L'Expression

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Le raï inscrit au patrimoine de l'humanité?

L'information a paru quelque peu bizarre. Elle avait en effet de quoi surprendre tant au regard du contexte, que de la position de ce genre musical dans le vécu algérien. En sollicitant l'inscription de cette musique populaire - genre musical algérien, aujourd'hui le plus célèbre, mondialement, des musiques d'Algérie, conduit par des artistes de talent - au domaine du patrimoine de l'humanité, l'Algérie a fait montre d'une résolution inédite. Cela ne fait pas de doute, c'est une excellente initiative de la part des pouvoirs publics qui se soucient [enfin?] d'un art - longtemps maintenu dans un ghetto - pilier de l'identité nationale. On pourrait aussi bien se demander pourquoi ce soudain intérêt pour un genre marginalisé durant des décennies? Cela est-il en concomitance avec le label «d'art à part entière» qui lui a été décerné outre-Méditerranée? Aussi, pourquoi maintenant - il est patent que cet art mérite tous les égards - et pourquoi le raï seulement quand il aurait été plus avisé et surtout plus prégnant de présenter l'ensemble du florilège musical algérien [unique de par sa diversité] pour une reconnaissance universelle? Aucun pays arabe, aucun pays africain ou méditerranéen, ne peut présenter une palette aussi riche et variée que celle que donne la musique algérienne dont le raï - justement - en est le plus représentatif ambassadeur. Il est vrai qu'épuré, retravaillé ce genre s'est progressivement rapproché, par son tempo, de la pratique universelle, apprécié aussi bien en Europe, en Amérique du Nord qu'au Japon atteignant ainsi à cette universalité. Mais pas seulement, puisque le chaâbi, musique du terroir a fait son chemin dans le monde grâce singulièrement à Dahmane El Harrachi (Ya Rayeh a fait le tour de la planète, repris dans toutes les langues du monde) et, récemment au groupe chaâbi El Gusto - constitué de chanteurs algériens, musulmans et juifs, formés pour la plupart par Hadj M'hamed El Anka - dont les tournées ont été triomphales aux quatre coins du monde, invité partout sauf dans son pays d'origine...l'Algérie. Le baâthisme et les «constantes nationales» qui ont frappé de l'omerta la création artistique en Algérie étaient encore passés par là. Alors que l'on veut inscrire ce genre musical au patrimoine de l'humanité ses vrais rénovateurs - entre autres les frères Rachid et Fethi Baba Ahmed qui lancèrent dans le bain un certain...cheb Khaled - et ses précurseurs des années 1920 à 1970 restent peu connus et ignorés en Algérie même. Et puis quel raï veut-on glorifier? Celui d'Oran, de Sidi Bel Abbès et son mythique groupe Raïna Raï, celui de Relizane ou de Saïda pour ne citer que ses points d'ancrage les plus importants? Ou s'agirait-il de ce raï connu et reconnu au plan universel? De fait, le raï d'aujourd'hui, récupéré par le business international, ne se rattache plus à ses racines que par ses interprètes algériens. Au moment où Khaled et Mami enregistraient leurs CD chez les majors à Los Angeles, des précurseurs du raï vivotaient en Algérie. Cela pour relativiser les choses. Si les artistes algériens disposaient des mêmes moyens que leurs compatriotes expatriés à l'étranger, si on les laissait travailler normalement, il est patent que cette musique n'aurait pas eu besoin de se faire adouber, «labelliser» et «estampiller» à l'étranger. En fait, marquées par les stéréotypes, les lieux et les acteurs, des musiques d'Algérie demeurent occultées, inconnues. Or, s'il existe des musiques transnationales, ce sont bien les genres musicaux algériens. Outre Dahmane El Harrachi, d'autres artistes tel Idir (A Vava Inouva a fait fureur imposant son auteur et le genre kabyle dans le monde) portèrent haut le flambeau de l'art musical algérien. Il existe en Algérie une vingtaine de genres et sous-genres musicaux qu'il est impossible - dans ces lignes - d'énumérer dans leur ensemble qui attestent de la richesse de la musique algérienne, incomparable ailleurs dans le monde. Cette diversité culturelle est représentative d'espaces sociaux spécifiques à la région, à la wilaya, voire à la ville. Cette musique s'exprime en arabe classique, en arabe algérien ce dernier parfois mêlé au français, en tamazigh [dans ses diverses variantes]. Ce qu'il faut relever aussi est qu'au moment où la création artistique - musicale, littéraire, cinématographique... - est bridée en Algérie, celle-ci trouve à s'épanouir à l'étranger se faisant reconnaître comme art majeur (cf; le raï, la littérature, le cinéma).
Face à ce déni, les artistes algériens, par leur talent, s'imposent en dehors du pays. Faut-il relever cette curieuse façon dont sont présentés les succès de Khaled par les médias français célébrant en lui quelqu'un qui «incarne la diversité culturelle française en tenant le devant de la scène à Central Park»?. Voilà comment l'art algérien marginalisé chez nous est récupéré à l'étranger. Alors que le festival du raï en Algérie est [sciemment] écartelé entre plusieurs villes, en France il lui est consacré un Festival international. Cela dit, notre espoir est que l'Unesco accède à la sollicitation de l'Algérie, en consacrant le raï.

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