L'Expression

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Le monde vit sur un volcan qui peut entrer en éruption à tout moment

Une guerre nucléaire est-elle envisageable?

Depuis le début de la crise ukrainienne, l'emploi de l'arme nucléaire est de nouveau agité sans tabou, par les chefs d'État les plus puissants du monde. La Russie se dit prête à utiliser «tous ses moyens» de défense, y compris nucléaires, pour se «protéger». À ces déclarations répondent les mises en garde américaines, le président Biden ayant même parlé d'«apocalypse». Selon les milieux occidentaux, la Russie serait tentée ou même se préparerait à mener des frappes en Ukraine avec des armes nucléaires de théâtre (le territoire américain est hors de portée de cette catégorie d'armes). Cette idée est appuyée par un argument sans cesse ressassé, celui des difficultés que connaîtraient les troupes russes engagées sur le front ukrainien. Leurs déboires rendraient le recours à l'arme nucléaire possible et envisageable.

Dans cette atmosphère délétère, l'Ukraine, qui a remis à la Russie, en 1994, les armes nucléaires déployées sur son territoire quand elle faisait partie de l'Urss, est accusée de préparer une bombe radiologique, dite communément «bombe sale», pour l'utiliser contre les troupes russes. Ceci constituerait une escalade inacceptable pour Moscou qui aurait recours aux armes nucléaires de théâtre. Un tel développement pourrait être l'amorce d'une marche du monde vers l'abime. Seules deux puissances, les États-Unis et la Russie, sont en mesure d'écrire ce scénario de l'«apocalypse».EIles possèdent plus de 90% des stocks d'armes nucléaires soit de quoi détruire plusieurs fois la planète. Comparés à eux, les autres États dotés de l'arme nucléaire, de juré (Chine, France, Grande-Bretagne,) ou de facto (Inde, Israël, Pakistan et Corée du Nord) sont des puissances nucléaires mineures.
Ce n'est pas la première fois que le monde est menacé d'une guerre nucléaire et chaque fois en raison de différends entre Washington et Moscou. Ce fut le cas lors de la crise des missiles de Cuba en 1962. Cette fois-ci c'est la crise ukrainienne qui est mise en avant. En fait, l'humanité est l'otage des deux puissances nucléaires qui viennent de raviver la guerre froide. Elles ont deux visions du monde incompatibles: les Etats-Unis et leurs alliés veulent maintenir un ordre mondial que l'Occident domine depuis cinq siècles et que Washington régit sans partage depuis la chute du mur de Berlin. La Russie (mais aussi la Chine et beaucoup de pays du Sud) renaissant des cendres de l'Urss, prône l'avènement d'un monde multipolaire plus juste et plus égalitaire. L'humanité se trouve dans une phase historique dangereuse qui rappelle cette citation d'Antonio Gramsci: «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres». Dans les paragraphes qui suivent, nous allons aborder quelques points pour essayer de voir comment le monde est arrivé de nouveau au bord de la guerre nucléaire.
L'apparition de l'arme nucléaire
Le 17 juillet 1945, le président Harry Truman qui avait succédé à Franklin D. Roosevelt, se trouvait à la Conférence de Postdam quand il apprit le succès du premier essai nucléaire américain. Il s'empressa d'annoncer à Staline (qui avait ses informateurs au sein du Projet Manhattan) que les Etats-Unis disposaient désormais de l'«arme absolue», seule capable de détruire toute civilisation humaine ainsi que l'écosystème tout entier de la planète. Il fit la démonstration de la toute nouvelle puissance américaine les 6 et 9 août 1945 en lançant deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki.
Les Etats-Unis ne gardèrent pas longtemps le monopole de l'arme nucléaire. En 1949, en pleine guerre froide, l'Urss réussit son premier essai à Semipalatinsk (Kazakhstan). Ce fut le début d'une course vers l'abîme à laquelle participèrent d'autres pays: la Grande-Bretagne en 1953, la France en 1960 et la Chine en 1964. Ces cinq pays forment depuis 1970 le club des États dotés de l'arme nucléaire (Edan), un statut qui leur a été octroyé par le Traité sur la Non-prolifération (TNP). -Il faut ajouter l'Inde (1974), Israël (1967), le Pakistan (1998) et la Corée du Nord (2006) qui sont des Etats dotés de l'arme nucléaire de facto.
La prévention de cette prolifération horizontale (multiplication des États nucléarisés militairement) a retenu très tôt l'attention de la communauté internationale. La toute première résolution adoptée par la nouvelle Assemblée générale des Nations unies, lors de sa réunion à Londres (avant de déménager vers New York), traite de cette question. Une Commission de l'énergie atomique (CEA) fut même créée avec pour objectif d'arrêter la course vers l'horreur. En vain! Les proliférations horizontale et verticale (création de bombes atomiques -«A»- de plus en plus puissantes et surtout de la bombe «H») se poursuivirent. Au milieu des années 1980, les arsenaux comptaient près de 80.000 ogives essentiellement détenues par les Etats-Unis et l'Urss. Cette prolifération fait que des régions entières peuvent connaître des crises nucléaires susceptibles de se transformer à tout moment en guerres dévastatrices: le subcontinent indien, la péninsule coréenne, le Moyen-Orient, mais aussi et même surtout l'Europe depuis le début de la guerre en Ukraine dont les enjeux sont planétaires. Cependant, les Etats-Unis et la Russie sont les principaux ordonnateurs de ce bal macabre. Ils sont les seuls à avoir depuis longtemps la capacité de détruire la planète. À ce titre, ils endossent une responsabilité particulière en matière de désarmement et de maintien de la paix et de la sécurité internationale.
Les efforts de désarmement
À l'occasion de la Détente qui a suivi la crise des missiles de Cuba en 1962, les deux grandes puissances nucléaires ont décidé de faire face à leurs responsabilités. Elles ont commencé à construire une architecture de contrôle des armements et de désarmement. Au plan bilatéral, elles ont signé Salt I (traité sur la limitation des armes stratégiques) en 1972. Cet instrument de maîtrise des armements comprenait deux parties:
· Un accord intérimaire sur la limitation des armes stratégiques offensives (portée supérieure à 5.500 km) d'une durée de cinq ans;
· Un traité sur la limitation des systèmes antimissiles balistiques dit traité ABM d'une durée illimitée. Il permettait à chacune des deux parties de garder 100 missiles seulement et de protéger un seul site (Moscou pour l'Urss et un site de missiles intercontinentaux situé dans le Dakota du Nord pour les Etats-Unis). Cet instrument devint la pierre angulaire de la parité stratégique entre les deux puissances.
Salt II, qui limita quantitativement et qualitativement les armes stratégiques, fut signé en 1979, à la fin de la Détente. Bien que le Sénat américain ait refusé de le ratifier, suite à l'entrée des troupes soviétiques en Afghanistan, il fut respecté par les deux parties.
Malgré leurs aspects positifs, comme, par exemple, l'introduction de la vérification, qui est une mesure de confiance incontournable en matière de désarmement, les Salt laissèrent la porte ouverte à la course aux armements. Celle-ci se manifesta au niveau des missiles de portée intermédiaire (500 à 5.500 km) et en Europe dont la sécurité a toujours été garantie par le parapluie américain. Cette sécurité avait été mise en péril, vers la fin des années 1970, par le déploiement des nouveaux missiles soviétiques SS-20. Les Etats-Unis répliquèrent par le déploiement des missiles Pershing. Ce qui fut connu comme la crise des euromissiles,laquelle prit fin par la signature du traité FNI (INF en sigle anglais = Intermediate-range Nuclear Forces Treaty) le 7 novembre 1987.
Conclu entre les Etats-Unis et l'Urss, cet important instrument interdisait le déploiement au sol des missiles de portée intermédiaire (ceux embarqués à bord d'avions et de sous-marins n'étaient pas concernés). Malgré le retour de la guerre froide en 1979 et les bouleversements qui suivirent la chute du mur de Berlin, les Etats-Unis et l'Urss puis la Russie vont passer de la limitation des armements au désarmement, soit à la réduction des stocks nucléaires.
Le premier traité de réduction des armes stratégiques (Start), signé en 1991, a été ratifié par les deux parties en 1994, sous la Fédération de Russie. Le dernier Start est entré en vigueur en 2011 pour une durée de dix ans, avec la possibilité de le prolonger de cinq ans. Il a réduit drastiquement les arsenaux des deux grandes puissances en plafonnant le nombre d'ogives nucléaires stratégiques déployées à 1.550 et celui des vecteurs de la triade nucléaire à 800. Un nouveau système d'inspection et de vérification a introduit plus de confiance entre les deux parties. Une confiance qui n'allait pas tarder à subir les avatars des relations entre l'Otan (les Etats-Unis) et la Russie après l'arrivée au pouvoir du président Vladimir Poutine qui a entrepris le redressement de la puissance russe au début des années 2.000.
Les noeuds gordiens dans les relations entre l'Otan et la Russie
Les Etats-Unis entendent continuer à régenter l'ordre mondial alors que la Russie milite ouvertement pour un monde multipolaire. Ces visions divergentes exacerbent les relations entre les deux pays qui s'opposent sur plusieurs questions importantes:
· Le bouclier antimissile, déployé par les Etats-Unis en Roumanie et en Pologne, est considéré par la Russie comme une arme offensive destinée à amoindrir sa force de dissuasion.
· Moscou récuse le rôle planétaire que Washington veut faire jouer à l'Otan en la faisant intervenir en dehors de son théâtre d'opération.
· L'élargissement de l'Otan vers l'Est, contrairement aux promesses faites à l'Urss lors de la réunification de l'Allemagne, ainsi que le prépositionnement de troupes occidentales et de matériels lourds aux frontières de la Russie sont considérés comme des agressions permanentes contre le territoire russe. Cet endiguement qui rappelle les moments les plus dramatiques de la guerre froide, a toujours été mal vécu par Moscou qui ne s'en cachait pas et s'en impatientait. Une première réaction violente à cette politique occidentale fut l'envoi, durant l'été 2008, des chars russes en Ossétie du sud pour mettre fin au projet de la Géorgie d'adhérer à l'Otan. Cette alerte ne fut pas retenue par l'Occident qui poursuivit sa politique d'avancée vers l'Est, multipliant les interventions en Ukraine et en Mer noire où se trouve le quartier général de la seule flotte qui permet à la Russie d'avoir accès aux mers chaudes.

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