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M'Hand Berkouk, expert en géostratégie, à L'Expression

«Nos jeunes sont sujets à des manipulations»

Rencontré en marge du Forum intergénérationnel pour soutenir l’action arabe commune qui se tient à Oran, l’expert en géostratégie, M’Hand Berkouk revient, dans cet entretien, sur les incertitudes planant sur le monde d’aujourd’hui et de demain.

L'Expression: Peut-on résumer l'enjeu de ce forum de la société civile et son impact à court et à long terme?
M'Hand Berkouk: La conférence est organisée par l'Observatoire de la société civile en Algerie. Elle regroupe un certain nombre d'intellectuels, d'anciens responsables du monde arabe dans un contexte assez particulier, à l'aune de la tenue du sommet d'Alger. Ce sommet abordera un certain nombre de défis, notamment la question palestinienne, mais surtout les dissensions au sein de la nation arabe. Le sommet sera également une occasion d'aborder un certain nombre de questions, notamment celles liées aux mutations mondiales et leurs impacts sur cette région. Le monde arabe fait partie de la zone d'intérêts des grandes puissances où la compétition stratégique, notamment entre quatre grandes puissances du monde à venir, à savoir les USA, l'Union européenne, la Chine, la Russie, dessineraient non pas seulement les priorités de nos pays, mais surtout impacteraient les différents choix auxquels nos pays feront face. Au troisième volet du programme, la prise en charge des populations, notamment les franges jeunes par rapport à ces questions, d'où cette dimension d'inter-générations. Je serai le modérateur du deuxième panel sur les questions liées aux mutations mondiales. Les mutations mondiales ne sont pas seulement la guerre en Ukraine. Les opérations militaires russes constituent un facteur accélérateur de ces mutations. À lire la boussole stratégique de l'Union européenne de mars 2022, à lire le 4e concept stratégique de l'Otan de juin 2022, à lire la stratégie maritime navale russe du mois d'août 2022, à lire les grandes tendances 2040 du conseil américain du renseignement, on conclut que la zone arabe serait, en quelque sorte, la deuxième zone de compétition stratégique à travers le monde avec l'Asie pacifique. Malheureusement, cette zone est livrée à une certaine dualité: entre ceux qui prônent la volonté de reprendre les initiatives par rapport à la question palestinienne et ceux qui veulent normaliser avec l'entité sioniste. La deuxième contradiction est que le monde, notamment l'Occident, essaye de sécuriser ses approvisionnements énergétiques par rapport à cette région sans pour autant prendre des initiatives par rapport à la stabilité de cette région. On voit de plus en plus des pays qui vivent dans l'insécurité et l'instabilité. Outre le Yémen, la Syrie ou la Libye, d'autres pays sont devenus fragiles, à l'instar du Liban, de l'Irak, y compris notre voisin la Tunisie. Par ailleurs, il faut dire que les pays arabes subissent une certaine mutation sans pour autant essayer de trouver un engagement collectif par rapport aux défis communs.

Tous ces enjeux et toutes ces questions importantes sont-ils à imprégner aux générations montantes? Comment leur transmettre cette responsabilité? Comment sécuriser la nation à travers la sensibilisation de la société civile?
À lire aussi la composante des intellectuels présents à ce colloque, il s'agit des faiseurs d'opinions, des universitaires, des chercheurs, des directeurs des centres de recherches, ayant cette capacité d'orienter l'opinion publique et une certaine influence sur des choix politiques. Dans la conception américaine, notre région est un couloir stratégique qui va de la Floride jusqu'au Bangladesh, d'où le fameux «Grand Moyen-Orient de George Bush. Pour les USA, cette région a connu quatre doctrines américaines. Aujourd'hui on fait face au retour aux doctrines précédentes, celles d'Eisenhower de 1958 par rapport à la protection du régime ami et surtout par rapport à la doctrine 1980-1990 relative à la sécurisation énergétique. Cette région est aussi un couloir commercial potentiellement stratégique pour la Chine, via la «route de la soie». Il s'agit de l'extension de cette politique d'influence de l'Union européenne en l'occurrence la politique du bon voisinage, mais aussi par rapport à cette politique d'être présente en tant que puissance visible dans notre région. Pour l'Otan, dans la 4e concession stratégique, l'article 11 définit cette zone comme région d'intérêts vu les menaces potentielles. Donc, nous sommes pratiquement en face d'actions prospectives potentielles. Malheureusement, cette notion d'intergénérationnalité fait face à deux grands problèmes. Le premier est que nos élites n'ont plus cette capacité de fédérer les visions, les points de vue. Les élites dans le monde arabe sont pratiquement divisées dans leurs analyses des réalités, mais surtout par rapport aux choix liés, notamment à des conceptions nationales restreintes. Elles ne sont pas nécessairement compatibles avec d'autres. La deuxième chose est que nous subissons pratiquement ce qui est produit ailleurs.

Les Arabes sont aussi divisés concernant aussi bien la question palestinienne que la cause sahraouie?
Pour la question palestinienne, il y a pratiquement une contradiction entre le discours officiel et la réalité. Alors que certains pays ont, ou ont l'intention de, normaliser leurs relations avec l'entité sioniste, d'autres essayent de revoir leur position par rapport au plan d'action de Beyrouth de 2002 qui est dépassé et doit être revisité au vu des mutations actuelles. Concernant les questions de sécurité, le programme nucléaire iranien est un programme civil. Il est défini dans le cadre de l'article 4 du traité de la non- prolifération du nucléaire qui donne droit à tous les pays d'avoir cette capacité de développer la technologie nucléaire à usage pacifique. Contrairement à Israël qui adopte une stratégie d'ambiguïté en tant que puissance nucléaire. Par rapport à la question palestinienne, un certain nombre de pays arabes constituent un obstacle à un règlement compte tenu de leur engagement immoral, notamment le Maroc. La cause sahraouie est une question qu'on doit essentiellement résoudre dans le cadre des Nations unies. La Ligue des États arabe n'a jamais traité de cette question. Elle essaye toujours de l'éviter pour qu'il n' y ait pas de dissensions lors des différentes réunions aux Sommets de la Ligue arabe.

Les menaces sont évolutives, aujourd'hui on parle de la protection de l'espace digital.
Il faut dire qu'aucun pays du monde arabe n'a cette souveraineté numérique. Il s'agit d'un grand défi auquel sont confrontés tous les pays du monde. Hormis les USA qui dominent par leurs grandes puissances comme Google, Apple, Facebook, Amazone et Microsoft ayant un capital de plus de 9000 milliards de dollars en 2021, seule la Chine essaye de produire des alternatives par ses compagnies des BITX. Les Européens butent à minimiser leur dépendance par rapport aux Etats-Unis, notamment en ce qui porte sur le domaine de l'infrastructure ou dans le domaine de la logistique ou encore dans le domaine des contenus. Pour le monde arabe, l'alternative est dans la production du contenu. Car le domaine de l'infrastructure est dominé par les USA et la Chine. La logistique est essentiellement dominée par les Américains. De ce fait, nos jeunes sont pratiquement livrés à des schémas de manipulations, de propagande, disons même de récupération et d'embrigadement. Il suffit juste de voir le nombre de personnes recrutées par Daesh entre 2014 et 2016: 30000 à l'échelle mondiale, dont environ 2000 en Libye, 1500 au Maroc, plus de 3000 en Tunisie. Tout un potentiel non pas de nuisance, mais de menace pour ces pays. Certains pays ont pris conscience en créant des mécanismes de sécurité informatique et de cyberdéfense. Cependant, on est toujours vulnérables lorsqu'on est dépendant dans le domaine de l'infrastructure.

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