Tout le monde, il est content
Après des négociations marathon à Génève qui ont duré toute la nuit de vendredi à samedi, et une bonne partie de la journée de samedi, on s´acheminait hier vers des résultats en mesure de satisfaire le Nord et le Sud. Ainsi, le conseil général de l´OMC devait annoncer la tenue, à Hong Kong, en décembre 2005 de la prochaine conférence ministérielle avec l´objectif de conclure le cycle de Doha, avec un an de retard. Les Etats-Unis eux-mêmes, qui ont fait durer le suspense sur le maintien des subventions aux produits agricoles, ont salué un préaccord positif «pour toutes les parties». En somme, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. L´accord est un compromis, bien sûr, un compromis obtenu à l´arraché, tant les positions semblaient inconciliables, entre, d´un côté, les pays africains ou le groupe des 20 (Chine, Brésil, Inde) et de l´autre, les Etats-Unis et l´Union européenne, autour justement de la question du dumping pratiqué par les pays riches du Nord en subventionnant les produits agricoles.Le cycle de la libéralisation mondiale du commerce a été lancé par les 147 pays membres de l´OMC à Doha, au Qatar, en 2001. Après l´échec de la conférence ministérielle de Caucun en 2003, autour justement de la question des subventions agricoles, la possibilité de respecter le calendrier d´application avant la fin 2004 semblait compromise. Ce qui fait qu´un pays comme l´Algérie, qui observait de loin cette foire d´empoigne, se demandait ce qu´il était allé faire dans cette galère. Les négociations comportent donc deux volets: l´agriculture et les produits non agricoles. Dans le premier volet, le projet de résolution vise à donner aux pays en développement les meilleures chances de concurrencer les produits des pays riches, quand on sait que les seuls Etats-Unis consacrent annuellement la coquette somme de 3,9 milliards de dollars pour soutenir leurs 25.000 producteurs de coton, au risque de ruiner les 10 millions de producteurs africains. Cependant, dans la nuit de vendredi à samedi, les pays de l´Afrique de l´Ouest étaient parvenus à conclure un accord avec les Etats-Unis: «Il s´agit d´un pas important dans la gestion du dossier coton. Tous les pays concernés s´en réjouissent» a déclaré Ousmane Ngom, ministre sénégalais du Commerce, au nom des pays de l´Afrique de l´ouest.
Mais comme tout se négocie et que les pays industrialisés ne sont ni des saints ni des philanthropes, ils demandent aux pays en développement d´ouvrir davantage leurs marchés aux produits industriels, ... «en contrepartie des concessions faites en matière agricole». Et puis, cerise sur le gâteau, les pays riches veulent la libéralisation du secteur des services, appelant la quarantaine de pays qui ne l´ont pas encore fait à déposer leurs offres.
La mise au point de l´accord n´a été possible qu´en «chambre verte», un petit comité représentant les principaux pays ou groupements (Union européenne, Etats-Unis, G20, G90, G10... ). Mais aussi bien le directeur général de l´OMC, Supachai Panitcpaki que le Japonais Shotaro Oshima, qui préside les tractations, se sont évertués à garder leur optimiste, malgré le fait que l´OMC a raté tous ses rendez-vous du cycle de Doha, et que les négociations ont accusé déjà un an de retard. Et finalement ce sont les champions mêmes du libéralisme, à savoir l´Union européenne d´abord et les Etats-Unis ensuite, qui ont donné du fil à retordre aux négociateurs, au risque de compromettre l´avenir de l´Organisation mondiale du commerce (Omc).