La conférence de Bahreïn
Un coup d’épée dans l’eau
«On n’achète pas l’indépendance d’un peuple, on n’achète pas la dignité d’un peuple, 50 milliards pourquoi faire, pour fermer sa gueule et accepter d’être dépouillé de ses droits, c’est ignoble» Dominique de Villepin, Interview sur BFM/TV 25.06.2019
Après plus d’un siècle d’avanies depuis la triste déclaration de Balfour où sa majesté décide d’offrir un home aux juifs du monde entier et ceci pour récompense notamment au chimiste juif anglais inventeur de l’acétone arme de destruction massive pendant la Première Guerre mondiale. Ainsi, après Dieu, sa majesté promet une Terre aux juifs en l’arrachant au peuple palestinien. Nous sommes en 2019 et nous constatons que l’Administration américaine sous la présidence de Donald Trump est à marquer d’une pierre noire pour la cause palestinienne. Comme promis par le président Trump, Jérusalem a été déclarée capitale d’Israël et dans le même ordre, il annule les financements des camps de réfugiés palestiniens concernant l’éducation, la santé. Etranglés ainsi, notamment à Ghaza, les Palestiniens devenus « malléables » sous la présidence interminable de Mahmoud Abbas, devraient en toute logique accepter le deal du siècle que son beau-fils devait mettre en œuvre, il s’agit de dissoudre les Palestiniens dans un banthoustan en les gardant sous une perfusion de 50 milliards de dollars, qui, comble de l’ignominie, proviennent du pétrole des potentats arabes qui ne peuvent rien refuser à l’Empire.
Ainsi, comme convenu, la conférence de Manama était condamnée à l’échec en l’absence des concernés : les Palestiniens qui, une fois de plus, voient leur destin « pris en charge » par les mêmes – c’est-à-dire les Etats-Unis- qui veulent à travers les injonctions d’Israël leur imposer un énième big deal, en acceptant d’être des citoyens de seconde zone dans l’Etat d’Israël traçant ainsi un trait définitif sur l’utopie pendant plus d’un siècle d’un Etat palestinien sur moins de 20 % de la Palestine originelle.
La contribution suivante explique la comédie de cette conférence vouée à l’échec : « La conférence de Bahreïn “De la paix à la prospérité” est déjà un flop. A l’origine, cela devait être une vitrine de normalisation, avec une délégation ministérielle israélienne de haut rang aux côtés des dirigeants arabes. Mais à cause d’un mouvement de résistance dans la région, ou peut-être une simple gêne parmi les régimes arabes, et un total boycott de la part des Palestiniens, les États-Unis ont abandonné le projet d’inviter une délégation officielle israélienne. Même les plus solides soutiens des États-Unis, comme l’Union européenne, la Jordanie et l’Égypte envoient le moins de représentants possibles. Il y a une dizaine d’années, le Quartet a tenté d’imposer une paix économique illusoire aux Palestiniens (..) L’initiative s’est achevée avec l’ultramédiatique “conférence des investissements” à Bethléem qui, tout comme l’édition bahreïnie, a été mise en échec par une farouche opposition de la part des Palestiniens. Au cas où il existait des doutes quant aux sentiments des Palestiniens, les factions politiques de la bande de Ghaza ont annoncé une grève générale ce mardi afin d’envoyer le message à ceux qui se réunissent à Bahreïn que personne ne peut effacer leurs droits inaliénables, particulièrement avec des vides promesses de “prospérité.” Ce dont les Palestiniens ont besoin et exigent est la libération, et non la charité de Jared Kushner.» (1)
Dans cette comédie humaine où les Palestiniens sont livrés aux marchandages avec la complicité des Arabes, l’ancien Premier ministre français Dominique de Villepin qui, sous la présidence de Jacques Chirac, dira non à George Bush dans son aventure irakienne,dans un discours mémorable aux Nations unies, a fait une analyse sans concession des enjeux ; Interrogé par Jean-Jacques Bourdin lors de l’interview BFM/ RMC sur la manière dont il regarde le plan de Trump pour le Proche-Orient De Villepin a fustigé vivement ce qui est communément appelé le big deal ou deal du siècle : « Je ne le regarde pas et je conseille vivement à l’ensemble des responsables européens de ne même pas ouvrir ce dossier pour une raison simple, on n’achète pas l’indépendance d’un peuple, on n’achète pas la dignité d’un peuple, 50 milliards pourquoi faire, pour fermer sa gueule et accepter d’être dépouillé de ses droits, c’est ignoble », s’est-il élevé. Ce plan est mort-né », a-t-il prédit, appelant l’Europe « à placer la diplomatie américaine et la politique américaine devant ses responsabilités». (2)
Qu’en pensent les Palestiniens ?
Les Palestiniens ont rejeté à l’unisson le volet économique du plan de Donald Trump : « La conférence de Manama, au Bahreïn, sur le volet économique de «l’accord ultime» de Donald Trump, censé régler le conflit israélo-palestinien, n’a pas convaincu les Palestiniens qui l’ont boycottée et s’en sont désintéressés. Toutes les organisations palestiniennes ont condamné d’une même voix avant même sa tenue mardi et mercredi, et dans la bande de Gaza, plusieurs milliers de manifestants ont brûlé des posters de Donald Trump et de Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien. «Non à la conférence de la trahison, non à la conférence de la honte», était-il écrit sur une banderole.» (3).
« Jared Kushner, gendre et conseiller du président américain Donald Trump, a défendu, en présence de responsables économiques internationaux, le volet économique d’un plan américain, un préalable selon lui à un accord de paix. Aux yeux de l’Autorité palestinienne, Jared Kushner a fait miroiter ce plan de 50 milliards de dollars d’investissements dans les Territoires palestiniens et les pays voisins afin de permettre à l’administration Trump, accusée d’être ouvertement pro-israélienne, d’imposer une solution politique qui serait défavorable aux Palestiniens et ignorerait leur revendication d’un État indépendant.» (3).
«« La porte «reste ouverte» aux Palestiniens pour accepter le volet économique du plan américain, a annoncé le gendre du président Donald Trump, Jared Kushner «Si les dirigeants palestiniens veulent améliorer les conditions de vie [de leur peuple], nous avons présenté un plan formidable dans lequel ils peuvent s’engager (…) Le gouvernement palestinien fait face à une grave crise financière et a réduit de moitié les salaires de plus de ses 100.000 fonctionnaires. Alors que la corruption palestinienne a souvent été évoquée comme cause de la crise, l’occupation de la Cisjordanie par Israël a en revanche été à peine mentionnée au «La paix économique qui nous a déjà été plusieurs fois proposée, et qui a déjà échoué parce qu’elle ne traite pas les vrais problèmes, nous est présentée une nouvelle fois», a déclaré la responsable palestinienne Hanan Ashrawi. «L’éléphant dans la pièce à Manama est bien sûr l’occupation israélienne elle-même. Elle n’a pas été mentionnée. Pas une seule fois’’» (3)
« La conférence de Bahreïn est «loin d’être connectée à la réalité», a déclaré Ofer Zalzberg, analyste basé à Jérusalem au sein du groupe de réflexion International Crisis Group. Des sondages ont montré que le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas est impopulaire et pour Ofer Zalzberg, le gouvernement américain espérait utiliser les retombées économiques potentielles pour «créer un fossé entre le peuple palestinien et leurs dirigeants» à propos de ce plan. En fait, cela a peut-être eu l’effet inverse, a-t-il souligné. L’optimisme américain est loin d’être partagé par toutes les nations arabes. La Jordanie et l’Égypte, les deux seuls pays arabes ayant signé un accord de paix avec Israël, n’ont envoyé à Manama que des fonctionnaires.» (4)
Le plan n’a aucune chance de réussir
C’est par cette phrase très significative que le rédacteur de cette contribution situe les véritables enjeux qui sont ceux de la libération des territoires du peuple palestinien. Il décortique point par point les « offres » de Jared Kushner : « La Maison-Blanche a publié “De la paix à la prospérité,” le volet économique de son Accord du Siècle. Il propose 50 milliards de dollars d’“investissements” répartis sur 179 projets. La moitié de cet argent devrait être dépensé sur 10 ans dans des infrastructures palestiniennes, et le reste sera réparti entre l’Égypte, le Liban et la Jordanie. Cela devrait comprendre 5 milliards de dollars pour un corridor de transport entre la Cisjordanie et la bande de Gaza occupées, ainsi que 2 milliards pour le tourisme palestinien. Le plan n’a aucune chance de réussir, notamment parce que personne ne sait d’où l’argent proviendrait En outre, il n’y a aucune raison de penser qu’Israël autorise d’importants projets qui profitent aux Palestiniens » (5).
Le double jeu : étouffer l’Unrwa et offrir un deal
«Même en considérant l’initiative selon ses propres termes, l’approche de Kushner pose un vrai problème de crédibilité : pour prendre juste un exemple, “De la paix à la prospérité” prétend qu’il y aura de gros investissements de faits dans le système de santé pour les Palestiniens parce que “une économie saine a besoin d’une population saine.” Mais à la demande de Kushner, l’une des premières choses que l’administration Trump a fait a été de couper toute aide humanitaire et de développement aux Palestiniens, y compris le soutien financier états-unien à l’Unrwa, l’agence de l’ONU qui fournit santé et éducation aux réfugiés palestiniens les plus pauvres et les plus vulnérables. L’administration Trump a aussi stoppé les financements de six hôpitaux de Jérusalem Est qui fournissent des services d’urgence aux Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza.» (5)
«Jared Kushner ne peut pas nous dire qu’il se soucie de mettre un terme à la pauvreté des Palestiniens tout en leur infligeant plus de souffrance et de misère, ce qui est la réalité des faits, contrairement au rêve chimérique que vante ce plan. Parfaite hypocrisie du plan “De la paix à la prospérité” de Trump qui parle d’investir dans le système de santé palestinien après avoir supprimé 25 millions de dollars des hôpitaux palestiniens de Jérusalem-Est et stoppé le soutien US à l’Unrwa qui fournit des soins médicaux à plus de 3 millions de réfugiés palestiniens.» (5)
L’occupation intouchable
« Il n’y a rien de nouveau dans la stratégie de Kushner que de cacher l’occupation militaire et l’exploitation coloniale sous un plan pour la prospérité. Au début des années 1990, à la signature des accords d’Oslo, les médias fantasmaient sur le fait que Gaza deviendrait le “Hong Kong de la Méditerranée.” Au lieu de cela, sous couvert du “processus de paix,” Israël a commencé à isoler Gaza et à dé-développer son économie, comme le décrit l’universitaire Sara Roy. De nouveau en 2005, lorsque Israël se préparait à évacuer les colons de Gaza, les médias fantasmaient sur le fait que le territoire côtier deviendrait le “Singapour de la Méditerranée.” Mais plutôt que de lui permettre de prospérer, Israël a fait de Gaza un ghetto fermé pour ce qu’il juge être un excédent de population, qui doit être bombardé ou assassiné par des snipers s’ils osent résister à leur destin. Imperturbable, le plan de Kushner soutient que “Tout comme Dubaï et Singapour bénéficient de leurs situations stratégiques et prospèrent en tant que centre financier, la Cisjordanie et Gaza peuvent enfin se développer en un pôle commercial régional.” Parmi la bouillie néolibérale sur la “gouvernance,” “le développement de compétences,” et “l’empowerment” des Palestiniens, le plan de Kushner promet d’“Augmenter le pourcentage des exportations palestiniennes de 17 à 40 du PIB,” en partie grâce au “développement de zones industrielles de pointe.” Ce futur dystopique pour les Palestiniens était soutenu dans des termes tout aussi prometteurs par Tony Blair en 2008 lorsqu’il était le représentant du Quartet, ce groupe moribond d’élus états-uniens, européens, russes et onusiens, qui prétendait faire avancer le “processus de paix”.» (5)
L’auteur de l’article martèle plusieurs fois que ce n’est pas un problème uniquement économique, mais avant tout de liberté d’un peuple, d’occupation de territoire : « Si Kushner voulait réellement augmenter de manière radicale le PIB palestinien il n’aurait pas besoin de 10 ans ni de milliards de dollars. Tout ce qu’il faudrait, pour commencer, c’est qu’Israël mette fin aux restrictions qu’il impose aux Palestiniens qui travaillent, créent des entreprises ou cultivent leurs terres en Cisjordanie et dans la bande de Gaza occupées. Les restrictions militaires d’Israël sur l’activité économique palestinienne en “Zone C” (60 % de la Cisjordanie sous contrôle total de l’armée israélienne) a coûté des milliards de dollars aux Palestiniens. Essayer d’améliorer la “qualité de vie” des Palestiniens sans toucher à l’occupation israélienne c’est vraiment une bonne blague. Ça n’a jamais marché, parce que ça ne peut pas marcher La Banque mondiale estime que “si les entreprises et les fermes avaient le droit de se développer en Zone C, cela augmenterait le PIB palestinien de 35 %’’.» Mais le plan de Kushner ne mentionne pas que la dictature militaire israélienne dans laquelle vivent des millions de Palestiniens met un nombre incalculable d’obstacles délibérés en travers de l’économie palestinienne, ce qui participe à la violence systématique contre la population.
L’auteur conclut : « Non, Jared, ce n’est pas un “problème logistique”, c’est une occupation militaire. De même, le chômage à Gaza est de plus de 50 pour cent, plus de 80 pour cent pour les diplômés de l’université. Cela n’est pas dû à une absence de projet d’“investissement” mais à cause du blocus israélien sur le territoire depuis 12 ans, une autre réalité flagrante que la plan refuse de reconnaître. Il n’y a pas grand-chose d’autre à dire de ce plan, si ce n’est que quiconque nourrit la moindre illusion que le volet politique à venir serait meilleur, devrait se réveiller. Ce ne sera rien d’autre que de la poudre aux yeux pour qu’Israël puisse annexer la Cisjordanie en partie ou en totalité.» (5)
Conclusion
Cette énième tentative d’enterrer le problème palestinien est vouée à l’échec. Nous sommes partis pour un autre centenaire de privation, mais l’occupation israélienne sur les territoires palestiniens consacrés par les résolutions du 22 novembre 1967, doit cesser. La colonisation israélienne c’est 600.000 colons qui ont pris la place des Palestiniens an nom de la loi du retour, partant du fait que les askenazes sont les habitants originels de la Palestine historique. La cause palestinienne est une cause morale, et elle est du bon côté de l’Histoire.
Quel que soit le temps pour rendre justice à ce peuple qui a de loin plus souffert et qui continue à Ghaza à enterrer ses enfants victimes de snipers, il est à espérer que la conscience internationale se réveille et permette à ce peuple qui accepte de vivre sur les 18 % restants de la Palestine originelle de prétendre à une vie de dignité et à donner une perspective à ses jeunes pris en otage dans la plus grande prison à ciel ouvert qu’est Ghaza ! Assurément, la conférence de Bahreïn qui décide du destin d’un peuple en son absence est un coup d’épée dans l’eau. Cette énième tentative d’enterrer un problème de décolonisation n’a pas plus d’avenir que l’accord de la conférence d’Oslo que l’on avait présentée comme étant La solution au problème palestinien.
1.https://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/buying-palestine-peanuts?
2.https://news.gnet.tn/de-villepin-livre-son-analyse-sur-la-politique-americaine-en-palestine-et-en-iran-video/ 26-06-2019
3.https://www.alterinfo.net/notes/Les-Palestiniens-desabuses-par-la-conference-de-Bahrein-sur-le-conflit-au-Proche-Orient_b35156261.html
4.https://www.france24.com/fr/20190628-bahrein-conference-manama-palestiniens-israel-Kushner-etats-unis-plan-trump
5.https://bdsf34.wordpress.com/2019/06/26/ils-pensent-acheter-la-palestine-avec-des-cacahuetes/26 juin 2019