L'Expression

{{ temperature }}° C / {{ description }}

Cité introuvable.

Dr. Arslan Chikhaoui, expert en géopolitique, à L’Expression

«L’Algérie un hub régional de stabilité»

En plus d'être expert en géopolitique, Dr. Arslan Chikhaoui est membre du Conseil consultatif d'experts du World Economic Forum. Dans l'entretien qu'il nous a accordé à son retour de Davos où il a pris part au fameux Forum économique mondial, il décortique, pour L'Expression, les impacts directs et indirects des événements qui ont révolutionné l'économie internationale et la géopolitique, depuis le 24 février 2022, date du début de l'opération militaire russe en Ukraine.

L'Expression: Vous avez pris part au Forum économique mondial de Davos. Comment, selon vous, s'articulera l'avenir de l'humanité au vu des développements géopolitiques et géoéconomiques récents?
Dr. Arslan Chikhaoui: Au regard des discussions au Forum de Davos, je réaffirme sans ambiguïté comme je l'avais déjà indiqué à maintes reprises à votre média, que le paysage mondial s'achemine vers une cartographie géopolitique et géoéconomique multipolaire qui se dessinera avec ses certitudes et ses incertitudes.
Les certitudes tiennent dans une déglobalisation progressive due à la décroissance économique. Un constat est fait quant au pouvoir grandissant des acteurs non étatiques dénommés (NGO, NGI). Un fait confirme ce futur immédiat très probable et qui est surtout en rapport avec la propagation des nouvelles technologies et la montée de certains pays asiatiques comme la Chine, l'Inde et la Turquie.
La conjonction de tous ces facteurs rendent plus que certain, l'avènement de nouveaux pôles économiques importants à l'exemple de l'élargissement des pays affiliés aux BRICS, comme c'est le cas pour l'Algérie. Mais aussi, des populations vieillissantes au sein de puissances établies avec la mise en place d'une mobilité sélective.Bien qu'inquiétantes, d'autres certitudes pointent à l'horizon, dont l'accroissement des capacités en armes de destruction massives de certains acteurs géopolitiques majeurs. Même si dans cette conjoncture complexe, on retient la volonté des Etats-Unis d'Amérique de rester l'acteur prédominant, il demeure cependant que la probabilité de voir un conflit entre puissances majeures dégénérer en guerre globale est très faible. Mais cette option très vraisemblable n'empêche pas l'émergence édifiante de questions environnementales et éthiques liées à la moralisation de la vie publique au sens large du terme, qui seront indubitablement mises encore plus en avant.

Vous venez de décrire un futur probable sous contrôle. Mais le monde est loin d'être un scénario préétabli. Beaucoup d'incertitudes peuvent se réaliser. Pouvez-vous nous en énumérer les plus importantes?
Dans le mouvement global que connaît la planète, il existe pas mal d'incertitudes, susceptibles de créer des situations inattendues. On peut citer, parmi ces hésitations de l'Histoire, un réel doute sur la volonté et la faculté d'adaptation des États et des Institutions internationales aux acteurs non étatiques. On ne peut rien prédire dans ce registre, la géopolitique n'étant pas une science exacte. Cela nous amène à nous poser la question suivante: les pays asiatiques émergents arriveront-ils à imposer de nouvelles règles du jeu?
Il est certainement trop tôt pour répondre à cette question, mais l'on peut, cependant être sûr d'une chose, à savoir que l'écart entre nantis et laissés-pour-compte risque de se creuser un peu plus. Ce qui constitue en soi une incertitude politique au sein des États et même géopolitique à l'échelle de certaines régions.
Je retiens également la portée du défi de la connectivité et des menaces cybernétiques pour les gouvernements. Ce qui m'amène à m'interroger sur la montée de la Chine et de l'Inde. Cette poussée géoéconomique et géopolitique se fera-t-elle sans tensions? Il y a là une sérieuse incertitude, sachant l'actuelle hégémonie américaine.
Un autre acteur, dont on se demande la nature de sa réaction face à ces défis en raison justement de son arrimage systématique à la vision américaine. Il s'agit de l'Union européenne. Sa politique de convergence se désagrège-t-elle avec les effets de la crise politico-militaire russo-ukrainienne? Une vraie question, sachant l'incertitude qui plane sur la gestion et la maîtrise de la multiplicité des crises économiques récurrentes (financières, énergétiques, alimentaires). Il n'y a pas que cet aspect. On s'interroge aussi sur la gestion et la maîtrise des crises sanitaires cycliques, la récurrence de la perturbation des approvisionnements en matières premières et, plus globalement, l'impact de l'idéologie «extrémisme violent» sur l'unité et la stabilité des États et leur conflictualité potentielle.
Devant cette masse de facteurs qui rendent l'avenir imprévisible, on en arrive à se poser des questions de fond sur les puissances nucléaires. Seront-elles moins ou plus nombreuses? Mais plus que cela, la faculté des terroristes de tout bord à utiliser des armes de destruction massive est une donne sérieuse qui nourrit cette incertitude. Laquelle impactera, dans un autre registre, la faculté de gérer les conflits d'intensité variable et la compétition face aux ressources naturelles. Dans tout cela, l'humanité en est à se demander si les nouvelles technologies disposeront à court et moyen termes des capacités à résoudre des dilemmes éthiques liés notamment à la moralisation de l'environnement politique et économique.

Cela pour le constat et les évolutions probables. Quelles sont les conclusions des experts du Forum économique de Davos?
En dépit d'une situation complexe et alarmante, présentement, les experts au Sommet de Davos se sont accordés sur le fait que la Méditerranée deviendra à terme le centre du nouvel approvisionnement énergétique mondial. Trois scénarii futurs concernant la région de la Méditerranée. Ils reposent sur un axe majeur d'évolution dénommé «Mediterrafrica». Il est ainsi préconisé l'augmentation des potentialités économiques dans les nouveaux marchés émergents en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne.
Il faut savoir que les pays sud-méditerranéens se tournent de plus en plus vers le Sud au détriment du Nord pour leur développement économique. Cette réalité s'explique par le repli de l'Europe sur elle-même. Cela bien avant la crise politico-militaire russo-ukrainienne. Mais cet événement géopolitique majeur a fait que l'Union européenne commence à reconnaître cette tendance et ne compte pas rater une nouvelle période de croissance et de prospérité dans le sud de la Méditerranée.
Il ressort de notre décryptage que les nouvelles élites seront de plus en plus enclines à se concentrer sur le développement Sud-Sud. Aussi bien la Chine, la Turquie que l'Inde, contribueront incontestablement au renouvellement et au développement des infrastructures dans la région. En partie entraînée par des investissements importants et la demande croissante en provenance des pays du BRICS et du CCG, les entreprises d'Afrique du Nord et les entrepreneurs seront au centre du développement de nouveaux liens régionaux. Par conséquent, la rive sud de la Méditerranée se positionnera comme une passerelle clé à la croissance rapide des marchés émergents en Amérique latine, en Asie et en Afrique du Nord et subsaharienne. Sans nul doute, l'Afrique deviendra l'histoire de la croissance surprise de la prochaine décennie. Poussés par des investissements soutenus et la demande en provenance d'autres marchés émergents, plusieurs pays africains entraîneront l'ensemble du continent vers une plus grande intégration économique, ce sera incontestablement de l'Algérie en particulier.

Vous décrivez une Europe qui n'est pas au mieux de sa forme. Son retour en Afrique est incontournable. Quel rôle pourrait jouer l'Algérie dans cette perspective?
Votre question est très pertinente. L'Europe, du fait qu'elle s'était justement longtemps repliée sur elle-même trouvera des difficultés à se repositionner tandis que l'économie de la Méditerranée deviendra la principale plaque tournante pour le commerce africain en pleine croissance et les investissements. Les accords de libre- échange intra-continent connaîtront une dynamique nouvelle. Avec l'augmentation de la coopération Sud-Sud, une nouvelle identité sud-méditerranéenne se développera et la région s'érigera en puissance des marchés émergents.
En somme, la multiplicité des crises et les conflits d'intensité variable et leurs corollaires malveillants du cyberespace deviennent des problématiques de rapports de force, d'influence et de contrôle par les puissances traditionnelles ou émergentes des aires géoéconomiques d'intérêt commun.
Toutefois, il a été largement admis au Forum de Davos que les efforts consentis par l'Algérie à diversifier son économie et à adapter sa gouvernance économique au nouveau contexte, lui donne les atouts au- delà des avantages comparatifs géographiques pour un positionnement stratégique dans ces aires d'intérêt commun.
Les experts du Forum de Davos reconnaissent que l'Algérie dispose du triple levier, énergétique, minier et agricole pour contribuer à terme à contenir les crises de l'approvisionnement en énergie, en terres rares (minerais utiles à la technologie) et alimentaire. 

De Quoi j'me Mêle

Placeholder

Découvrez toutes les anciennes éditions de votre journal préféré

Les + Populaires

(*) Période 7 derniers jours