L'Expression

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LA VOIE PROFESSIONNELLE

Une planche de salut

La crise économique mondiale a bousculé bien des idées reçues concernant notamment les finalités et la mission du système scolaire. Ainsi, les pays qui s'en sortent le mieux ont un taux de chômage insignifiant et une industrie performante. C'est le cas de l'Allemagne et de la Suisse qui ont fait de l'enseignement professionnel et de l'apprentissage l'alpha et l'oméga de leur politique éducative. Dans ces deux pays, les ¾ des élèves du collège admis au secondaire choisissent la voie professionnelle. Et parmi eux, les meilleurs de leur promotion! Des élèves qui assument leur orientation ou la choisissent par vocation ou amour pour tel ou tel métier. Il est vrai que dans les pays anglo-saxons, les métiers manuels ou les spécialités techniques ne sont pas frappés d'ostracisme bourgeois.
En France, les politiciens ont fini par mettre le holà sur la logique de la réussite scolaire, celle dictée par l'aristocratie d'antan, mais toujours prégnante. Une idée de la réussite en vogue depuis des siècles. En effet, la patrie des examens-filtres et de la sélection arbitraire souffre de ne point harmoniser l'équation formation - emploi. Son système scolaire a de tout temps privilégié le règne de l'intelligence verbo-conceptuelle des disciplines littéraires au détriment de l'intelligence pratique. Il était mal vu chez le bourgeois français de voir son enfant devenir maçon, plâtrier ou cuisinier. C'est ainsi que les lycées professionnels avec le bac professionnel ont été réservés aux enfants des classes défavorisées. Quant à la progéniture des riches français - elle écumait et écume toujours - les grands lycées, les classes préparatoires et les grandes écoles. Mais dans ce pays, des changements, timides certes, sont perceptibles quant à la revalorisation du secteur de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Former les futurs adultes
Cette tardive prise de conscience par les partisans du libéralisme conservateur a eu pour origine le triste spectacle des chaînes de demandeurs d'emploi qui s'allongent devant les agences d'emploi. Nombreux sont des universitaires versés dans des domaines de pointe qui aspirent à trouver un poste de travail, même sous-qualifié au regard de leurs diplômes. Une nette tendance se dessine en France. Des diplômés d'université s'inscrivent dans des écoles professionnelles pour décrocher une qualification à un métier manuel. Ils fuient le spectre du chômage en adhérant à un choix alimentaire. A leur coeur défendant, ils acceptent de devenir artisans ou manoeuvres spécialisés. Les postes à pourvoir - là où l'offre est grande - sont ceux justement qui exigent des qualifications techniques et manuelles: les métiers de l'industrie, du bâtiment, des travaux publics, de l'hôtellerie.
Si les entreprises bénéficient de cette plus-value intellectuelle par l'arrivée de ces ouvriers insolites (des universitaires), il n'en demeure pas moins qu'elles perdent en efficacité. Manier le pétrin, la truelle ou la fraiseuse requiert des habiletés voire des compétences qui ne s'acquièrent pas facilement 'in situ'' et à un âge avancé. Leur scolarité durant, ils n'ont pas eu de contact avec le monde du travail. C'est toute la pédagogie scolaire qui est à adapter pour justement développer des compétences et des attitudes qui ne dévalorisent pas le travail manuel.
Le système scolaire doit s'outiller, dès le primaire, de façon à former et éduquer des futurs adultes aptes à affronter l'éventualité de mutations inédites du marché de l'emploi. L''école se doit de les préparer dans l'optique de ces changements en harmonisant le couple intelligence verbo-conceptuelle et intelligence pratique. C'est là, la dimension polytechnique de l'éducation scolaire qui revient en force après avoir été discréditée (par la bourgeoisie conservatrice) lors de son avènement dans les pays socialistes pendant les années 1960/70. Dès leur entrée à l'école, les enfants, puis par la suite les adolescents, découvrent la vie dans ses multiples facettes: la vie dans la ferme, à l'usine, au bureau. Ils reçoivent une information riche sur le vaste monde du travail. Ils développent une claire conscience des contraintes et des avantages de tel ou tel métier. Munis de ce viatique informationnel, et formés en conséquence par un contact précoce aux exigences des différents domaines de la vie professionnelle, de tels élèves n'auront pas de difficultés à s'adapter à de brusques changements de carrière.
La pédagogie dans les écoles à dimension polytechnique est celle qui vise au développement global de la personnalité du futur adulte. Cette éducation est dite globale dans la mesure où elle équilibre, par ses programmes et ses méthodes d'enseignement, les dimensions constitutives de la personnalité humaine: les différentes formes d'intelligence (pas seulement celle dite conceptuelle), l'affectivité et la motricité. Ainsi, une bonne politique d'orientation scolaire et professionnelle axée sur les goûts et les aptitudes permettra d'alimenter le monde du travail - et ce, à tous les niveaux de sa hiérarchie - en futurs cadres motivés et performants. Ils ne seront pas déboussolés par les changements de cap et pourront intégrer facilement un nouveau poste de travail dicté par les circonstances.
Pour ce qui est de l'Algérie, l'abandon de la dimension polytechnique dès son annonce en 1981, a généré des dysfonctionnements identiques à ceux observés en France. D'ailleurs, nous partageons avec ce pays le même mépris hautain vis-à-vis de la voie professionnelle. Et nous le payons cash avec des amphithéâtres d'universités en sureffectif: des bataillons de futurs chômeurs. Il n'y a qu'à voir les centaines de milliers de postulants universitaires aux différents concours de la Fonction publique!
Une lueur d'espoir avait pointé à l'horizon avec l'adoption du concept d'enseignement professionnel en complément de celui de formation professionnelle. En 2007, le ministre de l'Enseignement et de la Formation professionnels avait suggéré de supprimer la mention «orienté vers la vie active» des bulletins des élèves exclus en fin de collège ou du lycée.
Il est vrai que cette mention hypocrite est une aberration qui plombe les aspirations de sa victime. Ces élèves sont programmés pour une seule destination possible, autre que l'informel et le chômage: celle de la formation professionnelle. De quoi dévaloriser ce segment du système éducatif national! Nul doute que la suppression de cette formule («orienté vers la vie active») se voulait l'antidote de l'anathème subi simultanément par cette catégorie d'élèves et par le seul secteur qui leur servira de refuge: à savoir les écoles de formation professionnelle et d'apprentissage. Ce souhait de valorisation a toujours animé les gestionnaires de ce secteur que l'on doit qualifier de stratégique. Nous avons, en mémoire, l'idée pertinente, au début des années 2000, d'instituer un bac professionnel qui aura eu le mérite de placer sur l'orbite de la valorisation ce secteur de la formation professionnelle. Au finish c'est le concept d'enseignement professionnel qui a été retenu avec un double diplôme - DP1 et DEP 2éme degré - étalé sur quatre ans après la fin de collège. Les postulants à l'enseignement professionnel sont soumis aux mêmes conditions que leurs camarades qui accèdent au lycée d'enseignement général. Pour accéder à l'Institut supérieur d'enseignement professionnel, il faut que le collégien obtienne la note d'admission au cycle post - obligatoire, soit un 10/20. Ce critère a pour but de rehausser ce nouveau cycle (l'enseignement professionnel) et surtout de poser de solides bases pour ses futurs diplômés. En espérant que l'université suive ce mouvement de valorisation. Peine perdue jusque-là!

De l'enseignement professionnel au supérieur
En théorie, l'arrêté interministériel n° 54 en date du 4 juin 2005 (Education nationale et formation professionnelle)officialise- en rendant opérationnelles les passerelles d'orientation - le passage des élèves de fin de cycle moyen (admis et non admis au lycée) vers les secteurs de l'enseignement professionnel et/ou de la formation professionnelle. La nouveauté réside dans le principe d'un choix d'orientation offert et non imposé aux élèves du collège. Aux yeux des élèves et des parents - s'ils sont sensibilisés à temps - c'est l'angoisse des fins de parcours scolaires qui prend fin. A cet effet, une campagne de sensibilisation permanente est indispensable. Les élèves concernés recevront l'information nécessaire sur les conditions d'admission et les modalités d'orientation vers l'après- collège. La valorisation de ce secteur se lit aussi à travers une disposition de cet arrêté qui stipule que les élèves de 1re AS - s'ils ont des difficultés ou s'ils ne veulent pas suivre l'enseignement des lycées -peuvent être réorientés vers l'enseignement professionnel. Si elle venait à être appliquée avec rigueur, cette disposition serait une arme fatale à la déperdition scolaire. Mais ce fléau ne disparaîtra pas sans une attractivité motivante de l'enseignement professionnel. Avec la création de cet enseignement professionnel et ses deux diplômes (DP1 et DP2 en quatre ans), on avait cru à une opportunité de le voir intégrer le cursus académique avec vue sur l'enseignement supérieur. Erreur d'optique!
Malheureusement, la réalité a fait que la désaffection et la dévalorisation a continué de plus belle. C'est que des responsables haut placés ne cessent de déclarer que «l'université ne doit accueillir que l'élite des lycées (sic!) et que les élèves qui ne sont pas aptes n'ont qu'à aller vers le secteur de la formation professionnelle». Ces responsables oublient que les diplômés des Isep (enseignement professionnel) ont suivi quatre années d'études alors que leurs homologues lycéens, devenus bacheliers, n'en ont fait que trois. Il est tout à fait logique que les lauréats des Isep soient éligibles à des études supérieures, en ingéniorat dans leur spécialité. Et c'est le cas dans tous les pays développés. En France, l'équivalence de bac + 2 est octroyée aux titulaires du diplôme de «meilleur ouvrier de France» lequel concours concerne pas moins de 200 métiers - du maçon au tailleur de pierre. Il y a tellement à faire pour que le secteur de l'enseignement et de la formation professionnelle devienne réellement la rampe de lancement de ce qui fait la force d'un pays: former les bras et les têtes qu'il faut pour décoller économiquement. L'argent pour construire les infrastructures et former l'encadrement de qualité, la modernisation du secteur dans les filières, les contenus et les méthodes de la formation, l'attractivité des perspectives (ingéniorat), la communication tous azimuts pour promouvoir ces efforts de réhabilitation: ce sont là quelques éléments-clés d'une vraie rupture avec la vieille image de la formation professionnelle. N'oublions pas que le concept de la formation professionnelle - les Cfpa - est né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans le but de reconstruire les pays européens. Jusque-là, la FP était perçue sous l'angle de la dévalorisation, pour ne pas dire démonétisation. Erreur fatale! Mensonge grossier que de belles réussites individuelles ont débusqué. Ils sont nombreux les plombiers, les maçons, les pâtissiers à avoir réussi leur vie sur le plan matériel tout en exerçant le métier qu'ils ont choisi par amour. La crise actuelle nous fait revenir sur terre en nous rappelant que le bonheur n'est pas évaluable à l'aune du regard des autres. Mais qu'il est d'abord une question de choix personnel. Et tout le monde ne rêve pas de devenir médecin ou avocat. Et si tel était le cas ce serait une catastrophe!
Nous apprenons que le ministère de l'Education nationale vient de relancer l'idée de la création du bac professionnel. Une idée qui invite urgemment à un débat sérieux sur le devenir des collégiens et lycéens qui veulent postuler à la voie professionnelle, mais refusent de s'y engager. Il s'agit justement de leur permettre l'accès aux études supérieures selon des modalités à peaufiner. Au-delà de la formule à retenir - bac professionnel ou DP1 + DP2 des lauréats des Instituts supérieur d'Enseignement professionnel? - l'essentiel est de motiver les élèves qui rêvent, depuis leur enfance, d'un métier autre que celui dicté par les blouses blanches et les ronds-de-cuir fonctionnarisés. C'est d'une révolution dans les moeurs scolaires et universitaires dont le pays a besoin. Bien plus: un changement de mentalités ankylosées jusque-là dans le mimétisme propre aux peuples anciennement colonisés. Frantz Fanon nous avait avertis pourtant. Nous reviendrons sur le sujet, lors de nos prochaines éditions.

TRIBUNE DES LECTEURS
«La rubrique éducation vous invite à poser vos préoccupations. Confiez-nous les problèmes rencontrés par vos enfants dans leur scolarité. Une équipe de spécialistes est à votre écoute.»

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