algérie depuis le début de la colonisation. De Gaulle et l'Etat savaient que les choses allaient se corser de plus en plus depuis 1959. Que les pieds-noirs et l'OAS allaient redoubler de violences. Ils le savaient tellement bien que le secrétariat d'Etat aux Rapatriés a été créé en août 1961. Bien avant le 19 mars 1962. Ils le savaient tellement bien que pour réduire les capacités de nuisance de l'OAS, il fallait, avant le 19 mars 1962, mettre en place une structure de lutte en marge de l'organigramme institutionnel. C'est ainsi que De Gaulle créa les Barbouzes. Une milice composée d'éléments de la légion étrangère où beaucoup de Vietnamiens se sont illustrés dans la neutralisation des terroristes de l'OAS. Les Barbouzes avaient carte blanche, mais ne relevaient officiellement d'aucun service officiel. Lorsqu'ils ont débarqué en Algérie en 1961, ils manquaient d'informations sur les éléments de l'OAS. C'est le FLN qui s'est chargé de leur fournir la liste des hommes composant les groupes de l'OAS. Dans les rues d'Alger, durant la période des Barbouzes, c'était la chasse à l'homme digne des films hollywoodiens. Voyant ses pertes en hommes s'aggraver, l'OAS avait décidé de faire exploser les lieux où résidaient les Barbouzes. C'est ainsi qu'une des villas de cette police parallèle qui se trouvait à El Mouradia (à l'époque La Redoute) fut plastiquée par l'OAS quelques semaines (24 janvier) avant le 19 mars 1962. Une fois le cessez-le-feu proclamé, les Barbouzes n'avaient plus lieu d'être. Le FLN et l'ALN de retour dans les villes allaient s'occuper sérieusement des terroristes de Salan, Jouhaud et Lagaillarde qui s'étaient réfugiés en Espagne. Jusqu'au bout la colonisation et la guerre d'Algérie auront été le théâtre de combats inédits pour l'époque. Des enfumades du XIXe siècle, ancêtres des chambres à gaz de la Seconde Guerre mondiale, jusqu'à la piraterie aérienne en 1956 en passant par la généralisation de la torture avec les «crevettes» Bigeard et puis cette armée française parallèle que furent les Barbouzes. Notre Guerre de Libération nationale était à plusieurs intervenants. Au point de donner à la journée de la Victoire du 19 mars une performance particulière!