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Latifa Turki-Liot, membre du conseil national de la PME dit tout sur l’industrie automobile

«Les grandes firmes attendent de la visibilité»

C’est dans un contexte de frémissement économique très attendu après la parution du nouveau Code des investissements, que Latifa Turki-Liot, présidente de l’Upiam, (Union nationale professionnelle de l’industrie automobile et mécanique), intervient pour «dépoussiérer» certains dossiers.

Il s’agit, notamment du feuilleton de l’automobile qui a fait couler beaucoup d’encre. Peut-on espérer que ce dossier qui a consommé au moins quatre ministres, redémarre à la faveur de cette nouvelle donne économique ? Soyons très attentifs à ce que dit cette spécialiste du secteur . Dans cet entretien, elle laisse entendre qu’il ne faut surtout pas croire à une bousculade au portillon des constructeurs automobiles. Réaliste, Latifa Turki-Liot, estime qu’il s’agira plutôt d’une rude bataille économique maintenant que la donne a totalement changé avec l’abrogation de la règle des 51/49. «Les constructeurs iront donc spontanément, dans le cas où la production redémarre, mobiliser leurs équipementiers et sous-traitants afin qu’ils s’installent sous forme de filiales», explique-t-elle avant d’avertir que les sous-traitants locaux auront de grandes difficultés à s’imposer face à des sociétés qui sont déjà dans le panel du constructeur. L’autre réalité est que nos voisins ont déjà une base industrielle performante vis-à-vis des constructeurs. L’enjeu est donc d’accompagner les autorités et inciter ces équipementiers de rang à venir puis investir les filières dont ne disposent pas nos voisins et dans lesquelles nous pourrons être compétitifs. Il faut donc tout refaire et la présidente de l’Upiam suggère de ne pas répéter les mêmes erreurs : «Contrairement aux annonces qui sont faites ici et là, je dis que pour le redémarrage du secteur (la production, implantation de nouveaux constructeurs, etc.), il faut compter au moins 3 ans si toutefois les décisions sont prises dès cette année»…

L'Expression: Vous avez annoncé lors de l'inauguration du Salon Plast Alger, qui a lieu récemment à Alger, que l'Upiam devient l' «Union des professionnels de l'industrie algérienne et manufacturière». Est-ce à dire que vous abandonnez le secteur automobile?
Latifa Turki-Liot: Absolument pas. À vrai dire, un travail important a été mené entre 2017 et 2018 par l'Upiam, afin de pousser nos membres, qui, en tout état de cause, interviennent sur tous les pans de l'industrie, à investir dans l'industrie automobile. Nous avions à ce moment-là une dynamique industrielle dans ce secteur qui pouvait justifier de les mobiliser de façon à ce qu'ils orientent leurs investissements dans cette industrie.
Le secteur automobile est toutefois à l'arrêt depuis maintenant trois ans.
Continuer à leur faire espérer que dans les trois prochaines années ils pourraient optimiser leurs investissements dans ce secteur, c'est leur mentir et leur faire espérer des projets qui n'auraient pas lieu.
Dans l'attente, nous avons fait le choix de nous concentrer sur les filières industrielles telles que la plasturgie sur laquelle l'Algérie a de réels atouts compétitifs, mais aussi toutes les filières industrielles qui peuvent apporter une réelle valeur ajoutée et s'inscrire dans une logique industrielle à l'export.
Quand viendra l'heure de l'industrie automobile, nous nous remettrons en ordre de marche dans ce sens.

Pourquoi êtes-vous aussi catégorique sur l'avenir de l'industrie automobile?
Je ne suis pas catégorique mais pragmatique et factuelle. Dans les faits, on est en train de reprendre tout à zéro. C'est une page blanche. Si on veut aller dans cette industrie et on n'a eu de cesse de le répéter, il est nécessaire d'avoir un volume de production de véhicules suffisant pour pouvoir justifier la mise en place d'un écosystème automobile.
Nous avions entrepris en 2018 une production de 400 000 véhicules à terme, avec plusieurs constructeurs, mais nous sommes revenus au point zéro. Seul Renault continue à oeuvrer dans cette industrie sans compter toutes les difficultés qu'elle rencontre.
Je ne dis pas qu'il n' y a pas de projection dans ce secteur, je dis que contrairement aux annonces qui sont faites ici et là, cette projection est lointaine (redémarrage de la production, implantation de nouveaux constructeurs, etc.). Il faut compter au moins trois ans avant que cette industrie ne reprenne sur le plan pratique et opérationnel pour les sous-traitants si toutefois les décisions sont prises dès cette année...
J'ajoute que la donne a totalement changé. La loi 51-49 est abrogée (sauf pour les secteurs dits stratégiques donc exclut l'automobile). Les constructeurs iront donc spontanément, dans le cas où la production redémarre, mobiliser leurs équipementiers et sous-traitants afin qu'ils s'installent sous forme de filiales. Autant dire que les sous-traitants locaux auront de grandes difficultés à s'imposer face à des sociétés qui sont déjà dans le panel du constructeur. Là encore, nous ferons des propositions en temps voulu quant à la démarche à adopter afin d'intégrer nos sous-traitants face à cette nouvelle concurrence.

Mais il y a aussi tout le marché de la pièce de rechange?
Nous avons eu l'occasion d'intervenir et même d'animer une table ronde au Cnese, l'année dernière, dans laquelle nous avons expliqué en détail comment fonctionne le marché de la pièce de rechange.
Nous avons à ce titre rappelé ce que dicte la législation européenne (notre parc automobile étant à plus de la moitié constitué de véhicules de marque européenne) et qui précise que «les pièces de rechange d'origine sont des pièces de rechange qui sont de la même qualité que les composants utilisés lors du montage d'un véhicule automobile»... En clair, les pièces de rechange d'origine doivent respecter le même CDC et les mêmes standards que les pièces destinées à l'assemblage d'un véhicule neuf.
Considérer le marché de la pièce de rechange comme un substitutif à la pièce fabriquée dans l'industrie de montage est un leurre. Ce sont les mêmes contraintes qui s'imposent dans les deux cas.

Vous avez été invitée par le Min Indus à participer à l'inauguration. Que pensez-vous de l'annonce de Monsieur le ministre sur l'industrie automobile?
Je pense que les grandes entreprises implantées ou avec lesquelles nous avons des contacts, attendent de la visibilité et une stabilité juridique sur le long terme, et on ne peut pas, aujourd'hui, considérer que ce soit le cas en Algérie. Encore une fois, et comme nous n'avons eu de cesse de le répéter, le sujet n'est pas le taux d'intégration ou le cahier des charges. Il s'agit avant tout pour le gouvernement de tracer une feuille de route sectorielle qui fixe des objectifs industriels clairs et atteignables.
Ce qui nous intéresse, c'est le bassin d'emploi ou le nombre d'emplois que pourra générer ce secteur, quelles sont les filières qui sont, aujourd'hui, porteuses de valeur ajoutée et qui nous permettraient de nous différencier par rapport à nos concurrents, les pays avoisinants.

Que veut faire l'Algérie? Que veut être l'Algérie? Est-ce que l'objectif est d'être une plate-forme offshore et à cet effet, la logique d'implantation sous forme de filiales des sociétés étrangères pourrait prendre sens, c'est le cas du Maroc. Est-ce qu'elle souhaite consolider ses acquis industriels passés et les renforcer? C'est la logique adoptée par la Turquie dans la mise en place de son écosystème automobile. Quel est l'objectif du gouvernement? Que souhaite-t-il obtenir dans ce secteur?
En tant que nation l'Algérie se doit de poser les bonnes questions avant de se lancer dans des détails tels que le calcul du taux d'intégration.
On l'a suffisamment répété, on ne construit pas une industrie à partir d'un taux d'intégration...

L'Upiam a beaucoup oeuvré à orienter le gouvernement dans ses choix industriels qui a d'ailleurs pris en compte vos plaidoiries sur le secteur automobile en particulier. Comment vous positionnez-vous par rapport à d'autres organisations?
En tant que professionnels, nous restons concentrés sur le secteur industriel loin de toute polémique. Plusieurs de nos propositions ont en effet été reprises par le gouvernement.
Il convient d'abord de rappeler que l'Upiam est la 1ère organisation professionnelle à avoir soutenu dès 2017, avant même que de nouveaux constructeurs ne s'installent que, contrairement à ce qui était dit ici et là sur les plateaux TV, nous étions loin du taux d'intégration escompté.
Nous avons ensuite été écoutés, en effet, lorsque nous avions insisté sur la nécessité de mobiliser les équipementiers de Rang 1, pour permettre à nos sous-traitants de pouvoir se positionner sur cette industrie en tant que sous-traitants Rang 2 et 3, et enfin et plus récemment, la nécessité d'implanter des complexes pétrochimiques afin de produire localement les intrants utilisés dans la plasturgie et nous permettre ainsi d'être plus compétitifs à l'export, en réduisant le coût de fabrication locale.
Il est vrai que les institutions nous ont toujours écoutés et les partenaires soutenus, car ils ont confiance dans notre capacité à faire des propositions et des plaidoiries qui tiennent compte de la réalité industrielle.

Est-ce à dire que l'Upiam va continuer dans cette dynamique... Pourquoi limitez-vous donc votre communication presse et alors même que les actions que vous engagez sont souvent encadrées par des représentations de haut niveau?
Le fer de lance de l'Upiam est la ré-industrialisation de notre pays et nous continuerons à oeuvrer pour atteindre cet objectif. Nous ne dérogerons pas à cet unique objectif. On travaille sur le fond. S'afficher dans la presse sans avoir un réel impact sur le devenir de ce pays...Je pense que certains le font très bien.

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