36 millions moins deux
Selon les services de la Protection civile, qui assure la sécurité du littoral algérien, de Ghazouet à El Qala, il y aurait eu quelque 36 millions d´estivants sur nos côtes depuis le début de la campagne estivale. Sans remettre en cause ce chiffre arrondi, on a été cependant frappé par le fait qu´il soit largement supérieur au nombre d´Algériens vivant en 2004, à savoir 32 millions d´âmes toujours en arrondi. A partir de ces deux chiffres, 36 millions et 32 millions d´habitants, on peut faire toutes sortes d´extrapolations et de comparaisons: d´abord nous commençons par constater qu´il y a au moins deux Algériens qui n´ont pas été à la plage cette année: il s´agit des deux journalistes emprisonnés l´un à Djelfa et l´autre à El Harrach, Hafnaoui et Benchicou. Il faut y ajouter bien entendu, pour ne pas faire dans le corporatisme primaire tous les détenus d´Algérie, que ce soit à Serkadji, Tazoult, Boghar ou ailleurs. Ils sont bien quelque trente mille, n´est-ce pas, si ce n´est pas plus, vu le surpeuplement carcéral. Et les personnes alitées, y avez-vous pensé, me direz-vous? Bien sûr . Le ministère de la Santé et de la Population n´ayant pas communiqué leur nombre, on les ajoutera sans donner un chiffre exact. Des centaines de milliers sûrement. Il y a aussi toutes les personnes alitées chez elles, ou chez des parents. Personnes âgées ou tout simplement malades, elles ne peuvent pas bouger de leur lit pour aller se détendre au bord de la mer. Il y a aussi les bébés et les nourrissons, leurs mamans à qui l´on souhaite un prompt rétablissement, et les femmes sur le point d´accoucher. Maintenant, on doit aussi songer à tous les personnels astreints à un travail posté et auxquels l´employeur n´accorde pas un congé d´été, même pas les week-ends. La liste pourrait ainsi indéfiniment s´allonger. On connaît au moins un directeur de journal qui n´a pas encore été à la plage : Ahmed Fattani. Autour de nous, dans le quartier, au bureau, parmi les personnes que nous côtoyons dans le bus ou dans le train, ils sont des millions dans ce cas. On parle bien entendu des personnes qui habitent les villes côtières : Alger, Annaba, Oran, Cherchell, Ténès, El Qala...de vivre au bord de l´eau ne signifie pas obligatoirement aller faire trempette ou s´offrir une bronzette. Alors ne parlons pas des millions d´Algériens qui peuplent les villes ou les douars de l´intérieur du pays. Sans être sorti de Polytechnique, on sait que la grande majorité des Algériens ne vont pas à la plage pour des raisons économiques d´abord. Arrivant difficilement à joindre les deux bouts, pris qu´ils sont tous les jours à courir derrière le pain quotidien, l´idée d´aller à la plage ne leur effleure même pas l´esprit. Beaucoup d´autres n´y songent pas par respect des convenances, des coutumes ou des valeurs religieuses. Aller au bord de l´eau ne fait pas partie de leur mode de vie ou de leurs préoccupations. Bien sûr, lorsque on emprunte les routes qui longent le littoral, on constate bien les embouteillages, on voit bien que les plages sont prises d´assaut, on ne peut pas faire l´impasse sur ce rush et sur l´attrait qu´exerce la grande bleue sur les Algériens, mais franchement lorsque
M. Nazim Bernaoui, du bureau d´information de la Protection civile avance le chiffre de 36 millions d´estivants à mi-saison, on reste un peu perplexe.