L'Expression

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Ils sont «parkingueurs» ou plagistes, ils rackettent les citoyens et dictent leur loi en toute impunité

Les «maîtres» des plages

Il suffit que le soleil pointe le bout de son nez pour que la «mafia des plages» sorte de son hibernation. Elle a fait son grand retour, encore plus méchante qu’avant avec de nouveaux tarifs et de nouvelles pratiques qui gâchent la vie des estivants…

Chien de garde, matraque et couteau à portée de main! Le soleil vient de se lever, Bilel se prépare pour aller au travail. Il n'est pas agent de sécurité dans une grande usine et encore moins gardien de prison, mais...plagiste. Oui, oui, il s'occupe de «l'accueil» des estivants au niveau d'une plage de l'est de la capitale. Torse nu, pochette accrochée sur le bras, ce jeune homme des plus désagréables est la caricature même du parfait «squatteur des plages». Très tôt le matin, il commence à «marquer» son territoire. Il installe ses parasols, tables et chaises au bord de la mer, s'adjugeant ainsi les endroits les plus stratégiques. Gobelet de café dans une main, boisson énergétique «made in bladi» dans l'autre, il fait le tour de «sa» plage lançant des regards méchants à ceux qui ne se soumettent pas à sa loi! Il tente alors de les intimider. Ceux qui «n'abdiquent» pas ont droit au méchant «toutou». Le molosse fait le tour du parasol avec le même regard que son propriétaire. Pour les plus «tenaces», c'est l'affrontement! Bagarre, insultes et toutes sortes de menaces fusent de partout jusqu'à ce qu'un de leurs amis vienne calmer les esprits. Mais c'est déjà trop tard, la journée est gâchée...Il s'agit là d'une journée type d'un estivant algérien souhaitant profiter un peu de la grande bleue. Sa journée de détente se transforme vite en un véritable cauchemar. Elle peut même parfois mal finir, comme avec ces nombreux pères de familles qui ont perdu la vie après s'être «frottés» à la «mafia des plages». Aucun incident de ce type n'a été signalé cette année, mais ça ne saurait tarder. Car, ces «racketteurs» semblent avoir pris confiance en eux cette année. Ils n'ont peur de rien. Ils ne font même plus semblant d'être gentils comme par le passé, où ils venaient enlever leurs parasols quand une famille voulait installer le sien. Aujourd'hui, ils se contentent seulement de vous répondre que «c'est réservé» avant de vous inviter à vous plaindre auprès du président de la République. «Achki limane habite, el Tebboune ida habite» (plains-toi à qui tu veux, même à Tebboune, ndlr), lancent-ils sous les regards passifs des services de sécurité.
Le profil type
La plage des Canadiennes, à Aïn Taya, 30 kilomètres à l'est d'Alger, symbolise cette décadence. Il n'y a pas si longtemps, elle était considérée comme l'une des meilleures plages de la capitale. Pas seulement par son panorama, mais surtout à cause de la sécurité qui y régnait. Seules ou en famille, les jeunes filles ne s'y faisaient jamais embêter. En maillot ou en burkini, elles nageaient en toute tranquillité sans avoir à s'inquiéter. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Même les jeunes en groupe s'y sentent mal à l'aise, pour ne pas dire ont peur des «têtes» qu'ils trouvent au parking où à la plage. Dès qu'on prend les escaliers, toujours aussi mal fichus, de cette plage, on est interpellé par une forte odeur de cannabis. Les plagistes viennent ensuite vous harceler avant de vous «inviter» à vous installer «dans le coin là-bas». Gare à celui qui refusera! Ce qui s'est passé samedi dernier témoigne de ce «malaise». Des estivants venus piquer une tête se sont retrouvés au milieu d'affrontements entre la bande du parking et celle des parasols. C'était une véritable bataille rangée comme celles qu'on voit dans les quartiers chauds d'Alger dans les nuits les plus sombres de l'hiver. Armes blanches, piquets de parasols et autres pierres fusaient de partout. On a même eu droit aux lancers de fumigènes. Se retrouvant au milieu des hostilités, certains estivants ont été blessés. D'autres se sont fait piétiner par la foule prise de panique qui tentait d'échapper à ces «émeutes».
Ils reviennent au... galop
Une véritable catastrophe. Après ce qui s'est passé, avant- hier, aux Canadiennes, les gendarmes sont intervenus pour saisir les parasols des protagonistes. Mais comme à l'habitude, ils sont revenus dès que les éléments, dépêchés spécialement pour cette mission, ont quitté les lieux. Pis encore, même si cette plage est nettoyée de sa «racaille», ce sera une goutte d'eau dans un océan. Car, presque toutes les plages du pays, et particulièrement celles de la capitale, sont devenues des «no man's land»...«Il y a un seul mot pour décrire ce que subissent les estivants, c'est du racket», peste Saïd qui venait de finir de se faire déplumer. «J'ai payé 1700 dinars rien que pour pouvoir m'installer sur le sable», assure ce salarié qui voulait faire une petite bronzette au niveau de la plage de La Pérouse qui se trouve à quelques encablures de son domicile. «Dès que je suis arrivé, le parking m'a arnaqué en me faisant payer 200 dinars alors que sur son ticket c'est 100 dinars», rapporte t-il en faisant savoir que cette pratique était répandue puisqu'il a eu droit à la même chose aux Canadiennes (Aïn Taya) et à Palm Beach (Staoueli).
1500 dinars la «place»!
«Je pensais alors que je n'allais pas subir le même sort au niveau de cette plage plutôt tranquille, mais je me trompais», poursuit-il avec beaucoup de colère. Son cauchemar ne s'arrêtait pas là puisque même s'il est arrivé tôt le matin, il a trouvé les parasols déjà installés aux premières loges. «Le plagiste m'a informé que c'était des places réservées», indique t-il assurant qu'il avait «piqué» une colère noire. En vain! Les places de devant sont «payantes». Saïd assure que le plagiste ne voulait rien savoir, lui proposant une place au milieu du chemin emprunté par tous ceux qui voulaient piquer une tête. Il finit par céder. Il paye 1500 dinars pour un parasol, une table et quatre chaises! « C'était çà ou gâcher la sortie de mes enfants», avoue celui qui s'interroge sur ce que font les services de sécurité, du fait que ces pratiques s'opèrent au su et au vu de tout le monde. Malik, lui, par contre, s'interroge sur l'adresse des plages qu'il voit dans le JT de 20h et les promesses du ministre du Tourisme.  «Vivons- nous dans le même pays? On parle de plages gratuites, où sont-elles?», peste t-il en assurant que chaque estivant paie un minimum de 500 dinars juste pour accéder à la plage. «Cela au moment où l'on a le droit à aucun service ni prestation digne de ce nom. Dans ce cas, je préfère qu'ils autorisent des plages privées, au moins on sait pourquoi on paye», rétorque-t-il avec la même colère.
«Il faut sonner la fin de la récréation»
Un avis que partage Lamia. Cette jeune cadre dans une multinationale admet qu'elle se sent obligée de louer à chaque fois un parasol pour «acheter» sa tranquillité. «Je viens avec des copines, j'ai compris que si je louais chez eux les parasols ils ne laisseraient pas les gens nous embêter, si ce n'est pas le cas ce sont eux qui viennent le faire...», avoue-t-elle avec beaucoup d'amertume. Résultat des courses: elle a acheté un parasol très cher, une table de chez Décathlon, qui sont rangés dans la...voiture. Amine, c'est lui qui ne sort plus de la voiture. «J'ai toujours aimé la plage, mais ce genre de comportement me l'a fait détester. Je me retrouve à chaque fois en train de me battre avec cette mafia, quand je l'ai dénoncée, c'est à la limite que l'on ne me dise pas que j'ai tort», dit-il avec beaucoup de rage. Une situation qui a fait qu'il n'a pas mis les pieds dans une plage en Algérie depuis plus de 5 ans. Saïd, Malik, Lamia, Amine ne sont qu'un petit reflet de millions d'Algériens qui se font pourrir leurs vacances par une «mafia» qui ne dit pas son nom. Malgré les crises de colère des Algériens, ils continuent leur sale besogne en toute impunité. Ils sont même en train de prendre de plus en plus confiance en étant les seuls maîtres à bord. Il est temps de dire «basta!...»

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