La religion peut-elle être amie de l’écologie?
Ceux qui aiment l'ombre fraîche ne plantent pas un seul arbre! Cette expression montre notre rapport à l'environnement. Le désert nous menace, rampant sur le vert ou sur ce qu'il en reste. Et nous, de notre côté, nous rampons vers le nord à la recherche de ce qui reste de l'ombre d'un arbre encore debout, d'un bout d'herbe verte et d'une goutte d'eau claire
Y'a-t-il un rapport entre la religion et l'écologie? Est-ce que les religieux, les croyants sont conscients de la dégradation de l'environnement dans lequel ils vivent?
Je ne suis pas sûr!
Le discours religieux occupe une grande place dans notre vie quotidienne. Il domine tous les autres discours. Il est le plus influent, de loin supérieur aux discours politique, littéraire, scientifique et éducatif. Sur la base de cette présence capitale, le discours produit à l'intérieur de milliers de mosquées, de milliers de salles de prière, de milliers d'écoles coraniques et dans les médias/écho de ces institutions, la religion, d'un point de vue sociologique, peut jouer un rôle exceptionnel dans la préservation de l'environnement. Mais cela ne peut être réalisable, ni pensable, qu'une fois que les producteurs de ce discours religieux adhèrent à cette mission noble et humanitaire liée au destin de la vie sur terre, voire à la vie de la terre elle-même. Malheureusement, le discours religieux dominant ne dénonce en aucun cas le danger qui menace notre terre qui souffre de plus en plus du déséquilibre climatique, de la désertification, de la sécheresse, des inondations, du changement des saisons, de la disparition de nombreuses espèces végétales ou animales. Ce danger environnemental n'est pas fatal; il est l'oeuvre de l'homme assoiffé de pouvoir. Il est le résultat de l'investissement capitaliste sauvage qui n'attend que les profits au détriment de la beauté naturelle et de la vie sur terre. Si l'école considérée comme un passage obligatoire, selon la loi de la République en vigueur, accompagne tous les enfants de la nation jusqu'à l'âge de seize ans, l'institution de la mosquée est présente à toutes les étapes de leurs vies. Elle est l'espace fréquenté assidûment par les nombreux les fidèles cinq fois par jour. Sur la base de cette présence quotidienne, la mosquée, dans la vie du fidèle, est un moyen pour la prise de conscience écologique individuelle et collective. Mais cela ne peut être envisageable ni réalisable que si le discours religieux est en concordance avec son époque.
Notre société dans toutes ses composantes, y compris son intelligentsia, souffre d'un manque immense dans le domaine de culture scientifique et notamment écologique. Un croyant respecté, chez nous, n'est pas forcément un citoyen qui respecte l'environnement, la nature, l'urbanisme, l'hygiène et les animaux. Cela est vérifié dans nos sociétés; dans notre comportement au quotidien, on a des millions de fidèles, et tant mieux, mais nous manquons de citoyens qui prennent la défense de leur environnement.
On apprend au musulman à espérer une belle vie; nature, voisinage et consommation dans l'au-delà, et on lui fait oublier la vie dans ce bas-monde. Le fidèle attend le paradis promis, et tant mieux, mais oublie le paradis terrestre perdu, et c'est dommage. Ali Ibn Ab Taleb a dit: «Travaillez pour votre monde présent comme si vous alliez vivre éternellement et travaillez pour votre monde d'après la mort comme si vous alliez mourir demain». Le musulman n'a pas réussi à régler cette équation du devoir de la construction de la belle vie dans ce bas-monde et la vie paradisiaque proposée dans les textes sacrés. Il me semble que la réalisation d'un tel rêve, c'est-à-dire l'implication de la mosquée dans l'industrie d'un musulman environnemental avec l'éthique et la culture de la préservation et de la défense de la nature, n'est pas impossible. La construction d'un paradis terrestre, sur la terre musulmane, n'est pas utopique, ni étrangère aux traditions des musulmans. Une simple visite en Andalousie musulmane; en méditant sur leur urbanisme; analysant leur système hydraulique, leurs palais, leurs jardins, leurs hammams, leurs mosquées, leurs écoles, leurs lieux de plaisir et de distraction, nous fait découvrir le sens de la beauté et le respect de l'environnement. Si le musulman de l'ère de l'Andalousie, à Grenade ou à Cordoue, sans tomber dans la jubilation ou dans l'utopie, était un croyant écologiste, cela est dû au rapport établi entre la culture musulmane berbéro-arabe et celles des autres religions qui cohabitaient en Andalousie. De retour à notre époque, la région de Beni M'Zab (Palais de Tafilalet) ainsi que dans quelques villages en Kabylie, sont un modèle écologique par excellence, où l'eau, les matières de construction des maisons, les plantes et les animaux sont pris en charge dans une vision communautaire participative, spirituelle et économique qui respecte la philosophie de la défense de l'écologie.La terre est une propriété commune, nous la construisons ensemble comme nous la détruisons ensemble. La terre est notre premier paradis construit par les mains de l'homme avant le paradis fait par Dieu.
Le jour où le musulman commencera à penser faire de son pays, de sa ville, de son village, de son quartier, dans ce bas-monde, un espace à l'image du paradis divin, peut-être alors la prise de conscience environnementale commencera à se former et la résistance à la destruction de la vie sur terre deviendra une culture de la citoyenneté quotidienne.