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Beyrouth va-t-elle renaître de ses cendres ?

Au commencement Beyrouth était la Mecque de la démocratie, le havre de paix et de rêve pour tous les démocrates arabes chassés de leurs pays. Puis, la Mecque des démocrates a été frappée par une malédiction multiple. Les belles choses sont souvent la proie du mauvais œil !
L’élection d’un nouveau président libanais, en l’occurrence Joseph Aoun, mènera-t-elle vers une nouvelle ère pour une nouvelle Beyrouth belle et ravissante ?
Depuis plus d’un siècle, dans l’imaginaire arabe et maghrébin, l’image de Beyrouth incarne le sens de la culture, de la poésie, de la musique dans ses dimensions modernes et raffinées. Avant la guerre civile, Beyrouth rêvait et œuvrait pour vivre à l’heure du monde moderne. Depuis les années cinquante jusqu’au milieu des années soixante-dix, tout ce qui se produisait, dans et pour le monde arabe, en culture, en poésie libre, en musique moderne, parvenait essentiellement de Beyrouth : les revues littéraires modernes, les théories de la critique littéraire, la traduction des idées et théories philosophiques nouvelles, la mode.
Certes, ce n’était pas uniquement les libanais qui produisaient ces richesses, mais cet espace libre était ouvert aux voix de l’intelligentsia arabe et maghrébine d’après-guerre. Dès qu’un écrivain, un journaliste ou un politicien se sentait menacé ou muselé dans son pays, à cause des traditions archaïques ou de la répression idéologique, il trouvait en Beyrouth un refuge. Beyrouth était la maison des lumières, la maison de tout le monde.
Toutes les expériences modernes qui ont secoué l’histoire de la littérature et de la pensée dans le monde arabe et arabisé ont débuté à Beyrouth ; dans ses maisons d’édition, ses cafés, ses journaux, ses revues, ses studios d’enregistrement musical. Avec tout ce qu’elle avait d’intelligence, de créativité, de liberté, de savoir-faire dans le domaine culturel, Beyrouth suscitait de la jalousie dans les cœurs de beaucoup de villes assises sur les rives de la Mediterranée, de la mer Rouge, ou sur les bords des fleuves : le Tigre, l’Euphrate et le Nil, ou installées sur le sable chaud du désert. Toutes les villes étaient jalouses de Beyrouth. Le pain de Beyrouth avait un autre gout, pétri d’un autre blé !
La bière locale beyrouthine avait une mousse magique. L’art de la table, dans les restaurants comme dans les maisons, était la création des mains exceptionnelles.
Une tasse de café siroté dans un café beyrouthin ou sur une terrasse animée par les débats qui ne se terminent jamais ; politiques, littéraires et philosophiques, avait une saveur unique comme si les grains de café étaient récoltés dans des fermes rares.
Dans l’imaginaire arabe et maghrébin, l’image de Beyrouth ressemble aux villes de l’Odyssée et de l’Iliade, où cohabitent les dieux, les demi-dieux et les humains.
Une voix rare et lointaine, remontant au début du vingtième siècle, a offert à Beyrouth l’image d’une ville libre et libérée, c’est la voix de Gibran Khalil Gibran. Lui seul représentait toute une école littéraire qui a influencé toutes les générations littéraires pendant plus d’un siècle, et continue à inspirer jusqu’à aujourd’hui. Gibran Khalil Gibran incarnait l’image de l’écrivain libéré de tous les poids de l’Orient religieux, sociaux et linguistiques. Il était un « prophète » dans la littérature. Si les déserts d’Orient étaient la terre natale de tous les apôtres et les prophètes, Beyrouth ville côtière avait son prophète : Gibran Khalil Gibran.
Tout comme les textes sacrés ; le Coran et la Bible, les livres de Gibran ont influencé des millions de lecteurs fidèles, et à titre d’exemple son œuvre la plus célèbre, Le Prophète, réalise chaque année, dans le monde, des ventes exceptionnelles, rivalisantavec les ventes de la Bible et du Coran. Sans doute, la voix unique de la diva Fayrouz et sa personnalité mystérieuse et mystique ressemblant à la Sainte Marie, avec son aura prophétique en interprétant certains textes de Gibran Khalil Gibran et autres, ont renforcé l’image légendaire de Beyrouth dans l’imagination au Moyen- Orient et en Afrique du Nord. Beyrouth avait la vertu d’être la pionnière de la modernité dans la poésie arabe, même si beaucoup de ces poètes qui représentaient cette modernité venaient de Bagdad, du Caire, de Damas et de Khartoum, mais tous, sans exception aucune, ont trouvé dans cette ville leur havre littéraire. À Beyrouth sont apparues les premières revues qui ont embrassé la voix de la modernité dans la poésie, tels que la revue Shiar (Poésie) créée et dirigée par Youcef Al Khal ou Mawaqif créée par Adonis ou Al-Adab de Souheil Idriss ou Attaliaâ (L’Avant-garde) ou Al Balagh de Georges El Rassi ou Al-Hadatha de Farhan Salah et d’autres tribunes dans lesquelles les voix d’écrivains sans voix se rencontraient. L’image de Beyrouth est liée à la liberté individuelle et collective protégée et préservée : politique, religieuse, sociétale et linguistique. Beyrouth c’est aussi le poète polémique Saïd Aql, un intellectuel casseur de tous les tabous, linguistiques, politiques et philosophiques. Grace aux traductions en arabe publiées par la maison d’édition Al Adab à Beyrouth, Le monde arabe a connu l’existentialisme comme courant philosophique et littéraire. Parce que Beyrouth était la source de cette beauté et de cette révolution culturelle profonde et douce, elle a dû payer le prix. Ainsi, les armées des démons arabes l’ont attaquée de tous les côtés. Ils l’ont envahie, montant toutes sortes de chars : le char de la religion politique, le char du panarabisme, le char de la secte Attaifa et le char de l’argent sale.
La guerre civile déclenchée, les revues, les maisons d’édition, les journaux, les salles de cinéma, les théâtres, les cafés… un par un sont morts. À leur place sont nées des chaînes de télévision de propagande idéologique ou religieuse ou de consommation artistique artificielle. La modernité à échoué face à la montée de l’obscurantisme, l’islam politique, le tribalisme el a3ssabiya et le sectarisme.
Aujourd’hui, Beyrouth est-elle capable tel le phénix de renaître de ses cendres ? Je pense, cette fois-ci, ce qui pourra sauver le Liban c’est sa communauté installée à l’étranger, aux quatre coins du monde, et qui est supérieure en nombre à la population de l’intérieur du pays. Une communauté très attachée à son pays, qui observe de près tout ce qui se passe dans le quotidien du concitoyen.

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