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RECRUTEMENT ET FORMATION DES ENSEIGNANTS

Et si on revenait aux normes universelles?

Nul ne peut nier que la formation continue des enseignants constitue le tremplin pour améliorer la qualité de l'enseignement et ainsi (re)donner à l'Ecole algérienne ses lettres de noblesse, mais rares sont les personnes qui posent les modalités de recrutement comme préalable prioritaire et qui se penchent sur celles (les modalités) de la formation initiale.

Depuis plus de dix ans, pour répondre à la demande croissante en enseignants, des dizaines de milliers de jeunes sortants d'université ont pris poste à partir de la présentation d'un simple dossier de recrutement, ce niveau académique étant un minimum exigé depuis le lancement de la réforme en 2003, mais est-ce suffisant pour apprécier les qualités du postulant à un métier exigeant mais passionnant? La sagesse pédagogique et l'expérience du terrain nous enseignent le principe suivant: «Ne peut devenir enseignant qui veut.» En effet, l'amour du métier (la vocation) ainsi que l'amour du travail avec les enfants sont deux critères essentiels pour être un enseignant respecté et respectable. Pourvu de ces qualités humaines, le futur enseignant se donnera corps et âme à sa mission. Il cherchera à se documenter, à se remettre en question pour s'améliorer: à s'auto-former tout au long de sa carrière. Avec un tel profil, il(ou elle) rejoindra avec plaisir les sessions de formation continue que la tutelle lui offre.Il aura à coeur de connaître ses droits, mais aussi et en priorité, ses devoirs d'éducateur, dévoué à ses élèves. Il aura à consentir des sacrifices pour eux (don de soi) ainsi que l'exige l'éthique de ce noble métier. Car, avant d'être fonctionnaire, l'enseignant est d'abord éducateur: vérité bonne à connaître et à méditer. Sinon, c'est le «tout-venant» qui risque d'atterrir dans nos salles de classe. Avec tous les dégâts imaginables, mais comment la tutelle peut-elle agir pour détecter un tel profil d'éducateur?
Effectivement, la présentation d'un simple dossier est loin de suffire pour dire qu'un tel ou une telle postulant(e) est apte à enseigner. Dans l'écrasante majorité des cas, ces concours sur dossier ont attiré vers le métier des universitaires chômeurs qui n'ont jamais pensé un jour enseigner à des enfants ou à des adolescents. D'autres, tout aussi nombreux, ont choisi cette voie pour les avantages qu'elle offre: vacances scolaires et horaires très réduits. Et un tel choix donne naissance à des appétits qui n'ont rien à voir avec la morale la plus élémentaire. Cette catégorie rêve d'investir le business sauvage des cours payants. On a même recensé des universitaires, déjà en poste dans un autre secteur, démissionner pour rappliquer vers ces concours de recrutement au motif non avoué de «faire du business» avec les cours payants et jouir des vacances à rallonge.
Malheureusement, cette situation déplorable pénalise l'éducation et l'instruction de générations entières d'élèves. Plus grave: elle n'a que trop duré, inondant les salles de classes de dizaines de milliers d'enseignants mal outillés pour le métier. Sûrement que parmi eux, certains découvriront l'amour du métier et apprendront à s'améliorer sans cesse, mais combien sont-ils? C'est donc avec soulagement que les parents ont appris la nouvelle mesure prise par le ministère relative au recrutement externe des enseignants: fini le concours de recrutement sur simple dossier.
A partir de cette année 2016, avant la fin avril, les recrutements se feront désormais sur des épreuves écrites-orales combinées. Des modalités plus rigoureuses que celles des années précédentes sont ainsi mises en place pour évaluer les postulants au poste. Un changement, certes, salutaire, mais insuffisant.
A-t-on vu quelque part dans le monde, des médecins formés en dehors de ces structures appropriées que sont les Facultés de médecine? Jamais! C'est la même chose pour les enseignants: seule une formation initiale dans les Ecoles normales supérieures doit garantir leur recrutement. Là aussi, une question mérite d'être posée: sachant depuis des décennies que les besoins annuels en enseignants se chiffreraient par milliers, pourquoi l'Etat algérien n'a-t-il pas ouvert des ENS en nombre suffisant? On apprend que trois autres ENS viennent s'ajouter aux cinq déjà en fonction et... qui forment pas plus de 10% des besoins annuels. Une misère qui allonge la vie des recrutements externes tant décriés et à juste titre. Il y a lieu de signaler que des mesures sont actuellement en cours pour récupérer des ITE généreusement offerts à d'autres ministères pendant la décennie 1990/2000.
Ces institutions bénéficiaires restitueront-elles ces cadeaux? Et à ce niveau de la problématique, le ministère de l'Education nationale est dans l'obligation d'explorer d'autres pistes en interne.

Les mesures populistes
Après la triche, ce sport favori des Algériens, voilà que le populisme nous est servi comme mamelle à traire et à boire. Et si le populisme est un avatar de la politique, généralement réservé aux politiciens, il n'en demeure pas moins qu'il rencontre un franc succès auprès des citoyens. Il suffit au tribun de les caresser dans le sens du poil pour que la pilule passe comme une lettre à la poste. Quant aux dégâts de cette pratique, personne pour s'en soucier, ni le politicien ni le bénéficiaire de ses largesses.
Certes, les conséquences désastreuses du populisme peuvent se combler à court ou moyen terme dans les secteurs de l'économie ou de l'agriculture, mais jamais dans des secteurs vitaux tels que l'éducation et la santé. Dans ces deux secteurs, les dégâts sont souvent insurmontables. N'oublions pas que le médecin et l'éducateur exercent deux professions qui agissent directement sur le devenir des personnes qu'ils prennent en charge.
Le premier peut sauver son patient de la mort physique. Quant à l'éducateur, il sauve son élève de la mort symbolique, comprendre la misère intellectuelle et morale. Pas seulement un élève, mais toute une génération.
C'est dire l'impact de son action à moyen et à long terme! Prenons ce cas insolite, mais plausible dans des pays où les critères et les normes de qualité sont ignorés. Admettons que dans ce pays, il y aurait un besoin urgent en recrutement de médecins, dicté par un déficit énorme. Et que le ministère concerné avise de promouvoir les étudiants de 4° année, en médecins à envoyer sur le terrain pour combler le déficit.
Quel est le citoyen qui accepterait de faire soigner son enfant par des novices nullement qualifiés pour diagnostiquer le mal et prescrire le traitement approprié? Quel serait le taux de mortalité ou d'infirmité qu'une telle décision populiste engendrerait? Un tel scénario ne pourra jamais se produire en Algérie, Dieu merci.
Malheureusement et à plusieurs reprises, il a été appliqué dans le secteur de l'éducation avec le recrutement massif et aveugle, sans formation préalable aucune, de dizaines de milliers de jeunes universitaires fuyant le chômage. Pis encore, en 2009, le populisme des décideurs est allé jusqu'à intégrer, sans aucune précaution d'usage des dizaines de milliers de contractuels. Quels sont les dégâts occasionnés par une telle décision? Dieu seul le sait. A moins de réaliser une étude fine auprès des malheureuses victimes: les élèves. Non, mille fois non! Le secteur de l'éducation mérite plus de respect et de rigueur morale dans sa gestion, à commencer par les modalités de recrutement et de formation des futurs enseignants.
A-t-on vu des diplômés universitaires, toutes filières confondues, rappliquer en masse vers des recrutements pour devenir médecins? Seule la Faculté de médecine est habilitée à les former après un cursus et un parcours d'obstacles difficile et contraignant. N'est-ce pas là le prix à payer pour garantir la qualité et l'excellence universitaires et assurer la santé des citoyens? Idem pour l'éducation, seules les Ecoles normales peuvent former et valider la qualification de celles et ceux qui auront la lourde mission de mener nos enfants vers la lumière du savoir.
Ces recrutements en externe - même si depuis cette année les modalités du concours sont devenues plus exigeantes - sont une hérésie qui a accéléré la déliquescence du système éducatif dans sa globalité. Et pour enfoncer le clou, on apprend que des syndicats de contractuels (sic!) demandent à ce que les pouvoirs publics remettent à jour la funeste décision populiste de 2009: les intégrer directement sans passer le concours des épreuves écrites et orales. Peut-on accepter cette revendication, de façon laxiste, sans vérifier leur compétence professionnelle?
Certes, parmi eux, voire la majorité, il y en a qui ont fini par aimer ce métier et par s'améliorer. Ils ont acquis une certaine expérience sur le terrain. Mais cette expérience demande à être validée, évaluée comme cela se passe dans tous les pays du monde civilisé. Et l'occasion leur est offerte par ce concours écrit et oral de 2015, pour prouver qu'ils méritent de recevoir la confiance des parents, de leurs élèves et de la société. Un concours dont les résultats tiendront compte de leur expérience et de leur motivation à continuer leur noble mission.
L'éducation des enfants ne se monnaye pas, surtout pas pour des dividendes bassement politiciens: acheter la paix sociale ou se faire élire. A trop forcer sur la corde du populisme, elle finira par rompre emportant avec elle ce que le pays a de plus cher: ses valeurs morales.

Que faire?
Il est urgent de penser à revenir aux normes universelles en matière de recrutement et de formation initiale. En finir une fois pour toutes avec ces recrutements externes qui n'ont fait que pourrir une situation déjà mise à mal par de nombreux dysfonctionnements récurrents depuis des décennies. Le MEN a entrepris de mettre en application les recommandations des deux Conférences nationales d'évaluation de la réforme organisées en 2014 et 2015. Des recommandations pertinentes qui, toutefois, nécessitent une certaine audace salvatrice pour le secteur. Il s'agit notamment, de deux mesures complémentaires à celles émises par les dites Conférences d'évaluation:
- d'abord que le MEN reprenne en main la formation initiale des professeurs de collèges et d'écoles primaires (et de maternelles) comme cela s'est toujours fait par le passé. Revenir à l'esprit qui guidait les pratiques de formation des anciennes Ecoles normales: rigueur, éthique et professionnalisme. Les recrutements pourront se faire au niveau des étudiants de deuxième ou troisième année de faculté. Ils auront à concourir et à signer un document dit d'engagement sur l'honneur et qui comporte les devoirs et les obligations. Leur formation en alternance - pratique-théorique - sera basée exclusivement sur les aspects liés au métier: pédagogie, philosophie de l'éducation, doctrines pédagogiques, législation, morale professionnelle etc.Les études dans ces instituts de formation des professeurs d'école primaire et de collège seront sanctionnées par une licence universitaire d'enseignement spécifique au secteur.
- Dans un deuxième temps, en tant que demandeur - le Mers n'étant que le prestataire de service - le Men doit disposer d'un droit de regard sur le programme de formation des ENS qui forment les professeurs de lycée. Ficeler le cahier des charges en quelque sorte. Ce qui est perceptible depuis cette année avec les travaux de la commission mixte MEN/Mers. Mais faudrait - il que le secteur de l'Enseignement supérieur accepte ce statut de prestataire de service. Il n'est pas logique qu'un PES soit tenu dans l'ignorance de ce que seront l'alpha et l'oméga de son métier. Nous avons en mémoire l'image de ces jeunes PES angoissés devant leur classe et ne sachant par quel bout commencer. Pour rappel, il est connu que les ENS n'ont jamais - et de tout temps, depuis leur création en France - accordé d'importance aux aspects pratiques du métier. Elles ont toujours privilégié la formation académique - ce qui n'est pas négligeable en soin, n'est-il pas temps de remettre les pendules à l'heure de la professionnalisation de la formation initiale? Et de donner un socle commun de connaissances et de compétences pratiques à tous les enseignants, tous cycles confondus. Et dans la foulée briser le corporatisme qui cloisonne les cycles et crée des frictions entre les enseignants.
Un gros défi attend le Men. Il mérite d'être relevé en appliquant les normes universelles en recrutement et formation des futurs enseignants, mais en attendant, les conséquences des mesures iniques prises par le passé, persistent. Et c'est là le drame. Même si des efforts sont fournis pour combler ces déficits en formation. Vous avez dit: «Travaux d'Hercule?»


TRIBUNE DES LECTEURS
«La rubrique éducation vous invite à poser vos préoccupations. Confiez-nous les problèmes rencontrés par vos enfants dans leur scolarité. Une équipe de spécialistes est à votre écoute.»

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