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LA PETITE BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉTÉ 2016 (V)

L'Histoire a de la Mémoire

ce n'est mÊme pas un euphémisme, car la Mémoire est toujours en flagrant délit de retour à l'Histoire. Cela est avéré dans tous les livres écrits par des esprits imaginatifs qui, pensant parfois trop sérieusement, nous inclinent à ne pas les croire.

Ceux-là sont alors des écrivains de grand talent, c'est-à-dire des romanciers visionnaires très convaincus et très convaincants. Peut-être même, sont-ils des philosophes sur les bords et sûrement des poètes exaltés de réalisme... Aussi pourrait-on dire que, d'une certaine façon, si l'Histoire est porteuse de valeur, la Mémoire n'en conçoit pas une, forcément. Histoire et Mémoire s'équilibrent dans leur tendance, l'une à être figée, l'autre à évoluer sans cesse.
Toutefois, n'exagérons rien de tout cela, la Mémoire est merveilleuse quand il s'agit de retrouver un rêve perdu... dans l'Histoire, et c'est bien ainsi pour certains historiens qui ont de la mémoire aussi, pour démontrer qu'il y a bien des manières d'écrire l'Histoire; il en est de même quand il s'agit de l'enseigner, car le professeur d'histoire n'est pas un historien, - et là, rien n'est permis, ni bavardage ni badinage.
Dans notre Petite bibliothèque de l'été 2016, on peut trouver des ouvrages de réflexion sur l'Histoire. Nous en avons déjà présenté quelques -uns. En voici deux, peut-être, assez significatifs de notre propos général sur le thème «Histoire et Mémoire».
mohamed aly et l'expÉdition d'Alger (1829 - 1830) par le comandant Georges Douin, préface de Sadek Sellam. Éditions Alem el Afkar, Alger, 293 pages: «Le présent s'instruit à l'École du passé... [...] Quand la Mémoire de l'histoire revient tel un écho dont le son ne s'est pas éteint, après des siècles et des siècles, c'est qu'elle tient à exprimer un reste de vérité. Ce reste de vérité, c'est Sadek Sellam qui nous le propose en rééditant, avec une préface justificative, les textes d'archives recueillis par le commandant Georges Douin et publiés, en1930, sous le titre Mohamed Aly et l'expédition d'Alger (1829-1830). [...]
L'histoire générale et militaire française nous rappelle que la première guerre de Syrie (1821-1832), qui a abouti à la paix de Koutahia (1532), a été rapportée de quantité d'archives importantes sûres par le commandant Georges Douin, auteur de la fin du xviiie siècle. Cet historien de la «Question d'Orient», parfaitement introduit dans la Société Royale de Géographie d'Égypte a pu réaliser une utile compilation très riche en informations sur les relations «Occident-Orient» des royaumes, des empires et des États. Parmi ses publications, citons: en qualité de lieutenant de vaisseau, La Campagne de Bruix en Méditerranée, mars-août 1799, éd. 1923; en qualité de commandant, La Méditerranée de 1803 à 1805. Pirates et corsaires aux îles Ioniennes, éd.1917), Les Premières Frégates de Mohamed Aly (1824-1827), éd.1926,... Mohamed Aly et l'expédition d'Alger 1829-1830, par le commandant Georges Douin, 1930. Datant de plus de 80 ans, et conçue pour célébrer le centenaire de «la prise d'Alger», cette dernière édition des archives diplomatiques réunies par des personnalités, entre autres, Drovetti, grand administrateur de Mohamed Aly (aux yeux rieurs et rusés) ou Guilleminot, ambassadeur à Istanbul, a retenu l'attention de Sadek Sellam, écrivain et historien franco-algérien, né en 1950. Il est auteur de livres et d'articles sur l'Islam dont «L'Islam et les musulmans en France» (éditions Tougui 1987). Il a publié, notamment, La France et ses musulmans. Un siècle de politique musulmane (1895-2005), éd. Fayard, Paris, 2006.
D'emblée, soulignant l'intérêt de l'ouvrage de Georges Douin, Sadek Sellam rappelle «La France s'apprête à célébrer en 1930 le centenaire de la prise d'Alger. Ce n'est, on le sait, qu'après de longues hésitations, et à défaut d'autres moyens d'aboutir la satisfaction que réclamait l'honneur national, que le gouvernement du roi Charles X se résolut à faire cette expédition. Cependant, le quart de siècle qui venait pour lors de s'écouler avait vu naître, à l'autre extrémité de l'Afrique, un grand royaume africain et asiatique. Soldats victorieux des factions qui divisaient l'Égypte. Méhémet Ali avait unifié le pays, puis, débordant de ses frontières, conquis l'Arabie et le Soudan et annexé ces provinces à son empire. Portant ensuite ses armes en Morée, il avait fait aux Grecs une guerre destructrice, à laquelle l'intervention de trois des grandes puissances de l'Europe avait, seule, réussi à mettre fin.»
Voilà, sans doute bel et bien une vision assez caractéristique des puissances de l'époque, - et qui rappelle celle, plus ou moins secrète, des puissances d'aujourd'hui, ct. les prétextes européens et occidentaux pour ruiner «les printemps arabes» de Tunisie, de l'Égypte, de La Lybie, de la Syrie... Fort de son raisonnement, Sadek Sellam poursuit: «À cet homme dont le génie puissant transformait ainsi les conditions politiques de l'Orient, le gouvernement du roi de France songea un instant à s'associer, à l'automne de l'année 1829, pour purger les rivages de la Méditerranée des pirates barbaresques.» Voilà donc de nouveau en exercice cet esprit belliqueux occidental - trop célèbre, hélas! - et conquérant, impérialiste et finalement colonisateur. Toutefois, comme il se doit, on passe par des «négociations»? Ensuite, c'est l'expédition, l'envahissement du territoire, puis la colonisation [...].» pluies d'or de Mohamed Sari, Chihab Éditions, Alger, 2015, 290 pages: «La fantasmagorie à l'épreuve du réalisme flagrant... [...] Que peut-on imaginer de plus effrayant que ce qui est effrayant dans une société insensée, contraire à sa nature humaine et qui réinvente, pour survivre, l'inconcevable ignominie de la société barbare toujours prête au délire de domination? [...] Cela me fait penser à la trilogie romanesque d'Anys Mezzaour, le jeune et pétillant auteur de La Proie des Mondes, La Terreur des Mondes et bientôt, nous dit-on, L'Espérance des Mondes (comme les deux premiers tomes, à paraître aux éditions ENAG, Alger). Il a charmé intelligemment ses nombreux lecteurs, jeunes et moins jeunes, avec le difficile genre littéraire appelé «fantasy», - et qu'il maîtrise merveilleusement. Les lecteurs fidèles au Livre Algérien, tout court, éducatif et instructif, seront sûrement bien aise de constater que, dans le nouveau roman Pluies d'or (*) de Mohamed Sari, ils voltigeront de même, non pas dans des «Mondes parallèles» à l'aide d'une ceinture de volatilisation à la manière des personnages héroïques tels que Bill l'Américain ou Symias l'Algérien; ils se déplaceront, vigilants et étonnés, armés de leur seule conscience. [...]
Une constance de la mythologie grecque dans la légende algérienne. Ici, le romancier fait traverser ses lecteurs des pages denses, chargées d'informations amères et cependant souvent aussi pleines de rêves légitimes. Des femmes et des hommes se découvrent des dons, se forgent des pouvoirs inouïs pour soulager le monde miséreux sur une terre stérile. Mais hélas! par ainsi la plupart de ces «sauveurs», soumis à leurs basses passions, agissent pour réduire les populations et, au vrai, pour les assujettir... Le recours au «Miracle» atteint toutes les couches sociales de ce monde triste, de ce triste monde, à l'esprit sans lumière. Et si l'on pense que Mohamed Sari a écrit un roman, ce n'est là ni un récit fictif ni une allégorie. Nous sommes dans notre propre miroir et nous nous y voyons dans «une réalité fantasmagorique» ancienne, présente, même future. [...]
Le réalisme plus vrai que nature. Au-delà de l'histoire, le réalisme bruit dans la mémoire humaine. Aussi, Mohamed Sari va-t-il loin dans l'histoire, la nôtre, à ce que nous croyons, à ce que nous ne devons pas croire... Et Pluies d'or - euphémisme réfléchi et donc construit - est un titre de roman qui prédispose à quelque magnificence extraordinaire, incomparable à la légende où les mythes ne sont pas des mythes. Dans ce roman de Sari, il faut admettre que le réalisme littéraire étouffe de tout son poids et de son impressionnant volume l'idéalisme sous-jacent. Au reste, l'auteur s'en trouve bien aise et nous présente un aspect méconnu d'«une geste» algérienne dont le fantastique des personnages, des idées et des actes est impressionnant. Voici donc El Mahdi des temps modernes, sans l'authentique raison de l'imâm «Grand Réformateur et Sauveur de l'Humanité», dont l'apparition est annoncée par les saints doctes de l'islâm. Mohamed Sari évoque la grande figure d'Ibn Toumert en corrigeant son histoire et les incessantes violences de son époque. [...]
Pluies d'or fait de Mohamed Sari à la fois un historien et un romancier. Il n'est pas avare de bonnes pages à lire sur des sujets d'actualité et qui nous préoccupent tous ici et maintenant.»
(À suivre notre Petite bibliothèque de l'été 2016, mercredi 14 septembre 2016, p. 21.)

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