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Jean-Louis Trintignant, ami de la cause algérienne, est mort à 91 ans

L’acteur qui aimait tant l’ombre

Confronté en Algérie à la vision d’une guerre injuste et cruelle dont il portera longtemps les cicatrices, il donnera libre cours à son discours très politisé. Défenseur du FLN, insoumis, il finira à l’hôpital, puis muté en Allemagne, sous les brimades des sous-officiers.

Vendredi dernier, l'acteur français qui disait «Non» à Hollywood, Jean-Louis Trintignant, est mort à l'âge de 91 ans, aussi discrètement qu'il a vécu. L'homme qui a toujours navigué dans l'ombre, fuyant les feux de la rampe et recherchant constamment une humilité protectrice, s'en est allé sur la pointe des pieds, sans bruit ni vague d'aucune sorte, consacrant sa volonté de demeurer «une page blanche». Il a toujours souhaité «partir de rien, du silence», convaincu que «dès lors, on n'a pas besoin de faire beaucoup de bruit pour être écouté». Rivé au théâtre depuis son plus jeune âge, sous l'influence d'une mère qui rêvait d'être tragédienne, il parvient à transcender une timidité maladive et c'est sous la poussée de son agent qu'il entre en cinéma, dans un film scandale qui défraya la chronique Et Dieu créa la femme, de Roger Vadim, avec Brigitte Bardot dont il devint l'amant, en 1956. Trintignant qui voulait raser les murs s'est, alors, retrouvé dans une notoriété médiatique aveuglante dont il sortira brutalement par une convocation au service militaire...en Algérie.
Confronté à la vision d'une guerre injuste et cruelle dont il portera longtemps les cicatrices, il donnera libre cours à son discours très politisé. Défenseur du FLN, insoumis, il finira à l'hôpital, puis muté en Allemagne. À 30 ans, il est déjà détruit par des années de brimades que les sous-officiers de l'armée française lui ont imposées pour le punir d'avoir fait la Une des médias. Il mettra longtemps à surmonter l'épreuve, broyé jusque dans le théâtre qu'il aimait tant, avec l'échec de Hamlet dirigé par Maurice Jacquemont. L'acteur qui donnait toujours l'impression de «s'ennuyer», à force de verser dans le mal-être, va pourtant avoir une carrière que de nombreux acteurs lui envieront. Lui qui aimait dire de son métier qu'il le fréquentait en clandestin et qu'au final, le public ne l'aimait pas - ce qui était faux, bien entendu,- se relança avec Les liaisons dangereuses (Vadim), puis Le Fanfaron de Dino Risi où il retrouva un brin d'optimisme, au contact de Vittorio Gassman.
Dès 1962, il sentit qu'il «allait mieux», même s'il souffrait de sa «voix triste», de son «incapacité à faire rire». Durant toute sa carrière, il aura cherché à gommer ce sentiment de jeune homme fragile, désenchanté, au sourire grimaçant qui révélait une personnalité complexe et torturée à l'extrême. Après Un homme et une femme de Claude Lelouch, il passe aux films d'Alain Robbe-Grillet (L'homme qui ment, Glissements progressifs du plaisir), davantage intellectuels, puis travaille avec son épouse, Nadine (Mon amour, mon amour, Le Voleur de crimes), marquant au passage le western, dans Le grand silence de Sergio Corbucci.
Une des caractéristiques de Jean-Louis Trintignant que le public ne connaît pas, c'est qu'il a toujours préféré jouer des personnages qu'il exècre!
Exception faite pour le film de Costa-Gavras, Z, tourné à Alger avec la bénédiction du président Boumediene, et qui lui assura le Prix d'interprétation au festival de Cannes, en 1969. Après Ma nuit chez Maud d'Eric Rohmer, ce fut Le Conformiste de Bernardo Bertolucci, qui marqua un tournant dramatique car c'est en plein tournage qu'il a perdu sa fille Pauline, puis quelques années plus tard, son autre fille Marie, tragédies dont il faillit ne jamais se relever.
Acteur fétiche des plus grands réalisateurs, refusant des rôles mirifiques comme le Casanova de Fellini, Apocalypse Now de Coppola ou encore Rencontres du troisième type de Spielberg, Trintignant aura marqué son époque, avec un air de personnage dostoïevskien, qui garde, en son regard, une inquiétante électricité.

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